C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes mais ce dicton s’applique t-il aussi à la publicité ? Leclerc et BETC semblent le croire. Les consommateurs jugeront par eux-mêmes…
Après vingt années de fidélité auprès d’Australie, le distributeur a choisi en 2018 de confier sa communication corporate et commerciale à BETC. Pour sa première grande campagne nationale multi-formats avec sa nouvelle agence, le Mouvement E.Leclerc a décidé de concentrer tous ses messages autour d’un seul et même motto : ses prix bas. La coopérative s’engage ainsi à « défendre tout ce qui compte pour vous » grâce à ses tarifs planchers. Pour marquer les esprits, ses affichages présentent des tickets de caisse sur lesquels sont inscrits des engagements qui sont supposés parler au porte-monnaie des particuliers. « Avoir la main verte ne devrait jamais vous mettre dans le rouge. Chez Jardi E.Leclerc tout pour votre jardin à prix E. Leclerc ». « Faites votre vidange sans vider votre compte en banque. Chez l’auto E.Leclerc l’entretien auto existe à prix E. Leclerc ». Basique, vous avez dit basique ? Les trois films de quinze secondes qui passeront sur les petits écrans montrent, eux, des tickets qui sortent d’une imprimante en caisse avec, une nouvelle fois, des messages uniquement axés sur les tarifs de l’enseigne. Deux spots de 35 secondes, plus amusants et originaux, détaillent les coûts que représente la naissance d’un enfant ou une sortie entre amis.
Gilets jaunes
Cette campagne centrée sur le pouvoir d’achat tombe à pic. Mais ses créateurs l’ont imaginée bien avant le déclenchement du mouvement des Gilets jaunes. Tout est parti d’un simple constat : « Les études montrent que la France devient une société de déconsommation, assure Nathalie Jacquier, directrice générale de BETC Shopper. Le modèle des hypermarchés connaît aussi des problèmes car les Français n’ont pas envie de passer des heures pour faire leurs courses. Ces derniers ont du mal à distinguer l’offre et la politique tarifaire des différents distributeurs. Ces deux dernières années, les cinq grandes enseignes ont toutes adopté des discours tournés autour de la qualité alimentaire tandis que Leclerc restait en retrait ». L’agence a alors cherché un message qui lui permettrait de se différencier de ses concurrents.
« Nous ne voulions pas dire la même chose que les autres, confirme Nathalie Jacquier. Leclerc a toujours voulu protéger le pouvoir d’achat des Français et pas seulement dans le domaine alimentaire qui représente moins d’un tiers du budget des familles. La question fondamentale à laquelle personne ne répond est de savoir si tout le monde a accès à la société du mieux. Nous avons donc choisi de mettre l’accent sur les prix bas de l’enseigne tout en montrant l’ampleur de son offre. Leclerc possède ainsi la plus grande cave à vin de France et personne ne propose autant de références bios. »
Un pari risqué
Cette stratégie n’est-elle pas risquée dans une période où les gens associent souvent les prix bas à la malbouffe, à la dégradation de l’environnement et aux conditions de travail déplorables des salariés dans les pays en voie de développement ? « Aujourd’hui, nous devons tous faire des arbitrages et des choix dans notre budget et ce, quel que soient nos revenus », insiste Olivier Apers, directeur de la création exécutif de BETC. Soit mais tout de même… Dans sa nouvelle campagne imaginée par Publicis, Carrefour souhaite devenir « le leader de la transition alimentaire pour tous » grâce notamment à la mise en place de son programme d’actions pour la qualité alimentaire baptisé « Act for Food » . Intermarché choisit, lui, de raconter de belles histoires autour des légumes alors que Système U veut promouvoir le mieux-manger avec l’aide de TBWA . E. Leclerc a cherché à jouer une note différente dans ce concert de campagnes pleines de bonnes intentions. Mais parler de gros sous suffira t-il à convaincre les consommateurs de retourner dans leurs hypermarchés ? Rien n’est moins sûr…