Plus connu sous le nom de crowdfunding (don), crowdlending (prêt) ou encore crowdequity (investissement en titres), le financement participatif sous toutes ses formes – ayant émergé en France en 2012 avec la promesse de rediriger l’épargne des citoyens vers de petites entreprises – connait aujourd’hui un bilan mitigé. Explications.
Si ses deux premières variantes, le crowfunding et le crowdlending, poursuivent leur croissance et continuent de s’inscrire durablement dans le paysage du financement français, le crowdequity connait depuis peu un véritable déclin. En 2018, 47,1 millions d’euros ont été récoltés via ce dernier biais en France, contre 58 millions en 2017, soit une collecte en baisse de 19% (1). Comparativement, le total des montants levés par les startups françaises, lui, explose : avec un nouveau record de 3,624 milliards d’euros en 2018 pour 645 opérations (2). Des chiffres ainsi en berne pour le crowdequity, qui, s’ils peuvent dans un premier temps surprendre, ne sont en réalité pas si étonnants au regard des contradictions fondamentales que comporte ce modèle de financement.
Un marché du crowdequity qui se réduit …
Depuis 2014, les entreprises peuvent lever en crowdequity jusqu’à 1 million d’euros (versus 100 000 euros avant 2014) dès lors que la plateforme est agréée CIP. Ceci étant, force est de constater que les montants levés sont de plus en plus faibles et que les plateformes spécialisées sont au bord de la faillite ou effectuent des pivots stratégiques… le secteur du crowdequity connait actuellement une forte concentration. Rien à voir donc avec la révolution attendue et annoncée aux débuts du système ! Alors que les premières startups françaises ayant fait appel à ce modèle de financement, les retours ne sont pas toujours positifs. Si beaucoup pointent du doigt comme raisons à ce déclin la fin de la défiscalisation de l’ISF (notamment de l’ISF-PME visant à déduire 50% du montant des investissements dans des PME ou startups dans la limite de 45 000€ par an) et autres incertitudes en termes de réduction d’impôts, le cœur du problème est ailleurs… et est présent depuis la naissance même du modèle, comportant en lui-même des contradictions trop importantes pour être viable à long terme…
… car le crowdequity est par nature inadapté
Comme tout investissement en startups, investir en crowdequity nécessite de se renseigner en amont sur l’entrepreneur, de comprendre l’offre de l’entreprise et sa clientèle, d’analyser son marché, etc. Une démarche semblant souvent chronophage et risquée pour les petits porteurs et ainsi susceptible de mettre à mal leur motivation. Par ailleurs, ces petits porteurs ne correspondent pas aux attentes des startups en termes d’investisseurs. En effet, un entrepreneur en recherche de fonds, s’il n’a d’une part pas vocation à ce que la prise de participation soit diluée entre une multitude de petits porteurs, privilégiera d’autre part des investisseurs partageant ses valeurs et capables de lui transmettre leurs expériences. En d’autres termes, les bons entrepreneurs recherchent de bons investisseurs, ceux capables d’investir des tickets significatifs et de la smart money, qui leur permettra de maximiser leurs chances de succès sur le long terme.
Le signal d’un projet risqué
C’est cette smart money qui est souvent absente dans la finance participative et ce, tout simplement car cette dernière n’est pas faite pour cela. Les bons entrepreneurs, qui n’ont d’ailleurs pas intérêt à dévoiler publiquement leur projet fuient les plateformes de crowdequity. Ainsi, et le plus souvent, seules les startups n’ayant pas réussi à convaincre les investisseurs traditionnels (VCs, Business Angels, Family Offices…) ont recours au crowdequity. Cela devrait donc être pour tout investisseur le signal d’un projet risqué, gourmand en cash ou dont le business model est moins abouti. De quoi rendre les petits porteurs plus frileux qu’ils ne le sont déjà. Un cercle vicieux donc, dû aux contradictions internes au modèle du crowdfunding en equity, qui explique son déclin actuel.
1 Selon le baromètre annuel de l’association Finance Participative France (FPF) paru le 24 janvier 2019.
2 Selon le baromètre EY du capital-risque publié le 30 janvier 2019
Par Charles Degand, CEO et co-fondateur d’AngelSquare