Une étude récente, commanditée par le groupe la Poste à Harris interactive met en évidence le paradoxe auquel sont confrontées les banques : comment maintenir une présence physique aussi nécessaire que stratégique, à un moment où la digitalisation change la donne et les pratiques courantes dans ce secteur
Premier constat : les banques sont confrontées aux mêmes problématiques que les retailers lorsqu’il s’agit de leurs bureaux physiques : baisse de la fréquentation, rôle et place dans le parcours, rentabilité… La digitalisation du secteur et la montée des banques en ligne ont ainsi obligé les principaux réseaux d’agences bancaires à accélérer leur restructuration. On estime aujourd’hui que 12 % des agences pourraient fermer entre 2016-2020, soit un rythme quatre fois supérieur à la période 2012-2016.
Est-ce pour autant la fin des agences bancaires ?
Rien n’est moins sûr tant l’attachement des Français à ces établissements est fort. Les trois quarts d’entre eux estiment en effet que leur agence manquerait si elle venait à disparaître. Un attachement qui découle du caractère indispensable de l’agence et du conseiller pour les opérations jugées complexes ou urgentes : 72% des Français estiment avoir besoin de passer par l’agence bancaire pour se renseigner ou souscrire un produit. Un lien de proximité et de confiance que les banques ont tout intérêt à décrypter pour construire une relation durable avec leurs clients.
Une rencontre au coin de la rue, un long chemin parcouru.
L’attachement des Français à l’agence physique est d’autant plus fort que la proximité géographique reste le premier critère de choix, bien avant la réputation de l’établissement ou le montant des frais bancaires. L’enjeu est donc simple : comment conjuguer à la fois un maillage territorial dense pour recruter et fidéliser alors même que la fréquentation de ces établissements enregistre une forte baisse? Cette stratégie de la proximité est d’autant plus cruciale que la relation qui s’instaure est très souvent pérenne, autrement dit fructueuse pour les établissements bancaires : 7 Français sur 10 restent plus de 10 ans dans la même banque. Une fidélité à faire pâlir d’envie de nombreux secteurs d’activité confrontés au même problème. En d’autres termes, l’agence vous séduit, la banque vous met la bague au doigt.
De la proximité géographique à la proximité relationnelle.
On pourrait penser que la relation avec sa banque est administrative, processée, dénuée de tout affect. Or, c’est exactement l’inverse. « Attentive, experte, guide, bienveillante » : les clients sont élogieux lorsqu’il s’agit de leur agence. Une relation harmonieuse qui trouve sa raison d’être dans la confiance, véritable nerf de la guerre dès qu’il est question d’argent. Une proximité géographique doublée d’une proximité relationnelle, drivée par le sens du contact. Les clients et l’agence forment un binôme qui échange facilement. Ainsi, 71% des clients disposent de la ligne directe de leur conseiller/ère et l’appel de l’agence est le premier déclencheur de visite en agence, devant le SMS, les mails et le courrier adressé.
Les Français attendent davantage de personnalisation
Toutefois, cette idylle ne va pas sans une remise en question permanente. Les Français sont toujours plus exigeants avec leur banque : ils attendent davantage de personnalisation, d’offres, de services et de communication. Ils souhaitent plus de flexibilité, avec des horaires d’ouverture élargis et des conseillers plus disponibles.Ils attendent des réponses concrètes en matière de sécurité, préoccupation majeure à l’heure de la législation RGPD.
La banque d’une vie
Face à de telles attentes et à la difficulté d’ouvrir massivement de nouvelles agences, les banques doivent réinventer leur modèle. Elles doivent devenir de véritables « partenaires de vie » pour leurs clients, notamment en identifiant et en les accompagnant aux moments clé de leur existence : l’achat d’un bien immobilier, l’arrivée d’un enfant, l’entrée dans la vie active, un héritage ou le départ à la retraite. Ces événements qui rythment la vie de leurs clients sont des temps forts dont les banques s’emparent déjà pour communiquer. L ’enjeu pour elles est de développer une posture de conseil et de faire de la visite en agence une étape incontournable du parcours client. D’autant plus que ce besoin d’accompagnement se fait particulièrement sentir durant ces périodes structurantes. Mais chaque médaille a son revers. Gare à l’insatisfaction ! Si 62 % des Français se sont rendus dans leur agence pour leur achat immobilier, plus d’un quart d’entre eux en est ressorti insatisfait quant à l’accompagnement.
C ‘est pire pour le passage à la retraite
Seulement 19 % des futurs retraités se sont rendus en agence et plus de la moitié d’entre eux ont souligné le manque d’accompagnement. Les banques doivent valoriser leurs agences et parvenir à faire de ce lieu un point de passage obligé lors de ces changements structurants. Un automatisme à développer pour répondre aux attentes de leurs clients. A condition toutefois d’être pertinent dans les réponses.
Pour éviter le divorce
On le voit, il ne s’agit pas simplement de répondre présent ou de changer les horaires d’ouverture pour gagner du terrain. Les banques doivent désormais miser sur l’approfondissement de la connaissance client et du marketing de précision afin d’être plus pertinentes, plus précises, plus efficaces. Elles doivent aussi éviter les travers d’une surenchère stérile, ce que montre avec beaucoup d’humour et de pertinence la campagne du CIC dans laquelle on voit le personnel d’une banque concurrente prospecter par téléphone et proposer des offres inadaptées en totale méconnaissance de la cible. Il faut également tenir compte du fait qu’il existe toujours un décalage entre les banques et leurs publics, notamment en terme de points de contacts activés : 4,3 points de contacts utilisés par les banques pour communiquer, contre 2,9 par les Français pour se renseigner. Cette distanciation existe également dans la pertinence des contenus et des ciblages.
Ils vécurent heureux et firent de nombreux placements
A l’heure où la data est au cœur de toutes les attentions, le secteur bancaire doit prendre en considération les aspirations de sa clientèle. Mais il doit savoir aussi être plus présent, plus incarné. C’est le rôle du conseiller bancaire. Un rôle clé puisqu’il fait le lien entre des établissements bancaires en pleine transformation digitale et des clients en attente de vraies solutions, parfaitement adaptées à leur besoin. C’est tout l’enjeu d’une relation qui doit sans cesse se réinventer. Mais bien mené, ce combat pourrait être bénéfique à tous. « Ils vécurent heureux et firent de nombreux placements ». Fin
Alexis Garabedian est planneur stratégique chez ISOSKELE, marque du groupe La Poste spécialisée dans le data marketing & la communication de précision.
*Sia partners
**Kantar SIMM TGI France octobre R2 2018, base ensemble des français 15 ans et plus.