L’ancien directeur de L’Express et co-fondateur de BFM TV, Guillaume Dubois, vient de lancer un site sur lequel il est possible de parier sur l’actu sans dépenser un euro.
Albert Londres et Joseph Kessel doivent se retourner dans leurs tombes. Le temps des grands reportages et des analyses de fonds sur la situation politique en Ouzbékistan ou en Uruguay est révolu depuis bien longtemps. Seuls quelques irréductibles accrocs à l’actu s’intéressent encore aux guerres éloignées et aux épidémies qui apparaissent ici ou là. La télévision et les réseaux sociaux ont transformé l’information en infodivertissement. Les chaînes se battent pour diffuser sans attendre des news qu’elles n’ont pas eu le temps de vérifier ni d’analyser. Des envoyés spéciaux parlent sans cesse devant les caméras pour assurer des directs. Les « informations » qu’ils « révèlent » leur sont le plus souvent communiquées via leurs oreillettes par leurs collègues restés à Paris. Aujourd’hui, un chaton qui tombe d’un du haut du frigo fait plus de « clics » qu’un coup d’état en Afrique. Un nouveau pas vient encore d’être franchi pour transformer l’information non pas en spectacle mais en un jeu qui peut vous rapporter de l’argent. Ou comment l’appât du gain peut vous encourager à lire les informations…
Pariez sur l’info et gagnez 1000 euros
Betty.news est un site qui vous permet de parier sur l’actualité. « Le film « Men in Black :International » fera t-il plus d’entrées mercredi que « Men in Black 3 » il y a sept ans » ? « L’appel à la grève de la surveillance du bac entraînera t-il le report d’épreuves dans certains centres d’examens » ? « Antoine Griezmann jouera t-il au PSG la saison prochaine » ? Chaque semaine, une vingtaine de paris sont proposés sur cette plateforme. Ce média permet de gagner un peu d’argent sans dépenser le moindre euro. En s’inscrivant via Facebook ou par mail, l’internaute est crédité de 200 b.coins. Cette monnaie virtuelle lui permet de miser sur différentes questions et chaque semaine, 1000 euros sont donnés aux meilleurs parieurs. Betty.news ne relève pas de l’autorité de régulation des jeux en ligne, l’Arjel , car la loi de 2010 à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne concerne uniquement les « jeux payants où le hasard prédomine sur l’habileté et les combinaisons de l’intelligence pour l’obtention du gain ». Betty.news étant totalement gratuit, il ne tombe pas sous le coup de cette loi. Son fondateur connaît trop bien les médias pour se faire prendre dans un tel piège.
L’infopari, un ver dans un fruit déjà talé…
Guillaume Dubois était jusqu’au mois de septembre 2018 directeur de L’Express. A ce poste pendant un peu moins de deux ans, il a réorganisé l’hebdomadaire en unifiant les rédactions papier et numérique et en imposant un accès payant sur le net avant de se faire licencier sans ménagement. Ex journaliste au Nouvel Economiste, cet ancien fidèle d’Alain Weill a aussi co-fondé BFM TV. Autant dire que ce spécialiste en connaît un rayon sur l’information, l’infortainment et désormais l’infopari…
Nouveau contrat de lecture
« Betty.news s’inscrit dans la continuation de ce que j’ai fait dans le passé, explique t-il. Les médias traditionnels sont incapables de renouveler leur public. Même s’il reste avant tout un jeu, notre site représente une nouvelle approche pour aborder l’actualité en y participant » . L’ancien patron de L’Express promet également d’éviter les paris douteux pour attirer les joueurs mal intentionnés. « Tout ce qui est malsain, anxiogène et de mauvais goût, on ne le fera pas, promet ce tout nouveau startupper qui dirige une équipe d’une dizaine de collaborateurs dans des bureaux parisiens. On ne posera jamais de questions sur le bilan humain d’une catastrophe, la mort possible d’une personne ou sur le jugement d’un procès » .
Objectif : 100.000 inscrits
Une autre question vient vite à l’esprit quand on regarde d’un peu plus près ce site. Comment va t-il générer des revenus ? « Nous avons pour l’instant investi près de 200.000 euros et nous devrions franchir le cap du million d’ici la fin de l’année, révèle Guillaume Dubois. Notre financement se base entièrement sur la publicité. Nous avons bien conscience que la pub classique sur le digital ne rapporte presque plus rien mais nous comptons proposer des paris sponsorisés comme les marques le font déjà avec du brand content sur les sites d’informations ». En quatre semaines, Betty.news a déjà reçu 5000 inscriptions. « Pour être rentable, nous devons réunir au moins 100.000 personnes, calcule l’ancien boss de BFM TV. Cela nous paraît tout à fait possible car les sites de pari en ligne ont déjà séduit deux millions de Français et les leaders de ce secteur ont chacun entre 300.000 et 400.000 clients ».