3 juillet 2019

Temps de lecture : 4 min

Cachez ce sein que je ne saurais voir…

Une enquête de l’Ifop montre que les Français préfèrent cacher leur corps en public. La pudeur est toutefois une notion à géométrie variable…

Une enquête de l’Ifop montre que les Français préfèrent cacher leur corps en public. La pudeur est toutefois une notion à géométrie variable…

La période actuelle est riche en paradoxes. Les jeunes sont accros aux réseaux sociaux mais sont souvent incapables de communiquer entre eux. Qui n’a jamais vu un couple pianoter sur smartphone sans s’adresser la parole lors d’un diner en tête-à-tête ? Les rencontres amoureuses se font aujourd’hui sur la Toile et non plus lors de soirées. Notre rapport à la nudité est, lui aussi, assez étrange. Le sexe est aujourd’hui dans notre quotidien. A la télé, dans les journaux, sur la Toile… La pornographie est en accès libre sur internet. Les jeunes regardent des films X sans aucun contrôle parental. Mais bizarrement, nous semblons être de plus en plus pudiques, si l’on en croît un enquête de l’Ifop.

 Pudeur, quand tu nous tiens…

L’institut a réalisé un sondage auprès de 1008 personnes âgées de plus de 18 ans pour connaître leur rapport à leur corps et à la pudeur. Le premier enseignement de cette étude montre que les Français se donnent une note moyenne de 6,6 sur 10 quand on leur demande de juger leur physique. Les femmes (6,4) sont moins satisfaites de leur apparence que les hommes (6,9). Les personnes âgées de plus de 35 ans (6,7) semblent plus heureux que les jeunes (6,4). Les individus qui se jugent obèses sont, quant à eux, plutôt mécontents de leur image (5,9). De grandes différences existent également d’une région à l’autre. Les Bretons (7) et les habitants du Grand Est (7,1) sont ainsi nettement plus satisfaits de leur corps que les résidents du sud du pays (6,3) ou les Franciliens (6,4).

Les femmes plus pudiques que les hommes
74 % de Français reconnaissent être pudiques et parmi eux, 17 % disent même être très pudiques. Ce taux est beaucoup plus élevé chez les femmes (81%) que chez les hommes (66%). Si 87 % des personnes interrogées déclarent se montrer nues devant leur partenaire de temps en temps ou rarement, elles ne sont que 63 % à dormir nues et 35 % à se montrer dans le plus simple appareil devant des étrangers, comme dans un vestiaire par exemple. La pudeur n’est pas étrangère à ces chiffres. En effet, 83 % des personnes qui se disent non pudiques dorment nues contre 55 % chez les particuliers pudiques. Dans un couple, 79 % des sondés affirment que le regard de l’autre leur fait accepter leurs défauts physiques mais 24% des hommes jugent que les coups d’oeil de leur conjointe leur fait prendre conscience de leurs imperfections. Ce chiffre est moins élevé chez les femmes (19%). « Cette étude montre le lien qui existe entre la confiance en soi et le rapport à la pudeur », souligne François Kraus de l’Ifop. Mais qu’est-ce que la pudeur?

À chacun sa définition

« La pudeur implique l’exposition de nos parties intimes du corps », résume l’expert de l’institut de sondage. Une définition unique de la pudeur est toutefois difficile à donner. Elle peut en effet être une attitude de retenue empêchant de dire ou de faire ce qui peut choquer les codes sociaux, si on reprend la définition du dictionnaire Littré. Si la décence obéit à des codes de conduite qui sont déterminées par la société, la pudeur affirme une limite relative à chacun. Les Grecs utilisaient, eux, le mot aidôs, un terme complexe signifiant à la fois le sentiment de l’honneur, la honte, la modestie, la pudeur, la crainte, le respect et les organes sexuels. Les Romains préféraient le terme pudicitia que l’on pourrait traduire par vertu, chasteté ou pudeur. Divers termes sont employés au Moyen Âge comme vergogne, honte, décence et honnêteté. Ce n’est qu’au XVIème siècle que le mot pudeur apparaît dans la langue française et se pare d’une nuance nouvelle, celle de chasteté.

La pudeur entre dans le droit français en 1791

En 1791, ce terme entre dans le droit français suite à la publication d’un décret qui punit tout outrage à la pudeur des femmes. Cette décision intronise la pudeur au sens de garantie des bonnes mœurs. Plus tard, « l’outrage à la pudeur publique », qui réprime les actes portant atteinte à la morale publique avec publicité et visibilité des faits sera puni tout comme « l’attentat à la pudeur » qui sanctionne les atteintes impudiques contre une personne. La réforme de 1992 a remplacé l’expression de « pudeur publique » par « exhibition sexuelle dans un lieu accessible aux regards ».

 Une notion qui évolue au fil des siècles

Pour les philosophes, les intellectuels et les psychanalystes, la pudeur est une notion très variable. Dans la Consolation à Helvia, Sénèque évoque la pudeur comme une vertu, la vertu féminine par excellence. Sigmund Freud estimait, de son côté, que la pudeur était une force refoulante. Certains pensent que la pudeur est une construction sociale individuelle et collective qui évolue dans le temps. D’autres sont persuadés que cette notion est quelque chose d’inconscient et de naturel. Une seule chose est sûre: les Français semblent de plus en plus pudiques.

Se protéger du soleil, des agressions

Deux raisons expliquent ce phénomène : « Les discours de santé publique en faveur de la protection de la peau encouragent de plus en plus de personnes à se protéger du soleil, analyse François Kraus. Les craintes liées aux agressions sexuelles et à la diffusion d’images compromettantes sur les réseaux sociaux poussent également les particuliers à moins montrer leur corps dans les lieux publiques ». Des différences importantes existent toutefois d’un pays à l’autre. « La culture du corps libre est beaucoup plus présente dans les pays nordiques et germaniques, constate l’expert de l’Ifop. Leurs habitants sont plus affranchis de la culpabilité liée à la nudité qui est issue de la culture judéo-chrétienne. La France se trouve dans une position médiane entre ces nations et les pays latins même si la législation concernant la nudité intégrale est très libérale en Espagne notamment ». Et vous pour les vacances, avez-vous prévu d’emporter un maillot de bain ou choisissez-vous l’option « Full Monty »?

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