La filiale de LVMH a accueilli en Pologne un reporter d’INfluencia. Visite guidée d’une usine un peu vieillotte qui a doublé sa production en cinq ans.
L’endroit ne paie vraiment pas de mine. Avec ses tuyaux en métal qui relient les bâtiments entre eux, le site ressemble plus à une raffinerie qu’à une distillerie. Dans les grandes citernes pourtant pas de pétrole mais de la… vodka. Basée à Żyrardów, une commune située à 45 kilomètres à l’ouest de Varsovie, cette usine produit chaque année près d’un million de caisses de Belvedere . Inauguré en 1910, ce site, qui emploie 200 collaborateurs, fabrique l’eau de vie préférée des Polonais depuis 1910. Son rachat par deux investisseurs américains en 1993 lui a donné une seconde jeunesse. Mais c’est sa reprise en 2005 par LVMH qui lui a permis d’entrer dans une toute nouvelle dimension. Comme à son habitude, le géant français du luxe a choisi de positionner sa vodka dans le segment du « super premium ». Mais comment transformer une eau de vie qui n’a, par définition, pratiquement aucun goût ni odeur en un produit haut de gamme vendu à prix d’or ?
Du seigle, rien que du seigle
La vodka peut être élaborée à partir de nombreuses matières premières d’origine agricole. Des céréales comme le seigle, le blé, l’orge et le maïs peuvent être germées et des pommes de terre cuites afin de transformer l’amidon qu’elles contiennent en sucres. Une fois leur amidon transformé, ces matières premières sont ensuite broyées avant d’être mélangées à de l’eau pour en extraire les sucres fermentés et produire un moût. Chez Belvedere, seul le seigle, une céréale « noble », est utilisé. Les huit fermiers qui le cultivent pour la marque le distillent une première fois dans leurs exploitations. L’eau de vie, qui atteint 88 à 92 degrés, est ensuite acheminée à Żyrardów par des camion-citernes. Cet alcool est alors distillé à trois autres reprises dans des alambics de plusieurs mètres de hauteur cachés dans un haut immeuble un peu défraîchi. Cette quadruple distillation est un des arguments de vente de la filiale de LVMH. Mais cette technique est-elle vraiment nécessaire quand on sait que la marque française Grey Goose, qui est aussi appréciée par les connaisseurs, est distillée une seule fois ? La filiale du groupe Bacardi explique même que « si une vodka est trop distillée, les saveurs de ses ingrédients de base risquent de disparaître » . Les experts de Belvedere ne partagent sûrement pas cet avis. Le marketing a ses secrets qui échappent parfois –souvent ?- aux consommateurs…
Un packaging luxueux
Pour séduire l’amateur de cocktail, la marque polonaise a soigné son packaging. Le palais présidentiel de Varsovie, qui lui a donné son nom, figure sur sa bouteille satinée tout comme les arbres qui rappellent les forêts autour de la distillerie. Pour élargir son public, le producteur de spiritueux propose depuis 2003 des vodkas aromatisées. Dans un des bâtiments de son usine, de grandes citernes en métal contiennent des fruits macérés qui sont ensuite ajoutés à l’alcool. Mangue-passion, pamplemousse rose, zest de gingembre, citron… Des mélanges sont disponibles sur certains marchés, pas dans d’autres. Le groupe joue aussi la carte du terroir avec ses deux labels « single estate ». Le Smogóry Forest est fabriqué avec un seigle produit à l’ouest de la Pologne et le Lake Bartężek est élaboré à partir de céréales cultivées au nord du pays dans une région où les hivers sont froids et rigoureux. « Aucune autre marque n’avait jamais essayé jusqu’à maintenant de proposer des vodkas originaires d’une zone bien précise, explique Matt Pomeroy, le directeur de l’image de marque de Belvedere. Mais les ventes de ces références dépassent toutes nos espérances ».
Résister à la concurrence
Pour développer sa notoriété, la marque est très présente auprès des barmans et des propriétaires de boites de nuit. Une liste imposante de cocktails est proposée sur son site. Sa page sur Facebook a plus de 2,1 millions de lecteurs fidèles mais son compte Instagram comprend à peine plus de 13.500 abonnés. Pour séduire toujours plus de consommateurs, le groupe va lancer au mois de janvier une nouvelle campagne de marketing et de publicité. Le design de ses bouteilles va également être retravaillé. Ces initiatives devraient permettre de booster encore un peu plus les ventes de la filiale de LVMH. « Nous avons doublé notre production lors des cinq dernières années mais notre usine pourrait encore fabriquer deux fois plus de vodkas si nous fonctionnons douze mois par an et non pas seulement après les campagnes de récolte de seigle », explique fièrement Agnieszka Dyrala, la responsable de la création des nouveaux alcools chez Belvedere. Se reposer sur ses lauriers peut aussi s’avérer dangereux dans ce secteur. L’an dernier, les ventes mondiales de vodka ont encore reculé de 2,6% . « Certains alcools comme le gin et la tequila connaissent de forts taux de croissance, reconnaît Matt Pomeroy. Nous devons donc sans cesse innover pour ne pas reculer ». De nouveaux lancements de produits sont déjà prévus dans les tous prochains mois.