Les femmes chinoises partagent toutes un même amant : “WeChat”. Elle se réveillent à ses côtés, interrompent leur travail pour lui, se divertissent ou s’évadent avec lui, pensent constamment à lui, ne peuvent plus se passer de lui, s’enferment aux toilettes avec lui et s’endorment contre lui.
“WeChat”, de son côté, tel Don Juan, n’en aime aucune mais les a toutes à lui. Comment fait-il ? En étant toujours là quand il le faut, en anticipant leurs attentes, en entretenant parfois une distance, en veillant à ne jamais rester trop longtemps, en s’assurant que chacune sait combien d’autres il en rencontre chaque jour. Bienvenue dans le récit des vingt-quatre heures de la vie d’une femme chinoise.
Li Yikin a 27 ans et vit à Guangzhou qui se dispute avec Tanjin la place de cinquième ville chinoise derrière Pékin; Hong Kong, Shanghai et Shenzhen. Avec la beauté de sa jeunesse, couplée à des efforts permanents pour être belle et au top, Li Yikin travaille au sein du service marketing d’une nouvelle marque chinoise qui fait fureur. WeChat ne la quitte pas de la journée.
6h45 – Le réveil sonne.
A peine assise sur son lit et pas encore levée, Li Yikin clique sur l’icône WeChat (微信) de son mobile et check ses pages Moments afin de vérifier qu’elle n’a rien manqué de la vie des proches (familles et amis) au sein des cercles privés qu’elle s’est constitués sur l’application.
7h15 – C’est l’heure du petit déjeuner
Li Yikin en profite pour lire les articles publiés par les marques ayant un compte officiel sur WeChat, auxquelles elle s’est abonnée.
7h45 – Top départ pour le travail
Les promos ou les nouveautés de quelques marques de beauté en vogue ont retenu son attention. Les minutes ont tourné. Pas le temps de se doucher. Il faut partir. Comme chaque matin, Li Yikin emprunte les transports en commun : des vélos en location dans toutes les rues. Elle utilise WeChat pour lire le QR Code du vélo et le déverrouiller, puis paie sans sortir une seule pièce de son porte-monnaie, grâce à WeChat Wallet.
8h55 – La journée de travail commence
La journée démarre avec une réunion dans WeChat Group (le compte corporate de son entreprise) au sujet de la campagne de publicité réalisée par l’un des clients de son portefeuille. Li Yikin utilise WeChat dans la foulée pour réaliser une conférence téléphonique avec ses collègues en déplacement à Pékin.
12h05 – A table
C’est l’heure du déjeuner mais Li Yikin est tellement absorbée par son travail qu’elle en oublie d’aller à la cantine. Après tout, elle cherche à mincir.
12h35 – Miam miam
Une demi-heure plus tard, son ventre crie famine. Elle utilise un mini programme WeChat pour commander un repas, qui lui sera livré à son bureau. Ses collègues lui ont demandé de passer également la commande pour eux, ce qu’elle fait volontiers, d’autant qu’ils lui ont déjà transféré l’argent via WeChat sur son compte WeChat Wallet.
16h25 – La pause
Li Yikin a enfin terminé un travail urgent et important. Elle a déposé son document dans l’espace WeChat de son entreprise. Elle en profite pour s’accorder une courte pause sur WeChat. Résolue à s’offrir du maquillage, elle consulte scrupuleusement les avis donnés par les autres utilisateurs, lis les articles sponsorisés des KOL (Key Opinion Leaders) qui oeuvrent pour les marques qu’elle a dans le viseur. Un petit saut dans un WeChat mini programme dédié au shopping, lui permet de décider pour de bon quel produit elle achètera. Très vite, elle en profite également pour réserver des billets d’avion pour aller voir ses parents et ses grands-parents qu’elle n’a pas vus depuis presque un an.
20h35 – De retour à la maison
La journée est passée à toute allure. Il est temps de rentrer. Génial, se dit Li Yikin, elle va enfin pouvoir faire ce qu’elle veut. Elle rejoint une partie de jeu en ligne sur WeChat dans laquelle ses amis sont déjà en pleine action. C’est drôle mais un peu fatiguant. Elle zappe pour retourner sur l’un de ses WeChat Moments. Là, elle découvre le message d’un ami qui l’invite à donner de l’argent à une fondation. Elle effectue un don avec WeChat Wallet et envoie un message chaleureux à son ami.
21h15 – Allons marcher
Il fait encore jour et Li Yikin se dit qu’une promenade lui ferait du bien. A peine rentrée, elle réalise qu’elle apparaît dans le haut du classement sur We Run (un programme de WeChat), parce qu’elle a effectué plus de 15.000 pas dans la journée et que nombre de ses amis l’ont likée.
22h15 – Au lit
La journée a été fatigante. Li Yikin se glisse sous ses draps et regarde une dernière fois sur WeChat s’il n’y a pas quelque chose d’intéressant. La réponse est oui. Ses parents la remercient pour le red packet (enveloppe rouge comprenant de l’argent que les chinois ont coutume de s’envoyer entre eux par courrier mais qu’il est désormais possible d’envoyer via WeChat) qu’elle leur a adressé. Elle pause son smartphone mais ne l’éteint pas car il lui sert de réveil. Elle ferme les yeux et s’endort comme une enfant.
Dans le roman de Stefan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, l’héroïne n’utilise pas la très populaire application WeChat Shake. Une application qui permet, en secouant son smartphone comme si l’on faisait coucou de la main, de se connecter à un autre utilisateur de WeChat faisant le même geste, de recevoir sur son téléphone les offres spéciales du magasin devant lequel on se trouve, etc. Un jour peut-être, les femmes chinoises n’agiteront plus la main pour faire fonctionner WeChat Shake, mais pour dire au contraire au revoir à la technologie avant de se glisser enfin dans les bras de la vie réelle, si belle et si fidèle.