Face au pinkwashing affligeant de certaines entreprises quant aux politiques d’inclusivité et de représentativité, il est temps de faire le point. Donner une visibilité ponctuelle aux communautés LGBTQ+ c’est bien, s’engager réellement c’est mieux.
Dans un brouhaha de prises de paroles politiques engagées en faveur des droits LGBTQ+ toutes plus opportunistes les unes que les autres, le cabinet de conseil en développement durable Utopies propose une note de position intitulée « Marques de fierté -du pinkwashing à la prise de position pour les LBGT+ ». Introduction au sujet, panorama des actions mises en place, des pratiques inspirantes comme des échecs cuisants, comme pour déceler le vrai des faux-semblants. Et pour conclure , un guide de conseil en quelques points. Par ici les conclusions en mots, et en campagnes réussies.
Si l’utilisation intempestive et vide de sens des couleurs de fierté sur produits en tous genre nous est à tous familière, il faut aussi parler des bons élèves. Utopies les met en avant pour illustrer ses 8 principes de structuration d’entreprise.
1. CONVICTION
Si prise de parole il y a, convaincante elle doit être. Ici, il est question de s’engager durablement dans ses prises de paroles, et de les ancrer dans la réalité des valeurs de votre marque. Pour rappel : les Français.es sont en mal d’engagement ! 71% des consommatrices et consommateurs attendent des marques quelles prennent de réelles positions sociétales. 75% affirment être plus susceptibles d’acheter les produits d’une marque qui soutient une cause avec laquelle ils sont en accord. Un sujet dont INfluencia fait écho dans nombres d’études et qui mérite crédit.
Pour les marques ciblant les jeunes générations, double pression. Inutile de rappeler les attentes de plus en plus sévères des millennials. Résultat : 1 sur 2 déclare être plus disposé.e.s à acheter les produits d’une marque après une campagne sur l’égalité de celle-ci.
Exemple de pratique inspirante : sur un sujet non LGBT+, Nike et sa campagne pour les 30 ans du Just Do It avec le joueur de foot américain Colin Kaepernick, exclu des clubs depuis deux ans après être devenu le leader des protestations contre les violences policières envers les noirs. Elle a divisé les consommatrices et consommateurs américain·e·s, avec d’un côté celles et ceux qui ont protesté publiquement contre la marque, allant jusqu’à brûler leurs vêtements Nike sur les réseaux sociaux, et de l’autre celles et ceux qui ont applaudi le courage de Nike prenant position pour Kaepernick (la marque a même constaté une hausse des ventes de 31% dans les jours qui ont suivi la campagne).
2. COHERENCE
Comme cité plus haut, les prises de parole ponctuelles n’aident en rien. Une stratégie de responsabilisation entrepreneuriale externe comme interne doit être mise en place pour donner crédit, épaisseur et fond à l’engagement de votre marque. En bref : concrètement ?
Exemples de pratique inspirante : Starbucks, Levi’s et Coca-Cola, comme quasiment tous les exemples développés dans cette note, mêlent engagements ambitieux sur le volet RH, produits-partages et soutien actif aux associations. A l’inverse, après un gros dérapage de son PDG et une polémique importante en 2013 (Guido Barilla avait dit : « Nous ne ferons pas de publicité avec des homosexuels parce que nous aimons la famille traditionnelle »), Barilla a voulu redorer son image. Elle a demandé à intégrer le Corporate Equality Index qui mesure chaque année le degré d’inclusivité et de respect des diversités des grandes entreprises, puis a lancé une direction Diversité et Inclusion, qui a mis en place de vraies stratégies pour améliorer les conditions de travail de ses équipes LGBT+ et sensibiliser l’ensemble du personnel, notamment en France suite à la signature de la Charte de l’Autre Cercle.
3. DIALOGUE
La communication avec TOUTES les parties prenantes internes comme externes doit être engagée. Donner de la voix c’est bien, mais laisser parler les concernés, c’est mieux. Objectif action juste et non consensus.
Exemple de pratique inspirante : Après sa première campagne HIV Positive qui avait été très controversée et lui avait valu une condamnation en justice suite à la plainte d’un jeune séropositif, Benetton s’est associé à l’action d’Act-Up Paris fin 1993, à l’occasion de la Journée mondiale contre le SIDA en finançant une action-choc visant à recouvrir l’obélisque de la Concorde d’une capote rose géante. Par la suite, la marque a travaillé avec des associations locales dans différents pays pour diffuser messages et guides de prévention…
4. RECURRENCE
Prise de parole à l’occasion d’une journée de mobilisation ou pour une action à plus long terme, pensez votre engagement dans le temps : la récurrence marque son temps et ses esprits.
Exemples de pratique inspirante : Hors LGBT+, Innocent Drinks revient chaque année depuis 13 ans avec sa promotion « Mets ton bonnet » qui coiffe ses produits de petits bonnets tricotés par ses client·e·s pour les vendre au profit des personnes âgées isolées – un bon exemple de campagne ponctuelle et récurrente. Plus spécifique LGBT+, le rouge à lèvres et les produits VIVA GLAM de M.A.C. permettent depuis 1994 de récolter de l’argent pour des associations offrant des services aux malades du SIDA – notons que dans ce cas c’est l’intégralité du prix d’achat de tous les produits, TVA déduite, est reversée au fonds (un cas assez unique).
5. REPRESENTATIONS
Soyez inclusif et représentatif dans les idées comme dans les faits. Proposez dans vos publicités et vos documents marketing de nouveaux modèles auxquels les consommatrices et consommateurs peuvent s’identifier, sans cliché ni quota. Petit rappel visiblement nécessaire : « les personnes LGBT+ sont de tous âges, de toutes confessions, de toutes couleurs de peaux et de tous milieux sociaux. La communication « LGBT+ friendly » n’est pas tant une prise de position politique et militante qu’une démarche moderne de représentation de la société dans sa diversité », souligne le cabinet.
Exemples de pratique inspirante : Eram, Ikea, Matelsom, Campbell, Evian… font partie des marques qui ont mis en scène, souvent au milieu d’autres familles ou couples, des homosexuel·le·s dans leurs publicités, en s’attirant parfois des critiques homophobes. « L’idée n’est pas nécessairement de mettre des arcs-en-ciel partout, il faut rester raisonnables, c’est une sexualité, pas une identité de vie ! Sincérité, simplicité : il est temps que les marques représentent les personnes LGBT+ au même titre que tout autre public et s’adressent à elles normalement… C’est une approche plus subtile et plus efficace, qui désamorce les accusations de pink-washing », soutient Rémi Calmon, Directeur Executif du Syndicat National des Entreprises Gaies.
6. PRODUITS
Incarnez votre prise de position non seulement dans des discours mais dans des produits qui touchent directement les consommatrices et consommateurs et envoient un message clair sur votre soutien à la communauté LGBT+, y compris sur les services dédiés qui peuvent lui être consacrés. Attention quand même à ne pas choisir un produit trop anecdotique : Marks & Spencer s’est fait vilipender en mai 2019 avec un sandwich arc-en-ciel dont une partie seulement des profits était reversés à des associations LGBT+.
Exemple de pratique inspirante : la banque australienne St.George Bank (groupe Westpac) a lancé en 2018 deux cartes de paiement au design arc-en-ciel. Dans le même temps, elle publiait un rapport sur la situation financière des LGBT+, mettant notamment en valeur qu’un tiers des répondant·e·s avait déjà eu à affronter une discrimination de leur banque
7. CULTURE
La déconstruction des cadres héteronormatifs de nos sociétés n’est pas évident pour tou.tes. Formation, pratiques RH, engagements, chartes : veiller à faire évoluer les mentalités de ses équipes est une condition sine qua none au changement.
Exemple de pratique inspirante : Sur un autre sujet que les droits LGBT+, après un incident raciste ayant conduit à l’arrestation de deux hommes noirs dans un de ses cafés à Philadelphie, Starbucks a décidé de former ses équipes à la prévention des discriminations fondées sur des préjugés inconscients. En 2018, la chaîne a donc fermé ses 8 000 cafés aux Etats-Unis durant une après-midi pour que ses 175 000 employé·e·s puissent suivre un séminaire de formation. Cette fermeture aurait coûté quelque 12 millions de dollars de manque à gagner à Starbucks.
8. MESURE
Evaluer pour adapter, corriger, ajuster : les outils de mesure des évolutions sont essentiels. Via les classements existants (comme le Corporate Equality Index) ou la mise de nouveaux moyens, un certain nombre d’indicateurs peuvent être définis en commun, selon les branches et activités, avec les associations LGBT+ en interne quand elles existent.
Exemple de pratique inspirante : Sur un sujet proche des LGBT+, le classement Great Place to Work (centré sur la performance RH de l’entreprise) est beaucoup utilisé par les entreprises candidates (et lauréates) comme un outil pour faire progresser la performance globale de l’entreprise.