Albums, livres d’artistes décédés ou biopics font la pluie et le beau temps. Maisons de disque, éditeurs, producteurs, ayant droits multiplient donc les lancements d’œuvres « inédites »… Un business qui fait tiquer les âmes pures et renfloue les initiateurs de ces résurrections pas toujours très heureuses.
Les surréalistes ont inventé les cadavres exquis. Les maisons de disques et les éditeurs préfèrent, eux, les défunts rentables. Les rayons des disquaires et les allées des librairies ressemblent de plus en plus à un cimetière. Il y a deux semaines, un deuxième album posthume de Johnny Hallyday est sorti dans le commerce. Les douze titres ont été réarrangés en version symphonique par Yvan Cassar qui a travaillé pendant près de deux décennies avec le chanteur (https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-2e-album-posthume-de-johnny-hallyday-avec-12-titres-rearranges-en-version-symphonique-sort-ce-vendredi-1196765.html). En septembre, un « roman inédit » de Françoise Sagan, disparue en 2004, a été publié par Plon . Le manuscrit a été retrouvé « dans un amas de dossiers et d’archives » par le fils de l’auteure, Denis Westhoff. Le Journal du Dimanche a toutefois révélé que cette œuvre avait été largement modifiée par l’éditeur . Les plus jeunes peuvent, eux, s’amuser en lisant les dernières aventures d’Astérix et Obélix . La fille de Vercingétorix est toujours cosigné par René Goscinny qui est mort en… 1977. Le projet d’organiser une tournée de concerts d’Amy Winehouse en hologramme est, elle, toujours dans les cartons .
Une vieille tradition
« Faire du chaud avec du froid » ne date pas d’hier. Dès qu’un artiste vedette d’un catalogue disparaît, la maison de disques cherche dans ses archives des enregistrements inédits qu’elle pourrait sortir dans les bacs. L’album « Je suis africain » de Rachid Taha a été commercialisé un an après sa disparition en septembre 2018. Sony va lancer, le 22 novembre, un disque posthume de Leonard Cohen disparu il y a tout juste trois ans, intitulé « Thanks for the Dance ». C’est le fils du chanteur canadien, Adam Cohen, qui est à l’origine de ce projet auquel ont participé Beck, Damien Rice et Feist. Les familles sont souvent impliquées dans ces sorties « post-mortem ». De telles initiatives participent au processus de deuil et permettent aux héritiers de gagner de belles sommes sans le moindre effort. Ou comment allier l’utile à l’agréable…
Gagnant-Gagnant
Les fans se jettent en effet sur les œuvres inédites de leurs chanteurs préférés. L’album « Mon pays c’est l’amour » de Johnny Hallyday s’est écoulé à plus de deux millions d’exemplaires. « Le marché de l’album posthume est un business de l’émotion, expliquait au magazine La Vie, Yves Bigot, journaliste musical et producteur (http://www.lavie.fr/culture/musique/albums-posthumes-entre-testament-et-business-29-11-2018-94744_34.php). Finalement, le meilleur plan marketing pour un artiste, c’est de mourir ! Certains artistes à la carrière remarquable s’apparentent à des demi-dieux pour leurs fans, qui n’en ont jamais assez. La ferveur suscitée par l’artiste s’apparente ainsi à de l’adoration, quelque chose de presque liturgique. Certains achètent (un disque inédit) comme témoignage d’une reconnaissance, comme un dernier hommage à l’artiste ».
Les auteurs n’ont pas le dernier mot
Les éditeurs ne sont pas en reste. Les grandes maisons n’hésitent pas à commercialiser des écrits quelquefois inachevés de leurs auteurs après leur disparition. Agatha Christie, Jules Verne, Charles Baudelaire, Antoine de Saint-Exupéry, Stendhal, Franz Kafka, Ernest Hemingway, Tolkien ou Stefan Zweig ont, tous, eu certaines de leurs œuvres publiées après leur mort. Même parfois contre leur gré… Le manuscrit « L’original de Laura » a été ainsi imprimé en 2009 alors que Vladimir Nabokov avait expressément demandé qu’il soit détruit après son décès en 1977 (https://www.abebooks.fr/livres/livres-posthume.shtml). L’appât du gain est parfois plus fort que le respect de l’artiste…