Face à une nouvelle cohorte de consommateurs qui privilégie le lien à la chose palpable, les business models qui développent de nouvelles clés d’entrées – émotionnelles, identitaires et écoresponsables – se multiplient.
Deux vagues avaient jusque-là défini l’évolution de l’industrie du café. La première, au début du XXème siècle, drivée par la café instantané bon marché, la seconde, dans les années 1990, portée par des sociétés comme Costa Coffee, Caffe Nero ou encore Starbucks Coffee, pour ne citer qu’eux, construisant leur succès sur un esprit plus serviciel.
Fin novembre, Fast Compagny indique pour autant que le marché est au cœur d’un nouveau changement de paradigme. Une « troisième vague » où les marques traditionnelles (Maxwell House et Folgers en tête) boivent la tasse et de nouvelles stratégies d’adhérence – autour du #craft et d’une meilleure compréhension des bouleversements culturels – se mettent en place.
Ce n’est plus le café instantané de notre grand-mère
De manière comparable à l’élan qui s’est emparé de la boulangerie ces deux dernières décennies, analysé par le sociologue Jean-Laurent Cassely au mois d’Octobre, une génération de startups premium continue de grandir à l’international.
Aux Etats-Unis, des marques comme Verve Coffee, deviennent « labels du cool » auprès de la Silicon Valley après avoir inséré un écrin lifestyle dynamique, associé à des formats graphiques dotés d’une certaine avant-garde auprès du grand public. Portraits dans le WallPaper, le LA Times, The Entrepreneur… les hipsters américains viennent chercher chez eux un esprit « from farm to table », et une ligne de démarcation autour du « Cold Brew » (le café à infusion froide qui a remplacé l’Ice Coffee aux Etats-Unis) qui lui vaut désormais de s’implanter avec une certaine notoriété au Japon.
S’il existe toujours des disparités, ces similarités se retrouvent peu ou prou chez d’autres acteurs catégorisés de cette même vague. Dans un style similaire, surfant sur l’évasion online, Canary Cold Brew a aussi apporté une vision rupturiste des grands classiques. La DNVB mélange une offre d’abonnement, entre bière et café, mais innove aussi sous l’angle de la communication, au prisme d’une clé d’entrée plus émotionnelle, mettant en avant la prévalence du mood et de l’état d’esprit consommateur pour orienter ses choix. Un parti pris qui a inspiré à l’échelle mondiale et se retrouve en Europe dans des business models comme 32cup (Belgique).
L’argument curation
Ce nouvel engouement autour d’un café identitaire, particulièrement visible sur instagram où #coffeeholic est mentionné presque 5 millions de fois, il est aussi largement représenté par des marques qui revisitent leur positionnement à travers le design d’expérience et la curation.
A la manière d’un Netflix, se positionnant sur la pertinence des séries qu’il propose, Misto Box et Bean Box ont chacune décidé de franchir le pas de la prescription pour rentrer de manière plus relationnelle dans le quotidien de ses consommateurs. Un prisme dont les codes ont aussi été dépoussiérés par Trade (2 millions de clients cette année), une start-up pensée comme un temple moderne online du café, s’appuyant sur la data pour proposer de s’approprier une expérience troisième génération.
Dans un contexte où le marché représentera 85 milliards de dollars dès 2025 (Fast Compagny), mais reste challengé par les acteurs du thé et des spiritueux, de plus en plus empreints à faire évoluer leur style de vente, ce terrain relationnel « from specialty growers to coffee designers” a aussi été imité par des acteurs comme Blue Bottle Coffee. Une marque (dont Nestlé a récemment acquis plus de la moitié des parts) qui non seulement capitalise sur des recettes et side products plus créatifs mais aussi et surtout transforme ses tasses (entre 15 et 16 dollars) en une monnaie symbolique, proche de l’esthétique de la pharmacie.
Demain, la santé mentale
Parallèlement, alors que le rapport Global Wellness Trends 2019 révèle une prise de conscience plurielle autour de la santé mentale, encouragée aussi bien par la société civile que par des initiatives politiques ou marketing, les liens entre café et psychologie positive se resserrent.
Au Japon, selon le cabinet américain JWT Intelligence, les « Healing Cafés » sont déjà très répandus (Mr Healing, Shin Story) et le phénomène tend à se populariser dans les métropoles occidentales.
Chuddy Cloud, une installation à la Fashion Week de Londres en septembre 2018, offrait « le plus grand espace de détente au monde » aux visiteurs. L’événement de relaxation à guichets fermés comprenait une méditation guidée de la marque de pleine conscience Happy Not Perfect et une conférence sur les rythmes du sommeil du professeur Russell Foster de l’Université d’Oxford.
Parallèlement, et alors qu’une étude de Gallup révélait que les Américains étaient parmi les plus anxieux du monde, des lieux à l’ambition plus développée comme HealHaus, à New-York, émergent pour démocratiser les frontières entre culture de la convivialité incarnée par le café et prise de conscience collective autour de la nécessité de construire de nouvelles bulles de sérénité en ville.
Un changement de paradigme confirmé par des médias comme Shift London, qu’on retrouve aussi dans des initiatives comme celle du Pantone Color Institute, misant en 2020 sur la transformation progressive du #care vers une prise en compte globalisée de la santé mentale.