Jeffrey Katzenberg, ancien patron de Disney et Meg Whitman, ex-directrice générale d’eBay et de HP se sont alliés pour créer Quibi, une plateforme de vidéos exclusives disponible sur abonnement. À croire que les échecs de Go90 en 2015, et de Studio+ en 2018 n’ont pas découragé ces pros de l’entertainment et des plateformes…
Ne lui dites pas qu’il lance un nouveau Netflix si vous ne voulez pas être foudroyé d’un regard perçant et colérique. Le journaliste du magazine américain The Verge qui a eu le courage de lui faire cette critique a reçu pour seule réponse un cinglant : « nous ne pensons pas être impliqués dans la guerre du streaming ». Jeffrey Katzenberg n’est pas du genre à tendre la joue gauche quand un insolent ose le critiquer. L’ancien président des studios Disney n’est pas du style à douter même si sa toute nouvelle idée ressemble à un pari un brin risqué.
Une liste de vedettes impressionnante
Au mois d’avril, le cofondateur de Dreamworks va lancer aux Etats-Unis, Quibi. Cette plateforme de streaming vidéo entièrement conçue pour une lecture sur smartphone proposera des films et des séries à regarder par tranche de huit à dix minutes. Les premières syllabes de ces « quick bites » (« bouchées rapides ») ont donné leur nom à ce service qui sera piloté par Meg Whitman, l’ancienne patronne d’eBay et de Hewlett Packard. Personne n’a encore vu une version beta de ce projet qui est pourtant déjà parvenu à lever plus de 1… milliard de dollars notamment auprès de grands studios hollywoodiens comme Disney, NBC Universal, Sony Pictures ou Warner Media et du géant chinois Alibaba. Le catalogue de vedettes qui ont promis de participer aux productions a, il est vrai, de quoi donner l’eau à la bouche aux cinéphiles. Steven Spielberg, Ridley Scott, Steven Soderbergh, Naomi Watts, Kevin Hart, Liam Hemsworth, Christoph Waltz, Zac Efron, Cara Delevingne, The Rock, Kiefer Sutherland, Bill Murray et Guillermo del Toro ont tous donné leur accord pour réaliser ou participer à ces très courts métrages aux budgets impressionnants. Chaque vidéo disponible sur la plateforme va être filmée et éditée à la fois en format portrait et paysage. L’utilisateur n’aura qu’à tourner son smartphone pour que la vidéo bascule automatiquement au format adapté. Les réalisateurs pourront aussi explorer d’autres potentialités intéressantes. Les épisodes de la série After dark réalisée par Steven Spielberg ne pourront ainsi être visionnés qu’après la tombée de la nuit, en se basant sur la localisation et le fuseau horaire du propriétaire du téléphone portable. Le budget de ces « bouchées rapides » devrait atteindre 125.000 dollars par minute pour les films les plus prestigieux. Une production moyenne devrait, quant à elle, coûter entre 20.000 et 50.000 dollars la minute et les clips d’info mis en ligne chaque jour auront des budgets compris entre 5000 et 10.000 euros la minute.
5 à 8 euros par mois
Pour assurer son financement, Quibi fait le pari de l’abonnement qui atteindra 5 dollars par mois avec publicité ou 8 dollars sans annonce promotionnelle. Pour convaincre à mettre la main à leur poche les internautes qui regardent en moyenne chaque jour, selon Jeffrey Katzenberg, quatre-vingt minutes de vidéo pendant leurs déplacements, la plateforme de streaming promet de mettre en ligne d’ici un an plus de 175 productions originales et 8500 épisodes de moins de dix minutes. Cela sera t-il suffisant pour séduire des consommateurs habitués à pouvoir regarder des milliers d’heures de vidéos gratuites sur YouTube, Dailymotion ou Vimeo? Rien n’est moins sûr.
Malgré les échecs de Go90 (Verizon) et Studio + (Canal+)…
En 2015, l’opérateur télécoms américain Verizon a dépensé des millions de dollars dans sa plateforme de contenus mobile. Des vedettes du grand écran comme Ben Affleck et Matt Damon ainsi que le basketteur de la NBA LeBron James avaient participé à des productions originales. Mais deux ans après son lancement, Go90 a cessé son activité en raison de sa faible popularité. En France, La plateforme de webséries “premium” du groupe Canal+ , Studio+ a quant à elle mis la clé sous la porte en juillet 2018, soit deux ans après sa création, faute d’abonnés… Le journaliste de The Verge n’a pas osé rappeler ces « anecdotes » à Jeffrey Katzenberg durant leur rencontre. On peut le comprendre…