« Des études ont montré que là où il n’y avait plus assez de journalistes pour couvrir les informations locales, il y avait un désintérêt pour la politique, et moins de candidats aux élections ». Une étude menée par la Brookling Institute, un think tank indépendant américain, a établi le lien qui existe entre la disparition de journaux régionaux et la crise de la démocratie aux Etats-Unis.
En 2020, la PQR a la côte ! Qui l’aurait cru ? Pour preuve, le média Influencia travaille actuellement sur un numéro spécial consacré aux territoires. Et parmi les chapitres annoncés, un sujet dédié à la nouvelle force des médias locaux. Pourtant, le 6 novembre dernier, le journal l’Echo, référent de proximité dans 5 départements du centre-ouest de la France, sortait son dernier numéro. 76 ans après sa création… Tiraillée de toutes parts entre l’essor des réseaux sociaux, l’habitude freemium sur le web, la concurrence des gratuits débarqués en France il y a bientôt 20 ans, les nouvelles habitudes de lecture, la transformation des modèles publicitaires… la PQR semble renaître. Et ce, grâce au besoin exprimé par les Français de renouer avec les circuits courts, la proximité. Le 11 septembre 2001 a été l’un des premiers déclics. La crise économique de 2007 également. Les diverses crises alimentaires aussi. Ces faits majeurs ont fait ressurgir une envie de repli sur soi, un sentiment de peur du monde qui nous entoure, un besoin de retrouver du sens au sein d’un monde de plus en plus mondialisé. La PQR profite de l’effet Made in France.
Vozer.fr et Actu.fr sont deux exemples du renouveau de la PQR
Mais aujourd’hui, quand on parle de retour en grâce de la PQR, il faut surtout regarder du côté des nouveaux médias. Si les GAFAM financent des initiatives pour soutenir la presse locale notamment, aux Etats-Unis, ce n’est pas un hasard. Vozer.fr et Actu.fr sont deux exemples du renouveau de la PQR. Des sujets plus courts, traités par des jeunes journalistes à destination, principalement, des moins de 35 ans, urbains. Sur ces médias, on ne parle pas d’hippisme, d’économie ou de politique politicienne. On y évoque le dernier foodcor à la mode, la dernière expo en vogue, les bons plans famille, de la crise de logements étudiants… Des préoccupations de la vie courante. De l’information de proximité.
C’est dans la presse quotidienne régionale que les Français ont le plus confiance
A l’occasion d’une récente table ronde organisée par l’agence de relations médias RP carrées, dont le thème était le pouvoir d’influence des médias régionaux, Grégoire Kopp, Conseiller Spécial et Directeur de Cabinet d’Octave Klaba chez OVHcloud, exprimait en conclusion de son intervention : « L’impact local est primordial, car la globalisation et le numérique bouleversent tous les repères. Dans un monde d’innovations et de rupture, il faut sans cesse expliquer, rassurer, et pour cela les médias régionaux restent incontournables ». Et les récentes études démontrent bien cette pensée. Une étude réalisée par RP carrées et Market Audit révèle que 26% des Français ont déjà été influencés au moins une fois au cours de ces 6 derniers mois par la presse locale, au moment de faire leur choix dans l’isoloir. En juin dernier, Reuters Institute observait que la crédibilité apportée aux supports d’informations et la perception de l’indépendance des journalistes étaient au plus bas : 24 % de confiance, soit 11 points en moins sur un an, plaçant la ainsi France parmi les pays les plus défiants envers ses médias.
Recoller avec ses sens originels
Et a contrario, l’année dernière toujours, l’étude “Media Rating” réalisée par l’institut Kantar et la régie publicitaire 366 observait que, dans un contexte global de défiance à l’égard des médias, c’est dans la presse quotidienne régionale que les Français ont le plus confiance. Pour enrayer cette défiance, revenir sur leurs fondamentaux, certains médias ont ouvert récemment le dialogue avec leurs lecteurs. Et quoi de mieux que de profiter de son 75ème anniversaire pour organiser 75 rencontres sur son territoire, avec ses lecteurs ? C’est le travail que mène actuellement la Voix du Nord. A l’origine, un média de Résistance, la Voix du Nord veut recoller avec ses sens originels et les faire évoluer pour renouer avec ses fondamentaux.
Un média papier c’est comme rentrer dans une boutique Phildar
A l’occasion de cette table ronde toujours, un échange a eu lieu avec Cyril et Charlotte. Ils ont tous deux 24 ans. Pour eux, lire un média papier c’est comme rentrer dans une boutique Phildar : autrement dit, jamais. Ou alors de manière très exceptionnelle, si le journal de la veille traîne sur le coin du fauteuil de style flamand chez les parents, dans la salle d’attente du médecin, ou sur le bord d’un quai de métro, mais pour les mots-croisés uniquement. Ils ont moins de 30 ans et sont adeptes des réseaux sociaux et des podcasts pour s’informer. Ils n’ont plus de canal d’information privilégié.
Ils ne sont pas Nord Eclair ou Voix du Nord, Libé ou le Monde. Ils sont plutôt alertés par l’immédiateté. Alertes smartphone, fil Twitter, suggestion d’articles sur Facebook, visionnage de vidéos sur YouTube ou Twitch.
Sont-ils encore intéressés par l’actualité qui les entoure ? La réponse est oui, mais autrement.