Alors que la 5G commence à peine à se déployer dans l’Union Européenne, la Chine et le Japon se penchent déjà sur la 6G, une technologie au débit 100 fois plus rapide qui couvrirait l’ensemble du globe et fonctionnerait dans l’espace. Cet énième progrès technique questionne la capacité des acteurs du numérique à tempérer leurs appétits technologiques au regard des enjeux écologiques de notre temps.
La guerre de la 6G a déjà commencé, et c’est l’Asie qui est à la manoeuvre. Fin 2019, Ren Zhengfei, dirigeant et PDG du géant de la tech chinoise Huawei, annonçait que ses équipes de recherche se penchaient déjà sur la 6G pour un déploiement à horizon 2030. Quelques mois plus tard, c’est le premier opérateur de téléphonie japonaise NTT DoCoMo qui déclarait dans un livre blanc ses ambitions vis à vis de la sixième génération de réseau mobile. Cette compétition témoigne déjà des enjeux féroces que la 6G cristallise malgré son développement embryonnaire.
La 6G des objets connectés
La 6G permettrait dans un premier temps d’accélérer considérablement les débits de données. Les acteurs chinois et japonais estiment ainsi que le réseau de sixième génération pourrait être 100 fois plus rapide que la 5G, et ce grâce à l’emploi d’ondes nanométriques extrêmement puissantes, proches du téraoctet par seconde. Mieux encore, ce réseau passerait « à travers la mer, la terre et l’espace » selon Richard Yu, un des dirigeants de Huawei. De nombreux experts affirment pourtant que la 6G serait incapable de contourner des obstacles matériels, rendant sa propagation à l’échelle planétaire laborieuse.
Quoi qu’il en soit, le débit prodigieux de la 6G propulserait l’intelligence artificielle à un tout autre niveau. Les japonais de DoCoMo estiment par exemple que le réseau rendrait totalement fiable les voitures autonomes par l’absence quasi totale de latence. Il serait même possible de connecter les voitures entre elles pour gagner en sécurité. La 6G permettrait in fine de synchroniser l’ensemble des objets connectés des villes intelligentes afin d’améliorer par exemple les services de transport ou de soin. La 6G présenterait également l’avantage de couvrir l’ensemble de la planète et de résoudre les problèmes de zones blanches mal desservies.
Un contre-sens écologique
Malgré les progrès techniques qu’offre la 6G, de nombreux militants et organisations écologistes considèrent qu’à l’image de la 5G, son déploiement est énergivore et polluant. Sur le plan énergétique en effet, quand bien même la 6G bénéficierait d’antennes moins gourmandes, le nombre d’utilisateurs et la consommation de données augmenteraient de manière fulgurante par un « effet rebond » d’augmentation des usages. Le stockage massif de données en data centers aurait également un coût énergétique considérable, bien au-delà de la facture actuelle des centres de données qui s’élève déjà en France à 3 TWh en 2019, soit l’énergie que consomme Lyon sur une année.
Au delà de l’aspect énergétique, c’est aussi la question de l’obsolescence programmée de nos appareils connectés et du coût environnemental de leurs matériaux qui posent problème. Changer de réseau mobile implique de changer de téléphone et donc de jeter des appareils en état de marche. Une obsolescence difficilement soutenable au regard des conditions de travail désastreuses des ouvriers étrangers et des ravages environnementaux générés par l’extraction de terres rares. Le développement de la 6G cautionne in fine un système d’asservissement de la nature et des êtres humains. Une position hermétique qui devient radicalement antinomique vis à vis de l’urgence climatique et de la destruction du vivant.