Les enquêtes vidéos reconstituves du Monde sur Youtube, le format FAQ d’Arte sur Snapchat, le « Pendant ce temps-là » de Brut sur Facebook… De nouveaux formats taillés sur-mesure en fonction des caractéristiques des plateformes apparaissent. Ces innovations catégorielles épousent l’unicité des médias sociaux et priorisent le mobile comme porte d’entrée.
« Choisir sa plateforme et s’y tenir afin d’engager le public ». Voici le maitre-mot des échanges tenus lors des 4èmes Rencontres Francophones de la vidéo mobile le 6 février dernier à Paris. L’objectif : expliquer la nécessité pour un média de prioriser une innovation éditoriale basée sur des contenus « mobile first » qui soient natifs pour chaque réseau, c’est à dire qui respectent le ton et les codes d’écriture de la plateforme visée. L’ère du « mobile first » et la consécration de la vidéo en ligne « posent beaucoup de questions sur les formats, les nouveaux modes de narration et sur les différentes communautés en ligne à adresser » explique Nathalie Pignard-Cheynel, auteure du « Journalisme mobile ».
Draw my news de France Info est emblématique
L’exemple du format « Draw my news » de France Info est emblématique. Il s’agit d’illustrer par des croquis successifs sur tableau Veleda des sujets de société. Du cannabis à la laïcité jusqu’à la géo-ingénierie, les contenus oscillent d’une à deux minutes pour environ 3 jours de production. Ce n’est pas la seule innovation de l’atelier des modules. La rédaction a également développé une météo en gifs en jouant sur les codes de la culture web.
Un format par plateforme
Il apparait désormais contre-productif d’inonder différents réseaux sociaux d’un seul et même format. Plusieurs médias pionniers investissent d’ores et déjà des plateformes dédiées afin de produire des contenus adaptés à leurs codes. Les enquêtes vidéo du Monde sont ainsi exclusivement publiées sur Youtube et proposent des contenus distincts. Le pôle vidéo a par exemple reconstitué des scènes de violences policières lors de manifestations des Gilets Jaunes à travers des vidéos scriptées et storyboardées de 10 à 15 minutes. « Aujourd’hui, des milliers d’heures de vidéo sont produites par tout un chacun pendant les manifestations et mise en ligne sur les réseaux sociaux. Il y a un réel besoin d’explication et de contextualisation sur ces images-là ». Le quotidien vespéral a su se saisir de sujets d’intérêt national sur une plateforme unique avec une audience âgée à 60% entre 18 et 35 ans. Un succès à la hauteur du travail fourni : la vidéo de reconstitution du tir LBD sur Olivier Beziade en janvier 2019 a nécessité 350 heures de travail.
Des vidéos non bouclées
Du côté du service public, ARTE a su se démarquer en développant FAQ (Frequently Asked Question), un format vidéo mobile exclusivement sur Snapchat. « L’idée : poser une question de société chaque semaine. Ce snapshow n’est pas incarné par quelqu’un mais par une identité graphique forte » explique Lama Serhan, responsable création de la chaine. Le contenu est basé sur une personne qui a eu un déclic dans sa vie. Par exemple, une jeune fille amatrice de fast- fashion qui n’achète plus de vêtements neufs. Ce type de témoignage permet de produire des épisodes non bouclés qui, accolés les uns aux autres, forment une longue vidéo. D’après les chiffres fournis, le format génère 35% d’engagement et 600 000 vues par épisode. « Il faut respecter les règles du jeu. Nous mettons en ligne éventuellement un ou deux épisodes de FAQ sur Instagram lorsque nous estimons que c’est pertinent mais pas plus ».
FAQ arte from Upian on Vimeo.
Des vidéos mises en abyme
Le média en ligne Brut a également su faire preuve de diversification éditoriale avec son format « Pendant ce temps-là… ». Ce dernier se caractérise par plusieurs courtes capsules vidéo qui se succèdent dans un même contenu en traitant le sujet sous différentes approches. Un exemple : une femme parle de son application destinée à mesurer l’impact environnemental des vêtements neufs tandis qu’une autre explique ensuite son commerce de location de vêtements. Cette superposition des initiatives permet de souligner la multiplication des actions écologiques. Une barre temporelle ainsi qu’un bandeau des vidéos à venir permettent d’expliciter le fonctionnement du format. Chose remarquable pour un média pétri de sous-titres et de cartons, une voix-off lit les sous-titres pour renforcer la dimension pédagogique.