Depuis 2012, 366 analyse à intervalles réguliers les mutations de la société pour comprendre ce que veulent les Français en tant que citoyens, lecteurs et consommateurs. Décryptage avec le directeur général de la régie de la presse quotidienne régionale.
IN : qu’est-ce qui différencie le volume «raison(s) d’être» des éditions précédentes de «françaises, français, etc.»?
Stéphane Delaporte : comprendre ce qui advient est toujours difficile. Tous les sociologues savent que la caricature d’une époque passée s’impose peu à peu dans l’inconscient collectif, mais que l’on peine à décrypter ce qui se passe sous nos yeux. Ce qui restera de notre époque n’émergera que bien plus tard. Ces dernières années ont été marquées par des mouvements sociaux forts, des épisodes diplomatiques de rupture, un rapport aux médias en plein bouleversement et une consommation en profonde mutation. Cela appelait une investigation à la fois plus forte, plus fine et plus dense que les années précédentes. Pour ce cinquième opus, nous avons fait appel aux talents conjugués de quatre instituts : BVA, Kantar, l’Institut de la qualité de l’expression et Synomia.
IN : où se situent les principales découvertes ?
S.D. : notre sentiment d’une révolution en cours se révèle clairement dans un système d’oppositions entre des tensions et des attentions. Les gens sont d’autant plus défiants que l’entité dont on parle ou qui s’exprime est distante, importante, mondialisée… Ils aspirent aussi de manière extrêmement profonde à un environnement proche et maîtrisable, fait d’attentions, d’inclusion et d’actions positives, de reconstruction d’un monde qui doit muter. Les circuits courts servent d’échappatoire au court-circuit. Cette grande opposition se situe dans un paradigme entre le loin et le proche, le big et le small, la mondialisation et le local, la défiance et la confiance.
IN : quelles sont les conséquences pour les entreprises et les marques ?
S.D. : le défi consiste à comprendre que nous vivons une métamorphose qui doit appeler une vraie intégration des aspirations des Français. Le temps de la philanthropie est terminé. Celui de l’image et de la réputation touche à sa fin. Nous sommes dans le temps de l’engagement, de la création de valeur partagée, de l’inclusion sociale et de l’authenticité de la « raison d’être », incarnée par les salariés et les managers. La vocation des entreprises doit s’exprimer à hauteur d’homme, à l’échelle des citoyens, de leur environnement proche et en accord avec leurs aspirations profondes. Expliquer, montrer et démontrer la réalité de leur engagement dans le quotidien des citoyens est une opportunité majeure pour les marques. C’est aussi la raison d’être absolue des quotidiens régionaux.
IN : comment allez-vous accompagner cette nouvelle parution ?
S.D. : depuis trois ou quatre mois, on nous demande quand sort le prochain numéro de « Françaises, Français, etc. », ce qui est nouveau et très valorisant. C’est le signe que ce travail a suffisamment marqué son territoire
pour devenir un rendez-vous. Comme les années précédentes, nous allons présenter l’édition 2020 dans le cadre d’un road show auprès des agences et des annonceurs. Nous voulons aussi créer une interface Web pour que des acteurs extérieurs puissent interroger notre base de contenus rédactionnels et voir comment évolue en temps réel le corpus sémantique, au-delà de l’investigation réalisée sur la période 2009-2019.
IN : à la lumière des retombées des années précédentes, qu’attendez-vous de l’édition 2020 ?
S.D. : « Le Vrai », paru fin 2017, avait insisté sur la transparence et la sincérité. Ces notions sont encore très challengées, notamment la sincérité. Si nous ne pouvons pas être dans la vérité, soyons au moins dans la sincérité! Cela reste un vrai enjeu de communication, mais on est déjà un peu au-delà. Les entreprises doivent prendre en charge des réalisations qui s’inscrivent dans le champ social, communiquer régulièrement dans la durée et aller au contact des gens. Nous accompagnons les marques dans ces challenges, notamment en allant jusqu’à de la production de contenus et d’événements locaux, au plus près des consommateurs.
Cet article est tiré de la Revue INfluencia n°32 : « L’Odyssée des Territoires ». Cliquez ici pour découvrir sa version digitale. Et par là pour vous abonner.