17 mars 2020

Temps de lecture : 3 min

Le Coronavirus et le retour du Grand Dieu Pan

La crise actuelle est révélatrice d’un glissement vers notre part animale. La peur de l’absence de bien conduisant à des scènes d’émeutes pour des pâtes ou du papier toilette est sans doute grotesque, risible ou même disproportionnée, mais elle est fascinante. Cela en dit long sur notre civilisation et son évolution.

La crise actuelle est révélatrice d’un glissement vers notre part animale. La peur de l’absence de bien conduisant à des scènes d’émeutes pour des pâtes ou du papier toilette est sans doute grotesque, risible ou même disproportionnée, mais elle est fascinante. Cela en dit long sur notre civilisation et son évolution.

Nous glissons en effet de plus en plus vers l’animalité. Alexandre Kojève, philosophe français d’origine russe, établit ce constat en 1947 dans son Introduction à la lecture de Hegel après une fine observation de la société de consommation toute puissante aux États-Unis. Pour lui, l’homme revient à l’animalité par le biais de la civilisation américaine après deux guerres mondiale qui l’entourent, le comble de biens, de services répondant immédiatement à ses besoins. Il s’agit là d’un glissement entre désir humain et désir animal, car là où le désir humain est (normalement) contrôlé, autolimité par la culture ou la conscience, le désir animal s’oriente pour sa part vers une recherche de satisfaction immédiate : un animal qui a faim sera parfaitement satisfait s’il mange.

Dans cette société vue par Kojève «les hommes construiraient leurs édifices et leurs ouvrages d’art comme les oiseaux construiraient leurs nids ou les araignées tissent leurs toiles, exécuteraient des concerts musicaux à l’instar des grenouilles et des cigales, joueraient comme jouent les jeunes animaux et s’adonneraient à l’amour comme le font les bêtes adultes». Nul doute que Kojève serait lui-même bluffé par ses visions assez prophétiques à l’heure digitale.

Une chose est sûre, ce «village global» bruissant, grouillant, se rassemble de plus en plus autour de cette animalité quasi Lovecraftienne et notamment autour de la foule. Elle est partout et a plusieurs visages : celui de la rue, celui du marché, celui des réseaux sociaux, celui bravant l’interdit du confinement à venir.

Cet affleurement, cette viscosité, cette capacité à se rassembler, à vivre ensemble, à avoir peur ensemble mais aussi à se retrouver, à partager et à espérer est le visage de l’humanité. En cela, elle retrouve sa primitivité. En temps normal l’autre n’est pas loin, il est collé à nous. Nous nous tenons habituellement chaud dans un contact orgiaque très dionysien. Mais en ces périodes troublées de « distanciation sociale » nécessaire, comment gérer ? Il semble déjà qu’en chantant au balcon dans cette Italie confinée, en faisant le plein de nos frigos, nous faisons le plein d’animalité.

Est-ce un hasard si Pan, cousin indo-européen de Dionysos, Dieu des troupeaux et de la nature tout entière est aussi le Dieu de la foule et en particulier de la foule orgiaque? Pan avait la capacité de faire perdre à l’humanité son côté humain pour lui redonner son animalité dans la promiscuité de la foule. Le mot « panique » vient d’ailleurs du grand Pan !

Cette foule reviendra. Et nous nous réjouirons, nous serons fascinés par ces foules à nouveau regroupées dans les manifestations, les rassemblements,  les événements sportifs, les festivals ou les rassemblements religieux. Ce retour sera immense. Oui la foule reviendra. L’orgie aussi.

L’actualité nous le rappelle sans cesse: Pan nous appelle. Il est le Dieu de cette nouvelle ère, dans laquelle l’individu se retrouve en lui-même et en contact actif, générant la vie de manière littérale, physique (la polarité masculine génératrice), engendrant un nouveau monde dans lequel nous aurons – espérons-le – tiré les leçons de la crise sanitaire du moment.

Nous ne cherchons rien d’autre en nous fondant dans cette foule – fantasmée, virtuelle aujourd’hui mais bien réelle demain – que de nous perdre dans un grand ensemble, de communier, de nous retrouver au chaud, entre nous, dans une grande fête archaïque. Ce sera le moment où nous crierons, inversant le fameux cri de Plutarque : « le Grand Dieu Pan est de retour ! Le Grand Dieu Pan est de retour ! ». Oui la foule reviendra, quand l’homme aura vaincu rationnellement sa peur grâce à la science, brisé son ego dans la nuit de Pan et quand il retrouvera sa pulsion créatrice, celle qui génère la vie et fait de l’homme un Dieu.

 

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