27 mars 2020

Temps de lecture : 4 min

Covid-19 : Lettre de Denis Gancel à Gilles Deléris, son associé de W

C’est la première fois depuis 21 ans que nous sommes empêchés de nous retrouver de bon matin chez W. Nous qui avons toujours fait bureau conjoint, nous voilà condamnés au parloir numérique : Zoom, ou Teams. C’est bien mais ça ne remplacera jamais les visites impromptues, les petits cafés, les « dis-moi ce que tu en penses… », ni les éclats de rire, les touts et les riens mille fois partagés.

C’est la première fois depuis 21 ans que nous sommes empêchés de nous retrouver de bon matin chez W. Nous qui avons toujours fait bureau conjoint, nous voilà condamnés au parloir numérique : Zoom, ou Teams. C’est bien mais ça ne remplacera jamais les visites impromptues, les petits cafés, les « dis-moi ce que tu en penses… », ni les éclats de rire, les touts et les riens mille fois partagés.

Nous expérimentons ensemble le W hors les murs avec une pensée forte et solidaire pour tous ceux qui sont en première ligne de cette guerre d’une nouvelle espèce.

Étant physiquement séparés pour un moment, et puisque nous avons déjà écrit trois bouquins ensemble, je me disais que l’on pourrait peut-être correspondre… Avec les outils d’aujourd’hui, bien sûr, en invitant nos amis à participer et à enrichir nos débats. Mettons en pratique ce que nous recommandons à nos clients : entrons en conversation !

Et j’aimerais poursuivre la nôtre, celle que nous avions entamée juste avant le confinement sur le concept de Contributing®, sur l’impérieux devoir des entreprises à s’investir dans la société de façon beaucoup plus significative.
Ce sont des thèmes qui nous sont chers, que nous avions déjà abordés dans Ecce Logo.
Nous étions loin d’imaginer que la crise du Corona Virus ouvrirait en grand le débat sur l’avenir de la mondialisation, du capitalisme, des modes de production, de la chaîne logistique, de la consommation. En ces jours confinés, notre façon de faire société, de nous comporter, d’être ensemble, mérite d’être interrogée.

Le Contributing® s’inscrit dans ce débat. C’est ce dont j’avais parlé dans les médias. Sur BFM Business, sur LCI, dans CB News… et lors de l’échange avec Fabrice Lundy que nous avions fait à l’agence. Puis, le Covid-19 est passé par là. La vidéo n’a pas pu être diffusée*.

Pourtant, les questions posées sur l’avenir du marketing résonnent encore davantage au filtre de notre actualité. J’en suis convaincu, il ne pourra plus être la science marchande du XXIe siècle.
Nous ne sommes plus en 1950, l’Europe se remet alors de ses blessures. Une fois de plus, les États-Unis sont venus à son secours. L’heure est à la relance et les sauveteurs ont bien l’intention de ramasser la mise. C’est le Plan Marshall qui est chargé de faire repartir l’économie du Vieux Continent et de permettre à un nouveau de relever les compteurs. La consommation doit repartir coûte que coûte et si possible en plaçant les marques américaines en tête de gondole. Telle sera la mission dévolue d’une science récente apparue en 1937, avec l’American Marketing Association. Sa mission : relancer dans un contexte de production massive la consommation, animer le marché, quitte, s’il n’existe pas, à le créer de toutes pièces.
Nous sommes en 2020, le marketing a rempli son office, au-delà de toute espérance. La consommation est devenue l’hyper consommation, la carte des échanges s’est mondialisée, la supply chain a réduit les stocks à zéro, et nos marchandises gavent des monstres marins dont les capacités ont été décuplées.

Le marketing avait pourtant des vertus. Il savait développer un marché au plus juste prix. Ce ne sera pas suffisant à l’heure de la raison d’être et de l’alliance nouvelle entre sens et business à laquelle les entreprises aspirent aujourd’hui.
Il savait mettre en valeur une promesse et une seule, la fameuse USP de Ted Bates qui date de 1959 !!! Ce sera trop court pour le conso-citoyen en recherche de sens, et de supplément d’âme dans l’acte d’achat.
Il n’avait pas son pareil enfin, pour faire croire à l’unicité de produits pourtant semblables. Ce sera peine perdue, à l’heure des applications de traçabilité et de l’intelligence artificielle.

J’aimerais qu’on échange sur le monde d’après, un monde dans lequel le marketing va devoir céder la place. Un monde où le marché ne sera plus l’alpha et l’omega de toute entreprise. Je me souviens d’une de tes tribunes qui s’intitulait « Le design a rendez-vous avec la pub ». Quel rôle tiendra le design dans le monde qui s’ouvre ?

Nous savons tous les deux que les nombreux masters de marketing peinent désormais à recruter. Les générations Z les vivent désormais comme des provocations. Certains décrochent même le nom de leur intitulé. Un signe ? « La responsabilisation du capitalisme est à l’œuvre », dit Olivia Grégoire. Je pense qu’il faut encourager le mouvement. Ainsi, l’Europe, rendant aux États-Unis la monnaie de sa pièce, inventerait à son tour un concept qui répond aux exigences de notre siècle. Celles d’un monde au régime, plus frugal, plus responsable et plus sain.
Mais tu sais que ce qui n’a pas de nom n’existe pas.
D’où le Contributing®. Comme un juste retour des choses. Il place au cœur de ses priorités non plus le marché mais la contribution positive des entreprises à notre écosystème social et environnemental, en cherchant à construire la société décarbonée heureuse, chère à Carlos Tavares.

Le Contributing® peut nous aider à passer d’un siècle, où l’enjeu était d’augmenter sa part de marché à tout prix, à un autre, dans lequel l’exigence économique nouvelle consistera à, comme le disait la Résistance, « faire sa part » de l’intérêt général en y contribuant.

Voilà mon cher Gilles, ce que je voulais partager avec toi et avec ceux qui voudront bien nous lire. Prends bien soin de toi. Dans l’attente de ta réponse.

Ton associé,
Denis

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