Le monde que nous connaissions est en train d’être bouleversé. Avec plus de 2 milliards d’individus confinés à domicile, les modes de vie sont bouleversés et nous pouvons, sans grand risque parier sur d’autres grands bouleversements à venir. Mais vous avez déjà dû lire beaucoup d’articles à ce sujet…
Alors qu’en est-il pour la marque ? Certaines se trouveront renforcées grâce à des services devenus incontournables en temps de confinement. Mais elles seront rares, très rares. La plupart des marques vont se retrouver fragilisées pour la bonne et simple raison qu’elles n’ont rien à dire en temps de crise.
La marque crée des imaginaires d’usage d’un produit ou d’un service. La marque me projette dans une histoire fantasmée dont je pourrais être le héro. Le problème est que le pouvoir de projection en temps de crise est très faible. Qui se projette dans ce “comuter” urbain au volant de sa voiture électrique alors que nous sommes confinés ? Qui se projette encore dans ce dimanche midi en famille où un groupe d’amis partagent sous le soleil des cubes de fromages apéritifs ?
La machine à histoires cassée?
Pourquoi la machine à histoires est-elle cassée ? Ce n’est pas directement lié au confinement ou à la peur du virus. En réalité, ces histoires racontées par les marques sont des projections qui nous emmènent dans un monde passé. Notre présent confiné nous empêche de les accepter et nous sommes incapables de nous projeter dans le futur. C’est donc la machine à imaginaires qui est cassée…
Re-fonder les imaginaires…
Dans l’après-crise, il va être vital de créer de nouveaux imaginaires qui intègrent de nouvelles composantes. Evidemment la peur d’un nouveau virus, évidemment les effets sur l’économie et les économies, évidemment de nouvelles formes d’interactions sociales développées pendant le confinement… Mais la plus importante de toutes ces composantes est certainement le sens. Il faudra se rendre rapidement à l’évidence que le superflu risque d’être banni après la crise, que l’inutile risque d’être critiqué, que l’irrationnel risque d’être abandonné. La marque seule n’aura pas le pouvoir de sauver les produits et services abandonnés sur le bord de la route; évidemment. La première étape sera donc bien de comprendre pourquoi vos clients vous ont oublié si vite pendant ces quelques semaines, sans vraiment vous regretter. Exception faite des quelques produits “proustiens” et régressifs comme la pâte à tartiner qui ont dû voir leurs ventes augmenter. Le tableau n’est pas très positif, convenons-en, mais il est préférable de l’accepter pour pouvoir réagir dès maintenant et re-devenir acteur de notre futur. Mais alors… quelles seront les composantes qui définiront la marque d’après ?
Et si la marque d’après prenait des engagements, et les tenait ?
Le confinement est un changement violent, d’autant plus violent qu’ils nous est imposé. Nous nous rendons compte que les métiers les plus utiles au collectif sont certainement ceux qui font partie des moins rémunérés et des moins reconnus. Prenons l’exemple des agriculteurs, qui vont être particulièrement touchés par la crise. La grande distribution prend fait et cause pour protéger l’agriculture française. Il suffit de regarder les prises de parole de Michel Edouard Leclerc sur Linkedin, qui se positionne en soutien de la filière française. Je vous laisse juge de l’opportunisme de cette action mais il est intéressant de constater que la plupart des commentaires sont très critiques malgré tout. “ Ah, la fameuse tomate de mars de nos petits producteurs locaux …. ”
“ On verra dans 1 mois, le pouvoir de la grande distribution va reprendre le dessus ”. “ Moi, ce que j’aimerais, c’est que la grande distribution soutienne nos agriculteurs durant toute l’année ! Aujourd’hui, faire le « beau » avec une action menée car les approvisionnements espagnols ou venant de je ne sais où (pas chers) n’arrivent plus, aucun mérite ! ”
Pour n’en citer que quelques-uns.
Ce que ces commentaires révèlent est criant. Les marques devront demain incarner des changements durables, positifs pour leurs clients mais aussi pour les écosystèmes, et maintenus dans le temps au-delà des effets d’aubaine.
Et si la marque d’après était plus économe en nombre de prises de parole et en mots ?
Ce que révèle la crise actuelle, c’est qu’il vaut mieux se taire quand on n’a rien à dire. Ça n’a l’air de rien exprimé comme ça, mais imaginez une seconde que cette tendance perdure… Se concentrer sur l’essentiel, sur la valeur perceptible dans l’expérience que nous ferons de votre produit ou de votre service. C’est sans doute le bon moment pour se poser des questions sur la qualité de votre service après vente, sur la valorisation réelle de vos collaborateurs-trices, sur le problème concret que résout votre produit ou service… Les réponses à ces questions vous permettront de renforcer votre marque, de créer de nouveaux imaginaires utiles, chargés de sens, incarnés et pertinents. Alors exit les banques d’images et le matraquage de messages inaudibles ?
Et si la marque d’après était là aussi quand ça ne va pas ?
Il y a deux types de réflexe en temps crise pour une marque. Le premier est de se taire et de couper toute prise de parole… A l’inverse, certaines marques s’agitent, au risque de gesticuler en vous rappelant au passage qu’elles détiennent vos données, souvent acquises à une période où la RGPD n’était qu’un vague projet. Il y a néanmoins une troisième voie plus louable. Avec quelques semaines de recul, nous voyons apparaître une troisième voie. Elle consiste à faire preuve de transparence, à vous soucier réellement de vos clients en évitant les prises de parole automatisées et déshumanisées et à vous engager à titre personnel et collectif dans des combats qui servent l’humanité au-delà de vos clients. A ce titre, vous avez dû voir énormément d’initiatives de toute taille émerger. Du restaurateur forcé à fermer son établissement qui cuisine pour les soignants en passant par des réseaux décentralisés d’impression de matériel médical, des initiatives émergent partout. La marque de demain anticipera ces nouveaux contextes en étant plus “agile”. En se focalisant sur l’essentiel et en valorisant les personnes et initiatives en son sein, elle trouvera un rôle plus durable à l’épreuve des crises à venir.
Et si la marque d’après était humble ?
Accepter de ne pas avoir réponse à tout, tout de suite. Accepter de faire appel à des experts variés, à faire confiance, à travailler en commun, à valoriser les maillons de la chaîne, tous les maillons de la chaîne… et à trouver des accords satisfaisants pour le collectif. Accepter de partager des enseignements d’une situation sans attendre de rétribution en retour… Voilà quelques enseignements importants que nous pouvons d’ores et déjà tirer de la crise actuelle. La marque d’après devra être humble. Elle communiquera sur ses défauts pour les transformer en axes d’améliorations réels. Elle valorisera sa filière, ses partenaires. Elle fera la promotion du partage des enseignements.
Et si la marque d’après… devait être créée aujourd’hui ?
Alors, on y va ?