5 mai 2020

Temps de lecture : 5 min

Comment la France masquée va-t-elle avancer ?

Marine Monpays, directrice du planning stratégique de l’agence Little Agency, propose une réflexion sur l'avenir et le devenir du masque. Restera-til l'apanage utilitaire du soin ou bien deviendra-til un accessoire de mode. Who knows?

Marine Monpays, directrice du planning stratégique de l’agence Little Agency, propose une réflexion sur l’avenir et le devenir du masque. Restera-til l’apanage utilitaire du soin ou bien deviendra-til un  accessoire de mode. Who knows?

Alors que les avis et recommandations concernant le port du masque divergent, nous pouvons nous interroger sur le comportement des Français face à ce produit qui est passé du statut d’ovni, à celui de bien le plus prisé. Largement utilisé depuis déjà de nombreuses années dans les pays asiatiques comme la Chine, le Japon ou la Corée ; le masque ne s’inscrit pas dans notre culture, et encore moins dans nos usages. Ainsi, nous pouvons nous interroger sur son déploiement en France, va-t-il s’inscrire durablement dans nos comportements et habitudes de consommation ? Entre protection et accessoire, le masque va-t-il changer notre manière d’être et de paraitre ?

Accepter et s’approprier le masque

Selon les derniers chiffres de « L’Observatoire des Français confinés »*, 94% des Français sont favorables au masque obligatoire dans les transports, et il n’y a qu’à sortir le bout du nez pour constater que la plupart d’entre nous ne s’en passent déjà plus. Mais que va-t-il advenir dans la durée ? Passé le déconfinement et les premières sorties, comment allons-nous nous adapter ? Pour commencer, rappelons que le masque chirurgical est à l’origine un outil de protection à destination du personnel soignant, et qu’il ne s’utilise pas n’importe comment. Différents articles et tutos apparaissent d’ailleurs sur la façon dont nous devons l’utiliser, et les gestes à respecter pour assurer son efficacité. Il nous faut donc commencer par apprendre à s’en servir. Complétement nouveau dans notre quotidien, on s’aperçoit d’ailleurs que le masque n’est pas adapté à tous, quid des enfants ? des sourds et malentendants ? Une jeune Toulousaine s’est justement posé la question et a imaginé un « masque inclusif » avec une bande transparente pour pouvoir lire sur les lèvres, un projet encore en cours de financement et développement. Bref, il y a fort à faire.

Mais si ce dernier devient réellement obligatoire dans les prochaines semaines, il est fort à parier que le masque va vite passer du statut de matériel médical à celui d’accessoire personnel. Il ne sera évidemment pas question de se le prêter, et encore moins d’avoir le même que tout le monde. Le masque, au même titre que vos lunettes ou votre écharpe fera partie de vous, construira votre image et sera même plus visible que vos chaussures ; de quoi interroger les marques de mode… Plusieurs designers ont déjà créé leur propre collection comme Prae Vatanika qui a lancé des éditions limitées de masques en soie, offerts pour toute commande sur le site de la marque. D’autres n’hésitent pas à customiser leur masque, voire même à faire passer un message…
Enfin, on peut s’interroger sur la réaction des marques de luxe : déjà très demandé dans les pays asiatiques et au Moyen Orient, le masque va-t-il devenir le nouveau sac à main ? A titre d’exemple, alors que l’Italie connaissait sa pire crise sanitaire, la maison de luxe Fendi a commercialisé un masque en soie orné de son célèbre monogramme et vendu 190 euros, out of stock en moins de 48h…

Accompagner et réinspirer les utilisateurs

Bien que très peu utilisé jusqu’à présent par le commun des mortels, le masque avait pourtant déjà fait quelques apparitions sur les podiums. Sensible aux enjeux écologiques et à la pollution, la créatrice Marine Serre utilise des masques dans ses collections depuis plusieurs mois, et notamment lors de la dernière Fashion week parisienne en février : certains de ses mannequins défilaient vêtus de masques respiratoires pailletés et colorés. Les stars ne sont pas en reste non plus, et se jouaient déjà de l’accessoire avant la pandémie. Le 26 janvier dernier, Billie Eilish était arrivée masquée à la cérémonie des Grammy Awards à Los Angeles. Il n’en fallait pas plus pour la toile s’embrase et que les influenceurs des 4 coins du monde s’y mettent. Chacun y va de son conseil en terme de style ; Bella Hadid, l’actrice indienne Soha Ali Khan ou encore Gwyneth Paltrow s’affichent désormais sur Instagram avec leur masque et tentent à leur manière de sensibiliser leurs abonnés. Toutefois certaines interventions sont parfois incongrues et décriées par les abonnés comme celle de l’actrice Vanessa Hudgens qui a dû supprimer son post jugé trop léger, face à une actualité encore dramatique aux Etats-Unis.

Et puisque les influenceurs s’y sont mis, au tour des marques de suivre.
Au Harbour city mall de Hong Kong, les marques de make up ont décidé de créer un espace dédié aux nouvelles pratiques « masque-compatibles ». Après tout, puisqu’il faut se couvrir une partie du visage, autant être créatif sur ce qu’il reste de visible. Des artistes maquilleurs se sont associés à de grandes marques comme Chanel Beauté, Armani beauty, Guerlain, Shu uemura, Tom Ford Beauty, Too Faced et Urban Decay pour aider les femmes à travailler les nuances, les pigments et les techniques en proposant notamment 13 looks pour émerger dans cet océan de masques. Enfin, les youtubeuses les plus populaires se sont elles aussi mises aux tutos #makeupmask, comme la Coréenne SSUNZY qui nous explique, dans une vidéo qui a fait plusieurs dizaines de milliers de vues, comment être belle et valoriser son regard de façon naturelle.

S’adapter et induire de nouvelles routines beauté

Porter un masque n’est pas sans conséquence pour notre peau comme l’a montré Dove avec sa dernière campagne qui met en avant des soignants aux visages marqués, presque mutilés. Et même si nous ne serons pas aussi exposés qu’eux, le port du masque risque de soulever de nouvelles problématiques de peau. Il semble assez inévitable qu’en se couvrant le visage, la peau transpire davantage, s’irrite plus, etc. Il faut alors repenser sa routine beauté, choisir des produits aux promesses adaptées. En Asie, les marques réfléchissent déjà à des formulations longue-tenue comme Kolmar Korea qui a sorti une gamme de produits résistants et adaptés au port de masque : « We have developed new-type products to address inconveniences among our clients who wear face masks for a long time ».

Enfin, le port du masque risque de mettre l’accent sur certaines pratiques plus que d’autres. Les marchés chinois constatent une augmentation des ventes de fards à paupières, eyeliners et mascaras et prévoient de développer une palette colorielle plus importante encore afin que chacun puisse non seulement assortir son maquillage à son masque, mais aussi faire preuve d’une créativité accrue en ces temps parfois moroses…

Alors que les masques grand public, dit « alternatifs », sont tout juste autorisés à la vente en pharmacie, les marques vont donc devoir faire preuve de réactivité et d’imagination pour répondre aux nouveaux besoins des consommateurs… qui restent toutefois difficiles à anticiper du fait de ce contexte inédit et d’une conjoncture encore très mouvante. Sans compter qu’une autre question d’envergure va vite s’imposer. Comment aller au contact du consommateur, l’accompagner et vendre de nouveaux produits si par définition nous cherchons à éviter les rencontres ? Vous avez 2 semaines…

* »L’Observatoire des Français confinés », Harris Interactive pour LCI, 2020

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