Athlètes confinés, évènements annulés, pratique amateur régulée…Dès le début du confinement, le sport a été ‘stoppé’. Considéré par les autorités du monde entier comme un service non-essentiel, pire encore : un facteur de risque dans le dispositif de « distanciation sociale » exigé pour ralentir la montée de la pandémie. Un « stop » qui doit servir d’électrochoc pour tout une industrie qui rassemble plus de 360 000 associations sportives, 450 000 emplois, et génère plus de 70 Milliards de Chiffres d’Affaires (plus de 2% du PIB Français), sans parler des émotions !
Si nous avons tous hâte de retrouver l’ambiance des plus grands stades, il est urgent que le sport se réinvente afin de rester pertinent dans un monde post-Covid-19. Changer le modèle pour qu’il devienne un service de première nécessité : un service que les autorités ne pourraient plus mettre sur « off ».
Cesser d’être axé uniquement sur le profit et l’entertainement
Lors des 40 dernières années, l’industrie du sport ne s’est pas inquiétée, laissant filer les différentes opportunités de se renouveler. Trop ancrée dans une bulle spéculative – un cercle que l’on croyait vertueux : volume des retransmissions TV en hausse, augmentation de la visibilité, inflation des droits TV & marketing, toujours plus de spectacle, multitude de sponsors et donc plus de recettes encore. Un modèle, qui a permis au sport de se professionnaliser et de se structurer, mais qui, axé uniquement sur le profit et l’entertainement, suivait en réalité la courbe de la mondialisation. Et déjà certaines limites commençaient à s’installer : racisme, dettes, triche, violences, etc…
Évidemment, il y a des organisations qui vont mourir
Aujourd’hui, le sport n’a plus le choix que d’évoluer. La société est en pleine transformation et plusieurs voix s’élèvent pour repenser le modèle du capitalisme actuel. Selon une récente étude du Harvard Business Review, 65% des consommateurs souhaitent désormais acheter des produits et services aux entreprises responsables et engagées à rendre le monde meilleur. Nous vivons maintenant dans l’ère du « sens » et du « bien social ». Les clubs, les fédérations, les marques et les athlètes doivent rapidement intégrer que les fans de sport exigent des actions au-delà du merchandising, de la billetterie et de mercato irrationnels. Si les crises apportent leur lot de destructions, elles poussent aussi à la création – le sport ne faisant pas exception. En effet, de nouvelles opportunités s’offrent aux leaders du sport les plus visionnaires. Évidemment, il y a des organisations qui vont mourir, d’autres qui vont survire (un temps) sous perfusion de l’État. Dans leur cas, le point commun : maintenir l’existant. Le pendant inverse sera drivé par des acteurs du sport en mouvement, prêts à repenser leur proposition de valeur. En terminer avec l’argent roi. Le sport ne doit plus être qu’un simple produit de divertissement. Il faut remettre les valeurs, le lien social, la jeunesse…l’humain doit être au cœur du modèle. Le sport est l’une des plateformes les plus puissantes, il doit faire plus pour avoir un impact positif et durable sur le monde de demain (social, environnemental, économique).
Oui, le monde du sport s’est mobilisé, proposant de belles initiatives pour soutenir l’effort dans la lutte contre cette pandémie. Mais il a aussi montré des limites liées aux idées court-termistes de certains dirigeants…déjà en mode « survie ». De nombreuses discussions tournaient autour des questions : Quand et comment retrouverons-nous nos évènements tels qu’ils existaient auparavant ? Quelle place pour les droits TV ? Et aujourd’hui, alors même que nous aurions besoin que le sport se réinvente, de nombreuses organisations déplacent leur « produit » existant vers le virtuel. La réponse du monde du sport doit changer, même si dans un contexte économique incertain et difficile, nous pouvons imaginer que de la priorité des acteurs reste la survie. Néanmoins, les enjeux sont bien plus profonds et à long-terme. Profitons de ce moment exogène pour réinventer le modèle et changer de paradigme.
Comment ? quelques réflexions concernant le sport et le climat…
1. Mettre le « purpose » au cœur de la proposition de valeur. La réponse du sport aux enjeux sociétaux doit évoluer en profondeur, sans quoi le sport restera à nouveau pénalisé si une autre crise (climatique?) se présente ou si la pandémie actuelle se poursuivait. Les décideurs doivent adopter un état d’esprit « progressiste » et une approche radicalement innovante en intégrant le « purpose » au cœur du modèle économique. Le sport 2.0 deviendrait ainsi essentiel à la construction d’un monde plus durable. Chaque acteur doit définir une mission et une proposition de valeur au service de la société – dépassant le simple « produit » à commercialiser – tout en positionnant les fans comme de vrais acteurs du changement et non pas de simples consommateurs. Le pouvoir du sport doit émerger au-delà de la recherche unique de profit.
2. Le sport professionnel. Réfléchir à l’instauration de plafonds salariaux, particulièrement dans le domaine du football – harmoniser ces décisions au niveau Européen. Prolonger en limitant la masse salariale des clubs en adéquation avec leur budget. Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle Américain ? Mettre en place des ligues fermées, sans montée ni descente, de manière à garantir les revenus et donc de rassurer les sponsors.
3. Une refonte du calendrier. Repenser le calendrier en réduisant le nombre d’évènements et de compétitions. 2 points majeurs : garantir la sécurité des athlètes et augmenter leur intérêt pour les fans. Cela pourrait aussi favoriser l’émergence de nombreux évènements « locaux » moins élitistes et moins onéreux.
4. Une meilleure redistribution du sport. Il faut reconnecter le sport amateur au sport professionnel. 2 mondes qui doivent avancer ensemble. Un exemple : si l’Agence Nationale du Sport reçoit, via la taxe Buffet, une part des droits TV pour financer le sport amateur, cette somme pourrait être revue à la hausse. Déplafonner les aides pour permettre aux plus « petits » sport et au sport amateur de se développer et non de survivre.