Avec la mise à l’arrêt des spectacles, concerts et événements culturels, les artistes se sont reportés massivement sur les réseaux sociaux pour continuer à toucher leurs publics. Mais certains ont eu de mauvaises surprises… En cause ? Les algorithmes chargés de faire la chasse aux copyrights.
Automatiser la détection des contenus protégés par le droit d’auteur permet de répondre à une problématique cruciale pour les plateformes : impossible en effet de vérifier à la main les 720 000 heures de vidéos ajoutées chaque jour sur Youtube ou les “Stories” des 500 millions d’utilisateurs quotidiens d’Instagram.
Algorithmes de reconnaissance
Pour éviter de s’attirer les foudres des ayants-droits et s’épargner de coûteux procès, Google comme Facebook ont donc développé et perfectionné au fil des années leurs algorithmes de reconnaissance. Youtube annonçait ainsi en 2018 avoir investi plus de 100 millions de dollars en dix ans dans sa technologie “Content ID”, lui permettant de reverser à à cette date 3 milliards de dollars aux maisons de disques, artistes et détenteurs de droits audiovisuels.
Ces outils sont encore perfectibles
Pourtant, malgré ces investissements, ces outils sont encore perfectibles, en particulier lorsqu’ils s’attaquent à la musique classique. De nombreux musiciens s’en sont rendu compte à leurs dépends pendant le confinement… Le Washington Post cite ainsi l’exemple d’Adrian Spence, qui a voulu diffuser sur Facebook Live l’enregistrement d’une représentation de son orchestre de chambre. Au bout de quelques minutes, sa diffusion a été brutalement interrompue, avec pour seule indication que cette vidéo comportait 1 minute et 18 secondes d’une oeuvre protégée par un copyright… Même s’il s’agissait d’une oeuvre de Mozart composée en 1786 !
Pourquoi la musique classique est-elle ainsi pénalisée ?
Adrian Spence a dû patienter quatre jours avant que l’accès à Facebook Live lui soit à nouveau permis, après de nombreux échanges avec les équipes du site. Migrer sur Youtube n’a pas amélioré les choses : cette fois, c’est un quintet de Carl Nielsen (décédé en 1931), qui s’est trouvé bloqué… Il ne s’agit pas d’un cas isolé : les récits de mésaventures de ce type sont nombreux, et des interprétations d’oeuvres de Beethoven, Fauré, Chopin ou Bach ont aussi été coupées. Mais pourquoi la musique classique est-elle ainsi pénalisée ?
La pop et les oeuvres récentes fonctionnenet bien
La réponse est relativement simple : si les systèmes de “matching” qui permettent de comparer les enregistrements mis en ligne avec ceux des bases de données alimentées par les ayants-droits fonctionnent relativement bien pour la pop et les oeuvres récentes, ils ont encore toutes les peines du monde à faire la différence entre les interprétations d’une même oeuvre par deux pianistes différents. Il suffit donc qu’un enregistrement d’une oeuvre classique soit protégé (par exemple par Naxos Music, l’un des principaux labels de musique classique, avec 2,5 millions de morceaux), pour gripper la machine…
J’ai fait cet enregistrement dans mon salon. Vous ne possédez RIEN.
Le problème n’est pas nouveau : en 2018, le pianiste James Rhodes avait attiré l’attention des médias après que Sony ait fait censurer par Facebook son interprétation d’une oeuvre de Bach. Raison invoquée : 47 secondes de cette vidéo appartiendraient à Sony Music Entertainment… ce à quoi James Rhodes avait répondu dans un tweet : “[Bach] est mort il y a 300 ans. Et j’ai fait cet enregistrement dans mon salon. Vous ne possédez RIEN”.
Les musiciens n’ont plus qu’à se mettre aux haikus !
En attendant une amélioration des algorithmes, Instagram a fait un petit pas en avant : la plateforme notifie désormais ses utilisateurs en amont avant d’interrompre leurs live, si jamais une diffusion de contenus protégés est détectée. L’application du groupe Facebook précise qu’elle “veut encourager l’expression musicale sur ses plateformes, tout en s’assurant de respecter les accords passés avec les détenteurs de droits”. Et de donner une série de conseils aux artistes valables pour Facebook et Instagram, dont celui de privilégier “des morceaux courts”… les musiciens n’ont plus qu’à se mettre aux haikus !