Maud Behaghel, Directrice des Opérations chez United Wardrobe a dû se résoudre à fermer son activité en France, elle témoigne dans cette tribune du pourquoi d’une telle décision sur ce marché, qui est deuxième pour l’activité de la société.
On ne pouvait pas s’attendre à une telle claque. Avec le confinement, les commerces ont dû baisser le rideau. La France est entrée en récession avec une baisse de 5,8% du PIB au premier trimestre. Et selon l’Insee, la baisse de la consommation des ménages a pour sa part, chuté de 35%. Pour beaucoup de business (entreprises, PME, comme startups), l’impact de la crise sanitaire est majeur. Et c’est tout aussi vrai pour le secteur du e-commerce et de la seconde main que pour d’autres. Car si presque tous évoquent à juste titre, l’explosion des ventes en ligne, la réalité est dans les faits bien plus contrastée pour le secteur du e-commerce.
Relativiser les annonces records du business en ligne
Tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. L’alimentaire (+251% de trafic sur les sites web de supermarchés selon Content Square) a pris les devants sur les secteurs de la mode (- 56% selon le dernier baromètre de FoxIntelligence). Surtout, un récent sondage réalisé par McKinsey indiquait que 80% des startups tout secteurs confondus, observaient un virage au e-commerce imminent pour s’adapter à la crise. Même le géant Amazon, pour des raisons sanitaires a suspendu son activité et annonce pour l’heure ne tirer aucun bénéfice net sur le trimestre du fait des dépenses liées au coronavirus. Alors suite au déconfinement progressif, comment les acteurs de seconde-main et e-commerce peuvent-ils aborder un « retour à la normale » sur le marché ?
Redevenir opérationnel dès le déconfinement
Le processus de déconfinement a été enclenché pour l’Hexagone. L’ensemble des acteurs de seconde main et de l’e-commerce vont jouer des coudes pour être de nouveau présents sur le marché national. Mais attention, un retour en arrière peut vite survenir. Plus que jamais, l’enjeu est de taille pour redémarrer une activité mise à l’arrêt de manière si stricte. Pour ces acteurs, il s’agit bel et bien d’avoir, un retour à « la normale » dans un contexte encore très incertain et fragile. Tout en restant flexible pour s’adapter aux futurs changements des consommateurs. Ils doivent apporter beaucoup plus d’accompagnement et mettre en place des mesures de sécurité et sanitaire pour garder cet équilibre fragile maintenu durant ce confinement. Sur le plan de la logistique dont la supply chain a été brutalement interrompue pour certains. Sur celui de la réglementation sanitaire et de la réorganisation qu’elle impose en entrepôt comme en open space (distanciation sociale estimée à 4m2 par salarié, mesures de protection, masques, etc.) Puis sur le plan du service client (problèmes de commandes pendant le confinement, délais, annulations). Selon PrestaShop, 69% des e-commerçants ont vu leur niveau de service dégradé à cause de la crise. Les entreprises devront pallier cette situation en amortissant leurs pertes financières et en compensant leurs utilisateurs de ces désagréments.
Certaines ont pu être réactives…
Certaines entreprises ont pourtant su être réactives et créatives en un temps record pour faire face à ces événements autant pour leur business que pour servir la société. Une étape cruciale durant le confinement. En effet, elles ont dû, le temps d’un mois et demi, se réadapter en profondeur voire même se réinventer rapidement en misant sur le digital pour rester à flot, – question de survie – et assurer la continuité économique et sociale de leur activité. Selon l’étude réalisée par McKinsey, 90% des startups ont vu la digitalisation de leur industrie pendant le Covid-19 comme une opportunité business. Par ailleurs, le Covid-19 a été l’occasion pour les entreprises de prendre conscience de leurs failles opérationnelles existantes. En France, les entreprises qui dépendent d’autres acteurs tels que des fournisseurs, distributeurs comme les sociétés de livraisons de colis qui s’arrêtent, à l’image de Mondial Relay, peuvent mettre à l’arrêt tout un business voire même l’anéantir. Le danger du digital implique qu’il y ait une dépendance de plus en plus forte aux intermédiaires, rendant la chaîne encore plus fragile dans ce contexte.
Les ventes ont explosé en Belgique et aux Pays-Bas
En revanche, les entreprises présentes dans plusieurs pays, ont justement pu bénéficier de cette internationalisation. Le confinement a eu des effets très différents en fonction des pays et de par des obligations plus ou moins strictes. Ces sociétés ont pu voir leurs ventes bondir dans certains marchés souvent grâce à un confinement moins sévère permettant de compenser les pertes ou l’arrêt même d’activité, notamment en France où le constat a été flagrant. Par exemple en Belgique et aux Pays Bas, les ventes ont explosé sur cette même période. Les vendeurs ont été réactifs au même titre que les acheteurs. Les paquets étaient acheminés, les retraits rendus possibles, entraînant une appréhension moindre dans la décision d’achats.
Détecter les nouveaux comportements consommateurs
Une chose est certaine, le retour à la normale, s’il est encore possible se fera dans la durée. En attendant, les acteurs du e-commerce doivent s’attendre à des bouleversements dans les habitudes de consommation mais aussi à un potentiel boom des acteurs virant au numérique pour pallier toute nouvelle crise. Cet afflux de nouveaux challengers relancera certainement les dés du digital poussant les acteurs à se démarquer les uns des autres. Rappelons-le, l’e-commerce date de 1994, il faut donc s’attendre encore à de nombreux bouleversements dans les années à venir dans ce secteur. Cette crise chamboulera sûrement l’e-commerce que nous connaissons aujourd’hui. Ce virage online accentuera la baisse de fréquentation des boutiques et poussera un peu plus les acteurs de la fast fashion mais aussi d’autres à accélérer leur transition vers le digital et à mettre en place d’éventuelles collaborations avec des marketplaces. Les entreprises assisteront probablement au retour en force de l’achat local de proximité, voire de quartier dans un système décentralisé qui fait la part belle aux territoires, à l’intérêt collectif et à la solidarité comme l’a montré l’essor de l’initiative sauvonsnoscommerces.com. Enfin, elles devront faire face à la diminution des intermédiaires au profit de transactions directes (peer to peer).
Se préparer à une crise économique longue
Nous ne ressortirons pas indemnes du Covid-19 et il faut se préparer à ce que son impact dure encore plusieurs mois et laisse place à une crise économique. Les entreprises non plus, si elles ne s’engagent pas à rester ouvertes et à s’adapter pour avoir de la visibilité à moyen, long-terme. Entre obstacles et opportunités, la voie est encore longue pour un retour à la sérénité, l’ensemble des acteurs doivent se renouveler et vite, pour répondre aux nouveaux modes de consommation.