15 juin 2020

Temps de lecture : 3 min

La messagerie « Signal » floute les visages : un engagement inédit en faveur des manifestants

Alors que la messagerie Signal est massivement téléchargée aux États-Unis pour sécuriser l’organisation des manifestations contre le racisme, l’application cryptée propose désormais un outil de floutage automatique des visages. Une fonctionnalité militante unique dans la galaxie frileuse des réseaux sociaux.

Alors que la messagerie Signal est massivement téléchargée aux États-Unis pour sécuriser l’organisation des manifestations contre le racisme, l’application cryptée propose désormais un outil de floutage automatique des visages. Une fonctionnalité militante unique dans la galaxie frileuse des réseaux sociaux.

L’application Signal a le vent en poupe. Il y a quelques années déjà, la messagerie sécurisée avait été couronnée par le lanceur d’alerte Edward Snowden qui déclarait l’utiliser « tous les jours » pour contrer les programmes de surveillance de masse. Une distinction de haute volée bien méritée pour une app open source qui est gratuite, sans publicité et dont les données sont chiffrées de bout en bout. Ce sont d’ailleurs ces garanties de confidentialité qui ont mené à un élargissement considérable de la cible initiale de Signal ces dernières semaines. Au-delà des métiers à intérêts stratégiques nécessitant un cryptage des données, la messagerie bénéficie désormais à tout un nouveau pan de la société : les mouvements sociaux.

« 2020 est une très bonne année pour se couvrir le visage »

Signal est en effet devenu l’un des outils phares dans l’organisation des manifestations Black Lives Matter à travers le pays. « De nombreuses personnes et groupes qui s’organisent pour le changement utilisent Signal pour communiquer, et nous travaillons durement pour soutenir l’augmentation du trafic » explique l’entreprise dans un communiqué publié le 3 juin. C’est ainsi qu’entre le 25 mai et le 3 juin, Signal a été téléchargé plus de 121 000 fois aux États-Unis, hissant l’app pour la première fois de son histoire dans l’un des tops 10 de l’Apple Store américain.

Un succès inouï dont l’entreprise souhaite se saisir pleinement : « Nous essayons de trouver de nouvelles façons de soutenir toutes les personnes dans la rue actuellement » est-il précisé dans le communiqué. Or, dans les tuyaux de Signal se trouve un outil qui pourrait faciliter grandement la vie des manifestants. Une fonctionnalité « Blur face » qui permet de flouter automatiquement les visages sur une vidéo afin de respecter la vie privée et l’anonymat de chacun. Jusqu’à présent, un individu qui souhaitait anonymiser une vidéo devait passer par la laborieuse tache du floutage manuel. Aujourd’hui, avec un simple smartphone, c’est possible de le faire automatiquement. D’où la phrase coup de poing de Signal lors du lancement de sa nouvelle fonctionnalité : « 2020 est une très bonne année pour se couvrir le visage »

« Nous pensons que quelque chose doit changer aux États-Unis »

Le positionnement militant de Signal est assumé. L’un de ses co-fondateurs, Moxie Marlinspike, explique son regard sur Twitter : « Nous soutenons les personnes qui vont dans la rue pour faire entendre leurs voix. Nous pensons que quelque chose doit changer aux États-Unis et faisons confiance aux personnes qui s’organisent dans tout le pays pour trouver une solution». En offrant la possibilité de flouter automatiquement les identités de manifestants, l’application participe à la protection de la vie privée de nombreux citoyens. L’anonymisation des vidéos va en effet ralentir le profilage d’individus jugés suspects et limiter de facto le pouvoir panoptique de la police.

Si cette fonctionnalité reste largement limitée au regard des très nombreuses caméras de surveillance privées ou policières présentes aux États-Unis, le choix de Signal demeure emblématique des nouvelles positions politiques que pourront prendre à l’avenir des entreprises de l’économie numérique. Des postures militantes qui bénéficient largement à des applications encore méconnues du grand public. La preuve, Signal a ouvert considérablement sa cible en tendant la main à des millions de manifestants aux États-Unis et au-delà, mais également aux journalistes et autres lanceurs d’alertes qui souhaitent partager des scènes publiques manifestement illicites sans craindre de poursuites judiciaires. Cet élargissement de la cible marketing initiale de la marque témoigne d’un coup de maitre en matière d’exposition et d’une fine connaissance des enjeux politiques et sociaux de notre modernité.

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