Au moment où responsabilité et croissance se réconcilient, la communication fait aussi sa révolution avec des dispositifs structurants et affinitaires. Explications avec Corinne Mrejen, directrice générale du groupe Les Échos-Le Parisien en charge du pôle Les Échos-Le Parisien Partenaires.
IN : qu’est-ce qui amène aujourd’hui à repenser les missions de la communication?
Corinne Mrejen : la crise du Covid-19 a cristallisé des inquiétudes sur la santé et sur le contexte économique, mais aussi amplifié des attentes qui préexistaient et qui s’inscrivent dans un temps plus long. La situation de tension que nous traversons donne l’opportunité de faire bouger les lignes, même s’il faudra du temps pour changer de paradigme. La prise de conscience très claire par les citoyens que les anciens modèles sont à bout de souffle constitue un terreau pour construire un monde différent, basé sur de nouveaux indicateurs. Ces évolutions se remarquent dans le vocabulaire, où la notion de « consommation intelligente » a pris le pas sur le terme de « décroissance ». Mais aussi dans l’intérêt porté à Patagonia ou C’est qui le patron?!, à la massification de l’usage des applis Yuka et Too Good To Go, ou enfin au succès de l’événement ChangeNOW sur l’écosystème à impact positif.
Cette révolution responsable ouvre la voie au développement d’une croissance vertueuse et nous met face à un défi collectif pour passer à des actions à grande échelle. Ces tendances nous poussent à revenir aux fondamentaux de la communication, qui ne sert pas seulement à valoriser un produit ou un service, mais délivre des messages utiles sur la raison d’être des entreprises, sur leur mission et leur utilité sociale.
IN : quels enseignements en a tiré la régie les échos- le parisien médias ?
C.M. : ces réflexions sur le futur de la communication nous ont amenés à construire des «grands programmes» pour permettre aux entreprises de partager des engagements qui vont bien au-delà de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) « traditionnelle» et nous renvoient à des transformations sociétales majeures. À travers ces axes de communication responsable, qui s’inscrivent dans une logique de communication pérenne, les marques s’associent à des thématiques structurantes.
Elles créent une zone d’adhérence entre les audiences de nos médias et les entreprises, en activant du média classique, du contenu et de l’événementiel. Les dispositifs qui en découlent privilégient la frugalité et l’affinité à la puissance, sans renoncer à l’efficacité. Les agences médias sont complètement parties prenantes de ces dispositifs de co-création. Cette relation de partenariat donne tout son sens au nom du pôle qui les organise, Les Échos-Le Parisien Partenaires.
IN : comment se sont déjà exprimés ces engagements ?
C.M. : le programme Accelerate Business for Good, monté sur dix mois en 2019 avec BNP Paribas, est parti des initiatives locales qui participent à construire l’écosystème à impact positif. Des rencontres organisées à Strasbourg, Aix-Marseille, Lyon, Bordeaux et Paris ont rassemblé 1500 visiteurs et permis de faire dialoguer ces entrepreneurs nouvelle génération avec les grandes entreprises. À l’issue de ce processus, un livre blanc a compilé les exemples vertueux « découverts » lors du tour de France et les recommandations issues des moments de co-création. Le magazine digital immersif « Les Échos Planète », lancé début 2020 avec Rolex dans le cadre de son programme Perpetual Planet, s’appuie de son côté sur la valeur d’exemple.
Ce programme Planète réserve une place importante au journalisme visuel et s’appuie sur une grande diversité d’angles éditoriaux : des repères pour favoriser la compréhension des enjeux environnementaux, des enquêtes approfondies, des portraits de pionniers du changement…
IN : comment ces programmes s’articulent-ils avec la publicité plus classique ?
C.M. : les grands programmes qui asso- cient une marque à nos médias, sans jamais trahir leur intégrité éditoriale, sont une forme de collaboration et de coproduction qui s’inscrit dans le moyen terme. En général, ils génèrent aussi de la publicité classique. Avec la crise, le chiffre d’affaires de la publicité classique a beaucoup reculé, mais aucun de nos grands programmes n’a été annulé.
IN : la crise économique pourrait- elle fragiliser cette approche ?
C.M. : nous sommes convaincus au contraire qu’elle va la renforcer. On le voit à l’alignement des planètes entre ce qu’exprimaient déjà clairement les plus jeunes et ce que ressent aujourd’hui l’ensemble de la population. Les entreprises ont davantage pris conscience que la préférence de marque constitue une opportunité pour créer de la valeur. Les citoyens appellent plus que jamais les grandes entreprises à passer à la vitesse supérieure et à se mettre en ordre de marche comme elles ont su le faire pendant la crise, notamment dans le luxe, en réorientant les usines pour produire du gel hydroalcoolique ou des masques. La crise a accéléré la prise de conscience que chacun doit jouer son rôle.
Ce Pub’Art est tiré de la Revue INfluencia n°33 : « Le Good : Dessine-moi un monde nouveau ». Cliquez ici pour découvrir sa version digitale. Et par là pour vous abonner.