La crise sanitaire mondiale, doublée d’une récession économique sans précédent, pose de nombreux défis en matière d’emploi. Face aux Cassandre qui ne manquent pas de prédire chômage de masse et fracture sociale, les chroniques #FutureOfWork documentent les changements positifs du travail et des organisations, afin de contribuer à renforcer l’employabilité dans le monde de demain
Quelle proportion parmi nous peut réellement télé-travailler ?
Le ministère du Travail estime que 30% de la population active française est susceptible de travailler à distance. Pourtant, en 2018, le travail à domicile ne concernait que 6,6 % des actifs en France. Une étude menée en 2020 par la startup Boostrs , fondée sur l’analyse de 10 000 compétences et 3000 métiers, redéfinit chaque métier comme un portefeuille de compétences et établit de manière fine le degré de faisabilité en télétravail de chaque emploi. Cette analyse mesure que, sur l’intégralité des compétences techniques existantes, la moitié correspond à des tâches qui peuvent être, au moins en partie, réalisées à domicile. Ainsi, Boostrs démontre que le télétravail concerne potentiellement 62% des actifs en France, soit le double des estimations gouvernementales..
Le bureau, nouvelle surface d’intelligence collective
Les bénéfices d’une plus large utilisation du télétravail sont multiples. Pour l’employeur, cela permet de réduire les coûts fixes, en particulier celui du loyer. L’espace physique de travail est repensé de manière plus flexible, avec une surface moindre, agencée spécifiquement pour les échanges. Le lieu de travail est désormais un lieu d’intelligence collective, la réflexion de fond individuelle pouvant être effectuée depuis chez soi. Pour le collaborateur, l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle se trouve amélioré. Enfin, d’un point de vue sociétal et environnemental, la généralisation du télétravail va permettre de ré-inclure dans l’emploi les populations habitant des zones plus excentrées, et de limiter la pollution liée à des déplacements devenus inutiles.
La tech prône le dogme du tout-télétravail
Mais, ces bienfaits disparaissent lorsque la part du télétravail devient excessive, voire totale. Désocialisation, surmenage, absence de droit à la déconnexion, diminution du sentiment d’appartenance ont été constatés pendant le confinement. Ceci pose question, notamment pour l’univers de la Tech, très enclin désormais à basculer durablement vers une part très élevée voire totale de télétravail. Par exemple, Mark Zuckerberg a annoncé le 21 mai 2020 que la moitié des employés de Facebook pourraient travailler de chez eux, de façon permanente d’ici cinq à dix ans. Selon une étude en interne citée par le Monde , les envies des Facebookers sont pourtant très partagées. En effet, la moitié des collaborateurs de Facebook s’estiment plus productifs en télétravail, et 20% à 40% se disent intéressés par la possibilité de télétravailler de façon permanente. Mais 50% aimeraient retourner au bureau le plus vite possible. D’ailleurs, Mark Zuckerberg affirme : « nous ne le faisons pas parce que des employés le réclament, mais parce que nous sommes là pour servir le monde, et notre communauté, et débloquer autant d’innovation que possible. En 2020, il est plus facile de déplacer des octets que des atomes, donc je préfère que nos employés se téléportent par vidéo ou réalité virtuelle plutôt qu’ils soient coincés dans les embouteillages à polluer l’environnement ».
« Le vrai drame, c’est la distance, et que les êtres ne se connaissent pas. »
A l’inverse, peu se souviennent que Marissa Meyer avait totalement interdit le télétravail chez Yahoo en 2012. A l’époque la DRH du groupe, Jackie Reese, envoie un mémo à l’ensemble de employés qui affirme que « travailler chez Yahoo ne dépend pas seulement de l’exécution vos tâches quotidiennes. Cela repose également sur les interactions et les expériences qui sont exclusivement possibles dans nos bureaux ». De plus, basculer une entreprise ou l’ensemble d’un pays en télétravail ne s’improvise pas. En effet, la crise du COVID a mis en lumière le fait que plus de 50% des PME françaises n’avaient pas de plan de continuité clairement établi, permettant un passage fluide en télétravail.
Et vous, seriez-vous prêts demain à passer en tout télétravail ?