18 octobre 2020

Temps de lecture : 4 min

Rafael Donato, agence David, « les consommateurs utilisent les marques pour exprimer leurs opinions et exiger plus d’elles « 

Le patron de la création de David Sao Paolo, Rafael Donato est reconnu aujourd’hui comme étant l’un des plus grands de la profession. Il a notamment permis à Coca-Cola, Burger King, et Faber Castell de remporter 17 Lions au Cannes Lions, l’été dernier. Conversation autour de la création par temps de confinement… Avec en illustration l’incroyable travail de Burger King sur ses produits et consommateurs.

Le patron de la création de David Sao Paolo, Rafael Donato est reconnu aujourd’hui comme étant l’un des plus grands de la profession. Il a permis notamment permis à Coca-Cola, Burger King, et Faber Castell de remporter 17 Lions au Cannes Lions, l’été dernier. Conversation autour de la création par temps de confinement… Avec en illustration l’incroyable travail de Burger King sur ses produits et consommateurs.

INfluencia: la publicité peut-elle jouer un rôle lorsque les situations économiques, sociales ou sanitaires tournent mal?

Rafaël Donato : absolument! La publicité peut aider les gens à voir le monde sous un angle différent. Par temps de crise, la communication est un moyen d’aider les gens à imaginer des opportunités là où on ne verrait que des problèmes en temps normal. Une bonne publicité ne laisse pas une crise gagner.

IN: au depart, la pub a pour objectif de créer du désir, de rêve. Est-ce toujours possible aujourd’hui?

R.D. : je pense que la pub est allée bien au-delà de la simple création de désir. Les consommateurs achètent des marques qui correspondent à leurs convictions, qui contribuent à les représenter. Le marketing ciblé est devenu une tendance. Et avec les médias sociaux et la technologie, elle est devenue une voie à double sens, où les consommateurs utilisent les marques pour exprimer leurs opinions et exiger plus d’elles et des entreprises.

 IN : comment les agences peuvent-elles faire du bon travail quand elles ont pour «partenaires», des clients souvent paraliysés par ce dont elles sont responsables (climat, pollution, alimentation…)

R.D. : la première démarche pour résoudre un problème consiste à admettre qu’il y en a un. L’honnêteté et la transparence entre l’agence et les clients peuvent aider à identifier ces problèmes et à les résoudre. Cela permet souvent une excellente communication et des améliorations de produits (Moldy Whopper pour Burger King, par exemple). Nous avons tous des défauts, les marques, comme les consommateurs. Admettre ses failles amène souvent les consommateurs à baisser leur garde pour écouter ce que vous avez à dire.

IN : êtes-vous d’accord sur le fait que les marques doivent prendre des décisions sérieuses en matière d’écologie et de développement durable, afin que votre travail soit possible aujourd’hui?

R.D. : je pense que la vie sera impossible si nous ne prenons pas tous la même voie. Cependant, toutes les marques ne sont pas prêtes à communiquer des messages de durabilité. Idéalement, cela commence à l’intérieur des entreprises, puis s’étend à la communication. Si le discours est vide de sens, cela sera préjudiciable à la marque.

IN. : quelles secteurs sont les plus faciles à travailler en matière de creation?

R.D. : chaque secteur comporte des défis. Personnellement, j’adore “craquer” une bonne idée pour une catégorie moins «créative» comme le secteur des assurances ou des couches pour bébés, car elle se démarquent davantage. Avoir une idée pour un secteur déjà creatif fait monter la pression » parce que toute la concurrence est sur le coup, mais l’enjeu n’est pas de la meme importance…

IN: est-il possible de créer des rêves, des envies, ou de faire de l’humour?

R.D. : la notion de ce qui est drôle change avec le temps et la sensibilité des gens est à un niveau record. Les marques doivent donc être particulièrement vigilantes pour que lorsqu’elles essaient de faire de l’humour, cela ne soit pas considéré comme offensant. D’un autre côté, rire de notre propre honte est souvent ce qui nous permet de traverser des moments difficiles, il y a donc certainement la possibilité d’être drôle.

IN: les nouvelles technologies changent-elles votre façon de travailler sur les marques?

R.D. : les médias sociaux ont fait de la publicité une voie à double sens. Vous pouvez voir immédiatement comment votre campagne est prise et répondre en temps réel au consommateur. Tout ce que nous faisons aujourd’hui est en prise directe avec la durée d’attention des consomamteurs, la concurrence, et la verticalité. Les formats ont changé, mais notre travail reste fait du meme bois. Nous devons être pertinents et disruptifs.

IN. : pensez-vous comme (beaucoup de Français) que les marques remplacent la politique, la religion, etc.? Est-ce une bonne chose?

R.D. : question difficile. Le marketing est inextricablement lié à la politique et à la religion. Pour moi, la Bible est une campagne vieille de 2000 ans qui est toujours en cours, et je pense que les politiciens ne sont que des spécialistes du marketing qui vendent des politiques et non des produits. En tant qu’humains, nous devons croire aux récits, peu importe que ce soit l’église, Internet ou notre activiste préféré. Nous nous accrochons à ce qui résonne avec nos croyances. Nous achetons des récits. Plus que du bon ou du mauvais.

IN. : dans ce cas, la publicité va avoir de très grandes responsabilités …

R.D. : la publicité est plus blâmée qu’elle ne le devrait. Oui, nous avons le pouvoir de façonner la culture, d’influencer ce que les gens pensent, mais pas plus qu’Hollywood, les chanteurs pop ou des groupes religieux. Pourtant, la pub est plus scrutée que n’importe laquelles de ces activités…

IN. : avec le coronavirus dans l’air, un autre « drame » vient nous dire que la mondialisation, le capitalisme, l’essence, les plastiques, la consommation n’est pas la meilleure façon de vivre … Cette épidémie est-elle une expérience destinée à nous enseigner ce qui doit vraiment changer.

R.D. : cette épidémie a montré que l’humanité peut agir de conserve contre un ennemi commun, en l’occurrence un virus. Demain, ce sera peut-être bien le réchauffement climatique ou peut-être une autre pandémie. Et la publicité a un rôle à jouer pour rallier les gens autour d’une cause. Cela peut également aider à faire pression sur toutes les marques pour qu’elles agissent de manière responsable. Lorsque les marques se rendront compte qu’être durable, socialement responsable et responsable tout court est bon pour les affaires, alors nous obtiendrons un réel changement.

 
IN. : qu’ont de plus les consommateurs aujourd’hui?

R.D. : les consommateurs sont plus cyniques et mieux informés que jamais. Et ils ont tout vu. Comme une fin hollywoodienne à laquelle personne ne croit plus, nous devons repenser nos promesses. Il n’y a pas de héros faciles, de solution aisée, ni d’enrobage en sucre…Tout ce que nous faisons doit résonner avec la vérité. Le format peut être dramatique, drôle, réel ou fantastique. Mais la vérité doit être là. Lorsque vous faites cela,le public vous achète.

Campagnes d’août 2020 pour Burger King. Le produit et les consommateurs montrés tels qu’ils le sont. Une stratégie gagnante imaginée par Rafaël Donato pour David Sao Paolo.

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