Le commerce illicite de biens culturels représenterait plus de 10 milliards de dollars par an. Une estimation affolante que le confinement n’a malheureusement pas impactée, bien au contraire. De quoi donner des raisons à l’Unesco pour prendre la parole et sensibiliser le milieu de l’art, et tout particulièrement les acheteurs, sur les conséquences désastreuses de ce trafic.
On pensait l’économie souterraine lourdement impactée par les contraintes de mobilité liées au confinement. Christophe Castaner, alors ministre de l’intérieur, déclarait même le 15 mai dernier que « durant cette péridode, tous les trafics ont été fortement touchés. On estime qu’ils ont diminué de 30 à 40 % ». Un chiffre important qui s’explique par plusieurs facteurs évidents : la baisse des faits constatés, d’une part, mais également du volume de produits saisis, du nombre de personnes interpellées ou d’informations sur la disponibilité des produits qui remontaient jusque là aux oreilles des autorités. Mais notre futur jeune retraité n’abordait alors que le trafic de stupéfianst. Une précision de taille, car cette période de mise en veille fut -malheureusement- beaucoup plus réjouissantes pour d’autres types de commerces illicites. Et comme souvent, c’est la culture qui trinque.
Profitant du relâchement de la surveillance des sites archéologiques et des musées, les trafiquants de biens culturels, grâce à des fouilles sauvages organisées en toute impunité, semblent s’être gavés au cours de cette année maudite. L’Unesco estime que le commerce illicite de biens culturels représente près de 10 milliards de dollars chaque année. « Un véritable vol caractérisé de la mémoire des peuples », pour Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Unesco, qui se déroule souvent à échelle industrielle. C’est aussi l’une des plus importantes sources de financement d’organisations criminelles et terroristes. Une réalité que nous avons tendance à sous-estimer : le vol, le pillage et le trafic illicite d’art, en plus d’enrichir directement des organisations criminelles et de fragiliser les sociétés des pays touchés, dépossèdent les peuples de leur histoire et de leur culture. Une perte d’identité irréparable.
Une mémoire à entretenir
L’Unesco a développé depuis 50 ans le cadre juridique de référence pour lutter contre ce fléau, et mène un combat quotidien auprès des États membres et des partenaires. Pour le 50ème anniversaire de la Convention de l’Unesco adoptée en 1970, l’organisation a décidé de prendre la parole à travers « Le vrai prix de l’art », une campagne internationale déclinée en presse écrite et sur les réseaux sociaux. L’objectif : sensibiliser le milieu de l’art et tout particulièrement les acheteurs sur les conséquences désastreuses de ce trafic. À l’heure où nous nous questionnons de plus en plus sur l’impact de notre consommation, qu’elle soit alimentaire ou vestimentaire, il était temps pour l’institution d’éveiller les consciences et d’appeler tout à chacun à la plus extrême vigilance. Une ambition partagé par DDB Paris au moment de concevoir cette campagne : révéler au plus grand nombre le vrai prix de l’art.
Les 5 annonces empruntent les codes chers à l’univers de l’art et du design pour mieux révéler la vérité sombre cachée derrière certaines oeuvres. Chaque visuel présente un objet in situ, intégré de façon anodine à la décoration intérieure d’un acheteur. Mais une accroche vient révéler de façon crue l’envers du décor : financement du terrorisme, fouilles illégales, vols dans un musée détruit par la guerre, liquidation de la mémoire d’un peuple… Chaque annonce raconte l’histoire vraie d’une antiquité volée dans une région du monde -Moyen-Orient, Afrique, Europe, Asie et Amérique Latine-.
Diffusée à partir du 20 octobre 2020, la campagne est lancée en amont de plusieurs événements, notamment la réunion du Comité de la Convention -les 27 et 28 octobre prochains-, la première Journée internationale de lutte contre le trafic illicite de biens culturels -organisée le 14 novembre-, et une conférence internationale à Berlin – du 16 au 18 novembre-. Cette dernière, organisée en partenariat avec le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe, a pour objectif d’analyser les priorités par région, d’étudier les enjeux et de partager des solutions. Un numéro spécial du Courrier de l’Unesco, également consacré à ce sujet, est disponible par ici.