Le développement durable peut bénéficier de l’intelligence artificielle, à condition de garantir la qualité des données utilisées et le respect de la confidentialité. Cet article est tiré de la revue The Conversation.
Les acteurs du développement sont à la recherche d’innovations en matière de prise de décision et de résolution des problèmes afin d’accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d’ici 2030. Or un certain nombre de ces innovations peuvent voir le jour grâce à des intelligences issues d’utilisations originales des nouvelles technologies. L’une de ces intelligences les plus prometteuses dans ce domaine est l’intelligence artificielle (IA). L’IA vise à automatiser des activités généralement associées à la pensée humaine, telles que l’apprentissage, la prise de décision ou le langage. Pour ce faire, elle utilise des algorithmes qui imitent l’apprentissage humain et la cognition, en vue de traiter des tâches déterminées.
L’intelligence artificielle : un fort potentiel pour résoudre les défis mondiaux
Le domaine de l’IA a connu une forte accélération depuis 2010. Cela fait seulement huit ans que l’ère moderne de l’apprentissage approfondi a commencé, avec le concours ImageNet 2012. Depuis lors, les progrès dans ce domaine ont été spectaculaires et incessants, avec comme moteur la disponibilité croissante de grands ensembles de données générés dans tous les domaines (agriculture, éducation, santé humaine, commerce, communications), et portés par les progrès continus de la puissance de calcul et du développement d’algorithmes, mais aussi de techniques d’apprentissage automatique améliorées.
Aujourd’hui, à moins de dix ans de l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD) fixée par les Nations unies, les perspectives liées à l’IA semblent très prometteuses. Son utilisation responsable peut en effet apporter des avantages substantiels aux acteurs du développement ainsi qu’à ses bénéficiaires. Par exemple, l’application child-growth monitor utilise des algorithmes d’apprentissage automatique pour détecter de manière fiable la malnutrition. Ces algorithmes s’améliorent de façon continue grâce aux données collectées. Le traitement local de ces données et algorithmes, directement sur smartphone plutôt que dans le cloud, permet une utilisation sans connexion Internet, ce qui est utile dans les pays en développement où l’accès à Internet est limité.
Aider les acteurs du développement à rationaliser la prise de décision
L’IA et ses applications représentent une opportunité intéressante pour combler des lacunes en termes d’informations, identifier des tendances et des corrélations au sein de bases de données, et aider à prévoir certains risques. Elle peut ainsi contribuer à améliorer les connaissances sur le terrain des acteurs de développement et augmenter la prise de conscience éclairée des situations.
Les utilisations émergentes de l’IA aident aussi à prévoir l’impact d’une action et à identifier quelles sont les interventions optimales dans un contexte donné. La Croix-Rouge a par exemple utilisé des technologies d’IA pour fusionner diverses sources de données et prévoir les risques de débordements du barrage de Nangbeto au Togo. Ces prévisions, plus fiables grâce à l’IA, ont permis de réduire l’impact des débordements et des inondations, et de mieux préparer les communautés. En outre, l’IA favorise des nouvelles formes de services intelligents. Au Kenya, la start-up Apollo Agriculture utilise des données satellitaires pour concevoir des modèles d’apprentissage qui créent automatiquement des processus numériques pour l’acquisition de clientèle ou la collecte de paiements. Apollo permet ainsi de prendre appui sur ces processus numériques pour octroyer des prêts et crédits.
L’intelligence artificielle : développer les compétences individuelles et collectives
L’IA fournit aussi des moyens pour accroître les compétences individuelles, grâce au partage des connaissances entre pairs et à l’apprentissage à distance. Toujours au Kenya, la plate-forme mobile M-Shule propose ainsi des cours par SMS basés sur le programme scolaire. L’utilisation de l’IA permet à la plate-forme de s’adapter aux enfants en fonction de leur niveau et de leurs capacités.
Enfin, l’IA permet d’augmenter l’efficacité des interventions grâce à l’automatisation, libérant du même coup du temps pour les opérateurs humains qui peuvent se consacrer de leur côté à des tâches plus complexes. L’apprentissage automatique permet en effet d’analyser de grandes quantités de données, et de recommander des actions fondées sur cette analyse. À titre d’exemple, des routes en mauvais état représentent un danger pour les conducteurs et un frein aux transports, ralentissant du même coup la croissance économique. En Tanzanie, un projet d’enquête automatisée sur l’état des routes a été réalisé grâce à des images satellites. L’algorithme, grâce à l’apprentissage profond (deap learning en anglais), a réussi à identifier l’état des routes avec une précision de 73 %, tout en signalant avec pertinence les images pour lesquelles une appréciation humaine était requise. Les usages de l’IA ne sont certes pas sans risques, mais son utilisation responsable peut réellement aider à accomplir des progrès importants en matière de développement.
Maîtriser les risques associés à l’utilisation des technologies émergentes
L’IA a besoin d’être nourrie de données de formation de qualité avant d’être opérationnelle, mais ces données ne sont pas toujours accessibles ou abordables à bas coût. Or, la qualité insuffisante des données de formation, en termes de diversité ou de représentation, peut conduire à des distorsions, des discriminations ou des conclusions erronées qui ne contribueront pas à la réalisation des objectifs de développement. En outre, le fait de ne pas intégrer les exigences éthiques dans les algorithmes d’apprentissage automatique fait courir des risques pour les projets de développement.
Autre exemple : tout en augmentant l’efficacité des entreprises manufacturières, l’IA peut entraîner une réduction de la main-d’œuvre peu qualifiée. Dès lors, les acteurs du développement doivent veiller à ce que la généralisation progressive des méthodes d’IA se déroule de manière inclusive.
La confidentialité des données : un défi majeur à l’ère du numérique
Enfin, les enjeux liés à la confidentialité des données ne sont pas à sous-estimer. Le règlement général sur la protection des données (RGPD), introduit par l’Union européenne, pourrait ralentir le développement de l’IA en matière de développement si les principes de protection des données n’étaient pas bien respectés. Or, le développement de systèmes d’IA qui intègrent le respect de la vie privée dès la conception est souvent coûteux. L’implication en amont des autorités chargées de la protection des données peut contribuer à atténuer ce problème. À cet égard, les méthodes qui permettent aux modèles d’IA de protéger la confidentialité des données sont à privilégier.
Les acteurs du développement doivent donc s’engager activement dans un dialogue avec les autorités chargées de la protection des données et toutes les parties prenantes, y compris les responsables du traitement de ces données et la société civile. Il convient de développer des réponses appropriées, fondées sur des valeurs partagées et des technologies efficaces. Une utilisation responsable combinée à une application cohérente des principes de protection des données peut contribuer au succès des applications d’IA dans le développement, en générant de la confiance et en prévenant les risques.
D’ici cinq ans, compte tenu de la rapidité des évolutions dans le domaine de l’intelligence artificielle, les modèles actuellement considérés comme étant à la pointe de la technologie seront devenus obsolètes. La prochaine génération d’intelligence artificielle, employant des approches nouvelles de l’IA telles que l’apprentissage non supervisé, l’apprentissage fédéré et le modèle Transformer, ouvrira des possibilités actuellement inimaginables en matière de technologie, et donc de développement.