A l’heure où la raison d’être des entreprises est sur toutes les lèvres, Maurice Lévy dit avoir vu « trop de mâles de type caucasien à la tête de startups notamment à Vivatech… »et passe à l’acte en lançant, à titre personnel, L’Escalator. Startup implantée à Levallois Perret, destinée à incuber des talents issus de la diversité provenant de la région Paris Île de France. Des jeunes dits en difficulté qui auront la possibilité de créer leur projet d’entreprise et de le lancer. Un programme qui doit faire ses preuves en 3 ans. Interview.
INfluencia : L’Escalator… Un nom évocateur… d’ascension en douceur… De quoi s’agit-il exactement ?
Maurice Levy : donner la chance aux jeunes les plus défavorisés, issus de la diversité, de concrétiser un projet qui leur est cher, d’accéder à un rêve, avec au centre du dispositif, le numérique. Ces jeunes sourcés au sein d’associations disposeront de locaux, de matériel, de coachs, de formations leur permettant d’aller jusqu’au bout de leur projet. Ce programme dure trois ans. Compte générer 60 à 80 startups. Peut-être cent qui seront incubées. L’Escalator se donne pour mission d’impulser dans la vie active environ 250 jeunes. Ils ne vont pas tous devenir des Marc Zuckerberg, des Elon Musk, mais nous pensons pouvoir leur apporter un système vertueux et intelligent pour réussir.
IN. : à quand remonte cette idée ?
IN. : lors du lancement de Vivatech, j’ai constaté qu’il y avait une énorme majorité de mâles blancs caucasiens qui étaient à la tête de la plupart des initiatives, pas beaucoup de diversité, ni d’inclusion. Or ces sujets m’ont toujours tenu à cœur. Je connais la banlieue, j’en ai fait le tour, rencontré des associations, des maires impliqués dans la vie des cités, j’ai été membre de la commission Simone Weil pour l’égalité des chances, et j’ai vu l’extraordinaire gouffre entre la ville et la banlieue. Je n’y ai évidemment pas été insensible et me suis toujours demandé, à l’image de Marcel Bleustein-Blanchet qui a créé la fondation de la vocation (NDLR, La fondation Marcel Bleustein-Blanchet de la vocation accorde 10 000 euros à des passionnés de 18 à 30 ans pour qu’ils réalisent un projet professionnel décisif) ce que je pourrais mettre en place à mon tour. Quand il y a deux ans, je me suis intéressé de plus près au sujet, j’ai réfléchi à ce que je pouvais faire personnellement. J’ai constaté qu’il y avait des écoles de la deuxième chance, de l’apprentissage, de la formation complémentaire, des associations qui aident les gens à trouver des emplois… Mais il y avait un secteur, la startup, où il n’y avait rien.
IN. : quelle est la philosophie derrière cette initiative ?
M.L. : vous avez raison de me poser cette question. Tendre la main c’est une chose… Mais le faire avec la responsabilité que cela implique de part et d’autre, concrètement, dans un cadre physique, accompagnant, en est une autre. Cet incubateur auquel je réfléchis depuis deux ans va offrir un lieu valorisant, avec accès à des ordinateurs, au cloud, à des coachs. Des mentors qui seront là pour donner des cours de marketing, de communication, de gestion, de production. Quatre personnes y travailleront à plein temps, dont Laura Dufour qui s’occupera de toute la partie logistique et Véronique Beaumont ancienne présidente de Sapient qui en aura la responsabilité administrative. L’idée est de permettre aux jeunes sélectionnés sur dossier d’acquérir la connaissance, aussi bien grâce aux contacts, que financièrement. Nous allons financer ces jeunes afin qu’ils puissent travailler à leur projet sans avoir d’autres problèmes à gérer en parallèle. L’Escalator est quelque part entre l’académie, la nourrisse, la pépinière. Tous les éléments y seront réunis pour qu’ils parviennent à donner naissance à leur projet.
IN. : comment comptez-vous recruter ces jeunes ?
M.L. : le sourcing, le recrutement est sans doute le plus compliqué… Nous allons nous tourner vers eux, via les associations existantes, faire en sorte de susciter des candidatures.
IN. : c’est Publicis ou Maurice Lévy qui lance L’Escalator ?
M.L. : je suis un produit de la maison… En accord total et ce depuis des décennies avec le groupe, avec la philosophie et les convictions de Marcel Bleustein-Blanchet qui, je le rappelle a eu cette idée bien avant moi et forcément différemment, avec sa fondation… C’est moi qui finance cette startup, et j’ai le soutien d’Agathe Bousquet, Marcel est à mes côtés pour la communication. En clair, tout comme des entreprises telles que L’Oréal, ou Total, Publicis, est à mes côtés.
IN. : avez-vous conscience des problématiques annexes qui peuvent survenir chez des jeunes aux prises avec leur vie personnelle, familiale…
M.L.: oui, bien entendu, il s’agit d’une responsabilité, d’ailleurs certains patrons que j’ai sollicités pour parrainer, ou participer à leur manière à L’Escalator ont attiré mon attention sur ce fait, et ont refusé de s’impliquer pour cette raison. Je répondrai « Qui ne tente rien… n’a rien ». Mais soyons clairs, des jeunes qui présentent leur projet, devant un jury, sont déjà des jeunes qui veulent s’en sortir, qui ont du courage, de l’ambition, du désir. C’est déjà énorme.
IN. : que se passe-t-il dans trois ans, date butoir de L’Escalator ?
M.L. : soit cela a marché et l’on continue, soit cela ne fonctionne pas et on tire le rideau. Mais je suis confiant, trois ans c’est le temps nécessaire pour embarquer des gens de premier plan.