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Comment la classe moyenne va t-elle agir en 2021? FreeThinking l’a interrogée et a radioscopé 10 résolutions parmi celles qui lui ont semblé les plus importantes. INfluencia a publié la première avant-hier : « Consommer Somewhere (dans la mesure de mes moyens) », et la deuxième hier : « pensez aux autres ». Voici la numéro 3 : « Soutenir mes petits commerçants ».
« Pour les petits commerçants, c’est hélas une grosse tuile, et j’ai bien peur que beaucoup ne s’en remettront pas, même après la réouverture des magasins. Nos centres villes risquent de voir de plus en plus de devantures baissées. Pour eux, il est beaucoup plus compliqué de faire un site internet de vente et surtout de bien le faire référencer… C’est même mission impossible ». Cet interviewé par l’Observatoire FreeThinking des Classes Moyennes résume bien la situation qui prévaut hélas depuis le début de la crise du Coronavirus au sein du petit commerce français.
La perspective d’un Darwinisme économique inquiète.
Si les puissants s’adaptent et le font parfois de façon altruiste, face à la crise, les petites entreprises et les indépendants sont en danger de mort, quels que soient les efforts d’adaptation qu’ils ont pu mettre en œuvre. C’est le constat désespéré ou l’anticipation catastrophiste de beaucoup de ces Français des classes moyennes. « Ils ont peur pour leurs petits commerçants : la sélection naturelle, même si ces derniers ont souvent été imaginatifs et même s’ils ont déployé plus d’efforts pour survivre, les épargnera-t-elle quand la vie économique « normale », sans aide et sans pitié, reprendra ? Un sujet déjà largement sur la table, et depuis longtemps, mais qui prend à leurs yeux un caractère brûlant et même incandescent : et si ce qui se passait jusqu’à maintenant «lentement, tristement, mais sûrement », devenait un effondrement massif et soudain ? L’accélération de l’Histoire inquiète en révélant ce qu’on savait déjà », constatent Véronique Langlois et Xavier Charpentier, directeurs généraux associés de Free Thinking*…
Soutenir encore plus les petits : Small Is Valuable.
Se tourner encore plus vers le local**, les commerces de proximité et les petits producteurs, devient donc en 2021 bien plus qu’une résolution pour ces Français : « c’est un acte citoyen en même temps qu’un geste de premier secours économique », affirme Véronique Langlois. Un acte citoyen pour sauvegarder un modèle de consommation aspirationnel : des produits locaux en circuits courts, souvent perçus comme étant de meilleure qualité, bons pour la santé et pour la planète, qui offrent la meilleure des réponses face à la crise actuelle. Un geste de premier secours économique qui doit aussi permettre de préserver un certain art de vivre : c’est d’abord le tissu économique local qui dynamise les villes en les rendant plus attractives et plus humaines, ce sont les commerces de proximité qui créent ce lien social plus que jamais recherché – parfois rêvé – et renforcent le sentiment d’appartenance à un même territoire. « Ne pas soutenir les plus petits acteurs économiques c’est, aux yeux de ces Français des classes moyennes, prendre le risque de voir des centres villes qui ferment, des quartiers qui se dépeuplent. Une réalité déjà visible ici ou là et qui provoque comme un sentiment de déclassement chez les premiers concernés », renchérit Xavier Charpentier.
Tout seul, on fait de son mieux. Ensemble, on va plus loin.
Si les Français tendent à vouloir privilégier la consommation alternative (donner la priorité aux commerces de son quartier, faire les marchés, utiliser l’achat direct au producteur… ), les contraintes de vie et de pouvoir d’achat ne leur permettent pas toujours de faire converger intentions et pratiques. La grande distribution est plus que jamais le pivot de leur consommation dans cette période de crise sanitaire. De même si contourner Amazon peut être un fantasme pour certains, son usage reste central pour tous, et particulièrement en temps de fêtes sous covid. Et si certains petits commerçants se sont adaptés à cette vie sous cloche, en se rendant plus visibles et plus accessibles, via notamment le digital et le click & collect, tous n’ont pas les moyens et les compétences pour le faire et le retard accumulé par rapport aux e-puissants est difficile à rattraper : « même en bougeant et en étant agiles, l’avenir pressenti pour eux par ces Français qui voudraient rester leurs clients mais ne savent pas comment y parvenir avec un pouvoir d’achat contraint, c’est s’adapter ET mourir », préviennent les deux experts.
Jouer collectif n’est plus une option
Dans ces conditions, jouer collectif n’est plus une option pour les marques et les entreprises aux yeux de ces Français qui ont appris à en attendre plus de leur part. Jouer en équipe, c’est possible, elles l’ont montré : au plus fort de la crise, un système d’entraide entre les entreprises (grandes ou petites), les collectivités locales et les autres acteurs économiques a été mis en place afin d’aider les plus touchés par le confinement, il est remarqué et fortement valorisé. Les interviewés pensent notamment à l’aide de la grande distribution aux petits producteurs, au drive solidaire, au décalage du Black Friday, à l’aide des mairies aux petits commerces pour organiser leurs livraisons, à l’aide entre petits commerces, comme par exemple accueillir le non essentiel dans un espace dit « essentiel »….
Jouer sur la solidarité systémique
Et si cela devenait obligatoire ? A court terme, pour assurer la nécessaire solidarité envers les plus fragiles, et les protéger d’un darwinisme économique. A moyen terme, pour aller plus loin et faire davantage bouger les lignes, faire évoluer la société de consommation vers des modèles différents plus équilibrés et plus inclusifs, intégrant ceux qui normalement, si l’on était toujours dans Au bonheur des dames, seraient condamnés par les lois de l’évolution économique… Prendre appui sur cette solidarité systémique avec les petits acteurs de proximité pour rendre possible la vitalité des territoires et demain des projets de vie différents. « Autant de logiques partenariales et inclusives qui remettent les valeurs et relations humaines au premier plan d’un modèle socio-économique qu’ils souhaitent faire évoluer. Les Français n’ont pas la solution, mais savent très bien poser les termes du problème », concluent les deux dirigeants.
Demain, voici la résolution Numéro 4 : « plus que jamais, prendre soin de ma santé et de celle de mes proches, dans chacun de mes actes quotidiens ».
* Depuis 2007, FreeThinking (Publicis Media) radioscopie la classe moyenne française. Au total, quatorze ans de conversation et plus de quarante études quali-collaboratives ont été menées, rassemblant près de 5000 Français sur la plateforme fermée Freethinking dans une conversation interactive au long cours. En 2020, FreeThinking a échangé de façon qualitative mais à grande échelle, avec ces 530 Français au cours des trois temps forts de la crise : du 24 mars au 21 mai (étude #ResterChezSoi), du 10 septembre au 12 octobre (#LaRentréeD’Après ), et enfin du 4 novembre au 18 décembre (#RetourChezSoi).
** cf la revue INfluencia N°32 : « L’Odyssée des territoires«