7 février 2021

Temps de lecture : 5 min

L’IA fera bientôt partie intégrante de la culture générale de l’honnête homme du XXIe siècle

Directeur Général Europe du Sud de Yext, spécialiste de l’expérience client en ligne et des moteurs de recherche, Franck Negro nous explique en quoi les avancées de l’IA transforment les moteurs de recherche et l’accès à l’information.
INfluencia : les moteurs de recherche peuvent-ils encore s’améliorer et gagner en pertinence ?

Franck Negro : la façon dont nous interagissons avec les technologies change en permanence. Nous sommes maintenant au milieu d’un grand changement provoqué par les immenses progrès qui ont été réalisés dans la compréhension du langage naturel, grâce notamment aux recherches menées ces dernières années dans le domaine du traitement automatique des langues naturelles. Autrement dit, le traitement automatique des langues naturelles est une sous-discipline de l’IA, très utilisée dans des applications qui mettent en jeu la compréhension sémantique, syntaxique et contextuelle d’une requête énoncée sous la forme d’une question. Chaque fois que vous utilisez un moteur de recherche comme Google par exemple, vous tirez parti des dernières avancées en matière d’IA et de Natural Language Processing (NLP). Google est aujourd’hui capable non seulement de comprendre les questions posées par vos consommateurs, mais aussi de leur fournir des réponses directes, et non plus des liens bleus à cliquer qui pointent vers les pages d’un site web. Les recherches menées dans le domaine du NLP sont au cœur des évolutions de l’algorithme des principaux moteurs de recherche du marché sur ces dernières années.

IN. : l’IA a-t-elle d’autres implications pour les moteurs de recherche ?

F.N. : avec l’avènement des technologies de NLP, j’ai parlé d’un premier grand changement récent dans le monde du Search. Mais l’autre grand tournant a eu lieu en 2012, lorsque Google a annoncé son Knowledge Graph. Un Knowledge Graph, c’est un modèle de représentation de la réalité très intuitif (une ontologie pour reprendre un mot issu de la philosophie), qui décrit des éléments concrets du monde réel (des personnes, des livres, des films, des monuments, des entreprises, des produits…), mais surtout les relations logiques et sémantiques qui existent entre ces différents éléments. L’objectif des Knowledge Graph est donc de faciliter l’accès et la navigation rapide dans des bases de connaissance avec une valeur heuristique certaine, grâce notamment aux relations des entités entre elles.

IN. : concrètement, comment fonctionne un Knowledge Graph ?

F.N. : si vous demandez par exemple à Google : « Qui a peint Mona Lisa ? », vous obtiendrez une réponse directe (Léonard de Vinci), des informations sur Léonard de Vinci, sur les tableaux qu’il a peints, voire même sur d’autres artistes importants de la Renaissance italienne, qui ont vécu au même moment que Léonard de Vinci, parce que dans la réalité, tous ses éléments du monde réel entretiennent des relations entre eux : Mona Lisa a été peinte par Léonard de Vinci. Léonard de Vinci est un peintre de la Renaissance italienne. Il est contemporain de Raphaël et de Michel-Ange… Les moteurs de recherche tels que Google ou Bing constituent la première application à grande échelle basée sur la puissance des Knowledge Graph et leur association avec les technologies de NLP. Ils ont été conçus pour fournir des réponses directes à des questions formulées en langage naturel, plutôt que des liens bleus à cliquer.

IN. : en quoi ces technologies vont-elles changer nos façons de rechercher et accéder à l’information ?

F.N. : nous passons d’un monde où nous avions pris l’habitude de cliquer et de naviguer dans des documents pour trouver les informations que nous recherchions, à un monde où il nous suffit de formuler des requêtes pour avoir des réponses directes aux questions les plus importantes que nous nous posons. Parce que les contenus explosent et que nous sommes surchargés d’informations (en moins de 20 ans, on est passé de 17 millions à plus de 1,7 milliard de sites web créés dans le monde), il s’agit d’être en capacité de répondre aux questions toujours plus rapidement, plus directement…, quelle que soit la complexité des questions posées. Des applications comme Google, Alexa, Siri, sont littéralement en train de réhabituer les personnes à demander simplement ce qu’ils veulent en langage naturel, sans avoir à naviguer dans des dizaines pages web. Et ces services ont établi la norme en matière d’expérience client sur le web. C’est de ce constat dont les marques doivent partir pour construire une stratégie de search durable qui devra prendre en compte tous les points de contact digitaux ou leurs clients et prospects sont susceptibles de poser des questions.

IN. : quelles sont les implications de ces évolutions pour les marques ?

F.N. : je dis souvent aux marques : faites comme Google, Facebook, Microsoft. Construisez votre propre référentiel de données structurées représentant tous les faits publics relatifs à votre marque et les relations entre ces faits : vos produits, votre réseau de distribution, les informations relatives à votre entreprise, vos offres d’emploi, vos évènements… Utilisez la simplicité, la flexibilité, l’intelligence et la puissance d’un Knowledge Graph, associées aux technologies de NLP (Natural Language Processing) pour être en capacité de comprendre toutes les questions posées par vos consommateurs, notamment lorsqu’ils sont sur votre site web.

IN. : plus généralement, en quoi les progrès de l’IA vont-ils transformer les métiers du marketing digital et des contenus ? Comment s’y préparer ?

F.N. : avec le développement de l’Intelligence Artificielle, tous les secteurs et métiers de l’entreprise vont être plus ou moins transformés à terme : la chaîne logistique, les ressources humaines, la comptabilité, la finance, les services juridiques, les ventes et bien sûr le marketing. Tout cela a déjà en fait commencé depuis une quarantaine d’années, avec l’avènement de la micro-informatique et des interfaces graphiques dans les années 1980. Depuis trois ou quatre ans, l’intelligence artificielle est en train d’investir tous les métiers et les applications liés au traitement des données : l’analyse des historiques de navigation et d’achats, la personnalisation des contenus et des offres ; les  recommandations produits sur la base de jumeaux statistiques ; création de clusters (définition de groupes de cibles)… Si l’on prend le segment du search, on sait que les mises à jour récentes du moteur de recherche Google utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle pour comprendre le sens et les intentions de recherche tapées ou vocalisées par les utilisateurs de son moteur. Je pense notamment aux mises à jour Hummingbird en 2013, Rankbrain en 2015, et plus récemment BERT.

IN. : BERT?

Lancé officiellement en France en décembre 2019, BERT est un algorithme de Machine Learning qui vise une meilleure compréhension des intentions de recherche des internautes, notamment lorsqu’ils formulent des requêtes en langage naturel, de type « conversationnelles ». Aujourd’hui, l’IA est donc connue pour interpréter la sémantique des requêtes et classer des contenus. Mais demain d’IA servira aussi à générer automatiquement ces contenus. Ces quelques rappels, qui relèvent de l’évidence, montrent assez nettement comment les activités marketing sont traversées de part en part depuis plus de 20 ans par l’évolution des technologies. Et c’est précisément ce phénomène que l’on appelle « marketing digital ». Ce qui veut dire que toutes les personnes opérant dans ce domaine doivent avoir aujourd’hui non seulement une connaissance solide des fondamentaux de la profession, mais aussi des connaissances certaines en informatique, en système d’information, en statistiques… La connaissance de l’IA et de la science des données est en train de devenir une partie de la culture générale de « l’honnête homme » du XXIe siècle.

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