On croyait le prime time mort avec la baisse des pénétrations instantanées mais, quel est aujourd’hui le sujet partagé par tous ? Nul doute, c’est la dernière série d’Arte « En thérapie ». Les séries ont pris 100 % de part de cerveau disponible. Au-delà de l’effet Covid, comment le format série, s’est-il installé comme le média dominant de notre époque ? Elles étaient déjà des phénomènes de société depuis les années 90, elles ont aujourd’hui passé un cap en devenant des référents culturels incontournables trustant les unes des magazines.
Cette prise de pouvoir mondial a été porté par plusieurs phénomènes
Un phénomène produit avec une augmentation de la qualité des productions avec des montants de production à la hausse, une compétition plus forte entre les US et le reste du monde : les séries danoises, israéliennes, françaises.. Des produits qui sont des franchises testées, lancées dans plusieurs pays, optimisées,.. Ce sont de véritables objets cinématographiques avec une dimension esthétique forte : Queen Gambit, La Chronique des Bridgerton. Elles sont calibrées pour les nouvelles écoutes avec des saisons de 8 épisodes qui sont souvent des one-shots. Elles n’ont plus aucun tabou, elles abordent tous les sujets de société.
Un phénomène communication avec des stratégies de lancement « best in class ».
Les producteurs de séries, sous l’impulsion de Netflix ont acquis un savoir-faire lancement unique. Maîtrise des pré-lancements avec buzz assuré quand Omar Sy colle les affiches dans le métro parisien pour le lancement de Lupin. Avec le S.T.A.N (Service des Titres qui Arrivent sur Netflix) Netflix a su créer un format original pour échanger avec sa communauté et présenter les dates de sorties des films et séries. La sortie du STAN du mois est à lui seul un événement, car il peut être présenté par Tony Parker lui-même !
Un phénomène sociologique : avec les séries, la TV redevient un outil de lien social majeur.
Elles sont légitimées par l’élite qui les accusait de « mauvais goût ». Hier, elles nous accompagnaient pendant plusieurs semaines. C’était la dimension répétitive qui faisait leur valeur. Aujourd’hui, ce sont d’abord des objets de partage conçus pour alimenter les conversations dans les bureaux, les dîners et les cours d’école. Plus courtes, construites pour faire le buzz elles sont à consommer dans la semaine. Il faut d’ailleurs les voir très vite au moment où elles feront « la Une » des conversations : « Dis-moi quelle série tu regardes, je te dirais qui tu es. » Elles sont devenues avec la pandémie, les seuls événements culturels partagés.
Nouveau prime time, quels enjeux pour les marques ?
Premier enjeu : elles vont devoir intégrer que des millions de personnes s’abonnent à des services sans pub dont les contenus présentent un niveau de production et de story-telling très élevé. Deuxième enjeu : elles sont condamnées à inventer de nouvelles formes de présence dans les séries. Un virage a été pris dans les séries US en 2019 avec la 3ème saison de Stranger Thing et de All The Boy I Love. Dans cette saison de Stranger Thing il y a plus de 100 marques présentes. La valorisation de leur présence a été évaluée a plus 50 millions de $ par le Concave Brand Tracking. On connaît depuis longtemps le modèle de placement produit, médiatisé par les films James Bond, mais dans ces nouvelles séries l’intégration prend de nouvelles dimensions. C‘est une véritable démonstration produit proche du film de publicité original que Lucas de Stranger thing fait du New Coke. Certaines marques sont associées si étroitement à une série ou un personnage que pour ne citer qu’elle, la marque de gaufre Eggo devient le porte-parole de la série et annonce la nouvelle saison de Stranger thing lors du Superbowl.
La plateforme Netflix veut garder une image de télévision « sans publicité » officiellement Netflix ne fait pas de placement produit, mais grâce à la magie des partenariats, échange de produits,…les marques sont de plus en plus présentes. L’efficacité de ces intégrations est telle qu’une partie des budgets publicitaires risque de se reporter sur ces partenariats. Les Agences, à l’image de The Story Lab/dentsu qui a coproduit une série d’émissions de 45 min diffusées le week-end sur TF1 pour la promotion du Mois sans Tabac, vont-elles plus massivement participer à la production de séries ? Le placement produit était déjà fortement implanté dans la culture US, mais les autres producteurs vont-ils développer la présence des marques dans leur production? La chasse au nouveau prime est ouverte, et on a un peu, l’impression de revenir au bon vieux temps des soap-operas !