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L’entreprise contributive qu’est-ce que c’est ?
Pour Fabrice Bonnifet, une entreprise contributive est une entreprise qui s’intéresse à ses impacts : « On ne peut plus aujourd’hui considérer que sous prétexte que l’entreprise crée de la valeur économique, des emplois, des dividendes pour les actionnaires ainsi que des bénéfices, elle peut se permettre d’avoir comme variable d’ajustement le social ou l’environnement. Il est impossible de nos jours de créer de la valeur en détruisant d’autre part » ajoute-t-il.
« L’entreprise contributive est faite pour apporter des réponses à des enjeux de société. Elle n’est pas simplement sur un marché financier mais également en Société », introduit Hélène Valade. D’ailleurs, Marie Georges rejoint cette définition qui selon elle rompt avec une vision « par le risque ». « L’entreprise voit le changement climatique, les problèmes environnementaux et sociaux et les risques dont elle doit se prémunir, ceci est un impératif permettant de limiter ses externalités négatives », explique-t-elle. Ainsi on est dans une vision a maxima de l’entreprise, qui en tant que citoyenne participe aux grands enjeux mondiaux soutenus par le développement durable.
« L’entreprise contributive est un chemin, qui nécessite leadership et courage »
Pour devenir ou être une entreprise contributive, il faut une méthode, utiliser de nouveaux modèles économiques, introduire des ruptures. C’est un nouveau paradigme pour les entreprises qui voyaient la RSE comme une position défensive, comme une soumission uniquement aux règles établies.
Pour Fabrice Bonnifet « afin d’être crédible dans sa démarche RSE, il faudra aller bien au-delà des obligations légales ». « Les entreprises doivent s’adapter à ces changements de demandes et d’attentes sous peine de mourir. L’entreprise contributive est le vaccin des entreprises qui voudront continuer dans les années qui viennent. ». Une entreprise automobile qui continue de produire des modèles 4X4 ou des anciens SUV thermiques n’aura pas beaucoup d’avenir, au même titre que pour une entreprise dans le BTP avec des immeubles 100% en béton. Soit on se transforme, soit on meurt.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les solutions existent pour devenir une entreprise contributive, mais le manque de lucidité et de courage perdure. « Il y a un réel manque de leadership », s’insurge Fabrice Bonnifet. La politique des petits pas n’est plus efficace aujourd’hui et cela démontre que certains acteurs économiques sont inconscients de l’urgence. « Notre rôle en tant que dirigeants/ responsables RSE va être d’éveiller les consciences, de lancer les alertes, et d’apporter des méthodes aux management (telles que la raison d’être, des modifications de business model …) » exprime Fabrice Bonnifet. Marie Georges complète : « Nous apportons à notre management la boîte à outils de la RSE ».
Comment s’engager sur le chemin de l’entreprise contributive ?
Si aujourd’hui le modèle dominant des entreprises se fixe sur la rentabilité à court terme et la stratégie à trois ans, il est impératif de changer complètement le logiciel. Un « changement systémique à 360 degrés » qui doit faire bouger plusieurs choses en même temps explique Hélène Valade. Ainsi les entreprises devront donc interagir avec des acteurs aussi bien internes, qu’externes (associations, ONG, chercheurs). Il est aussi primordial de revoir la notion de management au sein des entreprises, et tenter de passer d’un système vertical à un système horizontal. Les tendances ont été précipitées et accélérées avec l’arrivée de la crise et l’avènement d’une forme de management très responsabilisante.
1/ Repenser ses modèles d’affaires
Marie Georges utilise la métaphore de la maison qu’il faudrait rénover pour illustrer la transition vers l’entreprise contributive et donc la refaire du sol au plafond. « Beaucoup d’entreprises choisissent de refaire la toiture (vision, purpose, raison d’être). Personne n’y vit donc on peut le reconstruire tranquillement. Ensuite, viennent les fondations, ici, la gouvernance. Si l’on ne transforme pas la gouvernance, on ne va pas pouvoir faire intervenir les changements. Si l’on mesure la performance uniquement sur le résultat financier a trois mois, on ne on va pas pouvoir s’attaquer à la rénovation de la maison. Il faut tout casser et recommencer ou rénover pièce par pièce ».
Face à la force des habitudes il faut se demander comment faire différemment en réfléchissant à ses impacts. Par exemple en se posant la question de savoir s’il y a un segment sur lequel on peut se tourner vers un modèle d’économie circulaire. Marie Georges cite le cas d’Intermarché avec les couches-culottes recyclables, Renault qui recycle et converti les matériaux thermiques en électriques, ou encore Lego qui cherchent à remplacer ses pièces en plastique, en se tournant vers des ressources végétales renouvelables. L’enjeu est de faire repenser complètement son modèle d’affaire.
Pour Fabrice Bonnifet, « il faut établir un modèle serviciel pour faire perdurer l’usage (rendre les produits réparables…) afin de baisser la pression sur les demandes en ressources. Le CA passera de la vente de produit à la vente de l’usage de ses produits. Réparer, recharger plutôt que racheter va entrer dans la vie quotidienne des consommateurs dans le monde entier ».
2/ S’appuyer sur ses collaborateurs
Hélène Valade insiste sur les « habitants de la maison » qui sont indispensables, car cette transformation se fera notamment par l’humain. « Il faut faire de l’interne, un vrai aiguillon » pour la Présidente de l’ORSE. « La génération Z, particulièrement éclairée sur ce sujet, arrive et va permettre de s’appuyer sur elle et de développer le « réflexe contribution ».
Marie Georges confirme et illustre ces propos « chez Deloitte, 50% des initiatives du développement durable viennent des collaborateurs. Ces derniers ont par exemple créé un dispositif Shift&Go pour choisir des modèles de transports responsables et éviter si possible les plus polluants. Tout cela autour d’un système très ludique. Cette initiative est au cœur du dispositif de diminution de notre impact environnemental, les équipes étant habituées aux déplacements, c’est de la que vient le changement ».
3/ Initier une démarche collaborative, avec l’ensemble de son écosystème interne et externe
Pour Marie Georges, il est primordial que les entreprises unissent leurs forces, car chacune détient une partie de la solution. Cette collaboration entre acteurs d’une même chaine de valeurs est forte dans le textile, le luxe et l’agroalimentaire. Par exemple, l’entreprise travaille conjointement avec Carbios, une start-up ayant mis en place une enzyme qui permet de dépolymériser les plastiques pour pouvoir les recomposer et les recycler par la suite, et des grandes entreprises comme L’Oréal, Pepsico, Nestlé et d’autres gros acteurs du secteur, qui permettent le passage à l’échelle de ce type de solutions de ruptures technologiques. On note une dynamique similaire avec Nespresso qui essaye de trouver des solutions pour le recyclage des capsules en aluminium avec les villes et d’autres acteurs de la filière.
Autre initiative, chez LVMH : « Nous partons du produit et remontons jusqu’à l’origine de ce dernier pour voir ce que l’on peut améliorer sur cette chaine. C’est ainsi que nous rentrons dans un programme d’agriculture régénératrice. Modifier les pratiques agricoles, qui l’imaginerait pour un secteur comme le luxe ? » précise la Présidente de l’ORSE et Directrice développement environnement de LVMH.
L’entreprise n’est pas et ne doit pas penser les solutions seule mais dans des logiques de filières. Les différents maillons de la chaîne de valeur travaillent ensemble. Dorénavant le distributeur final est aussi responsable de ce qui s’est passé au début de la chaîne, et joue pleinement sa responsabilité dans la manière dont il embarque les différents maillons.
Fabrice Bonnifet illustre cette dynamique d’écosystème vertueux avec le Concept Building. Aujourd’hui, les bâtiments (tertiaires, publics, privés, logement) sont sous utilisés . Il faut les concevoir pour que l’utilisateur principal puisse partager toutes les facettes du bâtiment avec des utilisateurs secondaires, lorsque ce dernier n’en a pas l’usage. Si le bâtiment est d’avantage utilisé sur l’ensemble de son cycle de vie, on construira moins, ce qui réduira l’artificialisation des sols. Par exemple, les parkings d’un bâtiment de bureau pourraient être utilisés le soir par des restaurants ; ou encore des auditoriums seraient sous-loués à d’autres entreprises qui n’en ont pas. « Il faut construire moins mais mieux » relève-t-il.
Des exemples d’entreprises contributives ?
Pour Marie Georges, il existe 3 types d’entreprises contributives. Les pionnières, comme Bjorg, ou Patagonia. « Les natives » ou « purpose natives », ces nouvelles entreprises qui se construisent sur des modèles 100 % durables et qui viennent disrupter les marchés, comme 1083, Too good to go, … . Ces pures players, ces « petites maisons » sont des aguillons pour que les autres se transforment. Et il y a les « grosses maisons ». Soit elles se rénovent en profondeur en « cassant tout » pour une refonte intégrale du modèle comme Orsted (entreprise du secteur énergétique au Danemark) qui s’est débarrassée de tous ses assets fossiles et a basculé à 100% vers les énergies renouvelables. Soit se transforment, pièce par pièce, comme par exemple Danone, Unilever, La Maif ou La Camif. « Aujourd’hui c’est un mouvement de transformation qui est comme une grande vague. Une grande partie des entreprises entrainées, le mouvement de la transformation est engagé. »
Hélène Valade apporte des exemples supplémentaires et cite notamment la Maif, qui a révolutionné son système incentive des bonus. « Pour vraiment faire en sorte que l’humain, les salariés, soient au cœur de cette transformation, la MAIF a mis en place des bonus qui s’appuient sur des indicateurs comme les résultats de leur enquête de climat interne.».
Dans le secteur bancaire le Crédit Agricole a opéré la décarbonation de son portefeuille d’acquisitions. Aussi, Decathlon s’est engagé dans une transition écologique de l’ensemble de ses produits, les objectifs de l’entreprise sont fixés d’ici à 2026 pour passer à une vraie économie d’usage. Chaque mois, l’entreprise fait la revue de tous les indicateurs qui permettent de pivoter ce changement. » ajoute-t-elle. « Il s’agit d’exemples extrêmement transformateurs ».
Comment mesurer cette valeur nouvelle ?
Pour Hélène Valade « une chose capitale est l’aptitude à faire valoir la capacité extra financière de l’entreprise ». Elle présente des travaux sur les outils de comptabilité menés en France et en Europe par l’EFRAG « pour faire émerger un référentiel d’indicateur, simple, homogène utilisable par toutes les entreprises. Tout le secteur financier et bancaire propose des opportunités, comme les crédits à impact par exemple ».
Hélène Valade met en exergue un concept de comptabilité à triple capital : « il faut que l’on traite l’impact qu’on a sur l’environnement et le social comme si c’était une dette ».
« Les Big Four sont impliqués dans ces audits » complète Marie Georges, qui fait aussi ce constat : « les entreprises vont plus vite que les législateurs », à l’instar de la démarche du compte de résultat intégré initié par Lafarge.
Ainsi, devenir une entreprise contributive s’opère au travers d’un processus progressif. Plusieurs méthodes de reconstruction s’offrent aux entreprises, qui peuvent s’inspirer des modèles des natives ou des grands groupes réalisant cette transformation. En joignant les parties internes et externes à l’entreprise, ces dernières auront toutes les clés en main pour créer de nouveaux business models, et palier à l’urgence de la situation environnementale en mesurant ses impacts, et en les limitant grâce à de nouveaux outils. Et ce, en continuant à faire des bénéfices tout en s’inscrivant dans une démarche #GOOD.