25 avril 2021

Temps de lecture : 7 min

Gabriel Gaultier : « Dans BigBang, il y a du Wired, de l’Actuel, du Tintin, du Brut, du Pilote. Il y a René Dumont, Jules Verne, Gébé. »

Ils sont renversants, Gabriel Gaultier et Franck Annese respectivement dans les rôles de directeur de la rédaction et de rédacteur en chef de BigBang. Une pure interview téléphonée à l'ère du Covid, un QR vintage et sexy du tandem qui remet l'info du vrai au coeur des medias.
INfluencia : pouvez-vous nous expliquer brièvement le concept « et si… » Le mag de toutes les utopies?

Gabriel Gaultier : le concept de BigBang est né il y a 15 ans de la volonté de voir Marseille capitale de la France. De fil en aiguille d’autres utopies politiques sont venues. Un magazine m’a paru le moyen idéal de les propager.

IN. : BigBang… 12 numéros mensuels en Un… Comment est née cette idée? Comment décide-t-on des UNES de chaque « mensuel » ? Vous placez-vous plutôt dans la catégorie édition ou dans le rayon presse?

G.G. : au départ, l’idée c’était de faire un mensuel. Une première mouture devait sortir en 2011, arrêtée faute de perfectionnisme. C’était une connerie, il aurait fallu continuer. J’ai plus tard rencontré Sidonie Mangin chez Nova. C’est elle qui m’a suggéré l’idée de faire un almanach avec tous les sujets regroupés dans un format, façon compilation. Sinon, édition, presse, digital quelle importance. C’est le contenu qui compte et surtout : que ça sorte.

IN. : 20 euros du coup devient un petit prix… Enfin celui d’un livre en fait.

G.G. : il faut que le contenu reste accessible à tous. L’idée d’être populaire est importante.

IN. : la périodicité semble être un réel enjeu pour la presse aujourd’hui? Comment avez-vous pensé ce mag ?

G.G. : je ne crois pas. Le digital a tué la temporalité. On va au kiosque pour voir ce que l’époque nous propose. On n’achète plus par habitude, mais par envie. C’est pour cela que les couvertures sont importantes. J’ai mis le plus d’envie possible dans BigBang.

DANS BIGBANG, IL Y A DU WIRED, DE L’ACTUEL, DU TINTIN, DU BRUT, DU PILOTE…

IN. : diriez-vous que BigBang est un journal d’un nouveau genre?

G.G. : on n’invente jamais rien. On hérite d’une culture, que l’on mixe. Dans BigBang, il y a du Wired, de l’Actuel, du Tintin, du Brut, du Pilote. Il y a René Dumont, Jules Verne, Gébé.

IN. : quel est son rôle? Puisqu’en presse on réfléchit toujours en termes d' »utilité éditoriale » pour le lecteur?

G.G. : BigBang est là pour lancer des débat publics et politique sous l’angle de l’entertainment. On hausse les épaules ou on se marre dans un premier temps et on se dit: « Mais oui, il a raison: Marseille capitale de la France! »

IN. : quelle est votre cible, si toutefois ce mot fait partie du répertoire de Big Bang?

G.G. : le notaire d’Angoulême. Ne jamais s’adresser à ses pairs. Sinon, on tourne en rond dans le bocal et on est foutu.

IN. : il paraît que vous avez cette idée depuis 10 ans? Ce journal papier… était-ce un rêve pour vous?

G.G. : 15 ans. Oui, il faut avoir des obsessions. Vous avez vu Fitzcaraldo?

LE MAUVAIS CÔTÉ DE L’INFO NON-STOP : NOUS FAIRE OUBLIER NOTRE TRAVAIL D’HOMME: RÉFLÉCHIR AU FUTUR

IN. : vous lisez des titres papier? Lesquels?

G.G. : je lis tout. Car dans tout il y a toujours quelque chose. J’avais lu une colonne dans les pages science du Monde il y a 10 ans sur des séfarades nains retrouvés en Amazonie et qui ne développe ni cancer ni diabète. J’en ai fait quatre pages dans BigBang.

IN. : dans votre édito vous expliquez que l’on s’est planté sur les catastrophes qui nous attendaient… Que l’on n’a rien vu venir de ce qui nous arrive aujourd’hui… Que voulez-vous démontrer sur la nature de l’homme?

G.G. : je parle plus de l’omniprésence du présent que des catastrophes. C’est le mauvais côté de l’info non stop: nous faire oublier notre travail d’homme qui est de réfléchir au futur, à ce qu’on va laisser.

IN. : le ton est à la fois accrocheur en titraille et très sérieux dans les articles. Comment avez-vous réfléchi à ce double effet?

G.G. : relisez Paris Match. On n’a rien inventé.

UN BON PRODUIT N’A PAS BESOIN DE PUBLICITÉ

IN. : aux côtés de quels titres inscriveriez-vous BigBang?

G.G. : Sciences et Vie.

IN. : À l’heure des fake news et du sensationnel au quotidien, où placez-vous ce journal ?

G.G. : Il y a une convergence fascinante. Un type complétement allumé téléguide un enlèvement dans les Vosges depuis Bali tandis qu’on téléguide un drone sur Mars depuis Houston. C’est très excitant pour l’imagination, très poétique. Mais très dangereux aussi parce qu’on peut basculer de la poésie à l’imbécillité très facilement. C’est pour cela que plus il y a de faits et de science, plus on a besoin de journalistes pour décrypter, raconter. Les journalistes devraient être subventionnés par l’état comme les philosophes dans la Grèce antique. Diogène balançait des coups de latte aux puissants qui lui faisaient de l’ombre.

IN. : Y-avez-vous mis de votre propre nostalgie du temps qui passe et des mauvais choix que nous faisons?

G.G. : « C’était mieux avant ? » Jamais ! Quelle nostalgie peut-on avoir d’un monde où personne ne voudrait retourner vivre ?

DANS LE PROCHAIN IL SERA QUESTION DE PRÉSENTER UN ROBOT À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

IN. : s’agit-il de nous rappeler que nous pouvons faire autrement? Est-ce une remise en perspective de nos mauvais choix qui serait bénéfique et utile?

G.G. : l’homme fait des mauvais choix parce qu’il reste un animal incapable d’avoir peur tant que le danger n’est pas devant lui. Penser le futur est la seule issue.

IN. : 80 000 exemplaires… Des interviews. Vous qui êtes publicitaire, prévoyez-vous un plan promo dans les kiosques pour rappeler cette périodicité atypique?

G.G. : un bon produit n’a pas besoin de publicité.

IN. : a-t-il été difficile de convaincre Frank Annese , l’aventurier des concepts?

G.G. : je lui avais montré le projet il y a dix ans. C’est un mec formidable qui ne rêve pas sa vie : il avance. Au dernier confinement, je me suis dit « ça suffit de réfléchir, il faut y aller avant de crever ». Qui d’autre aurais je pu appeler ?

IN. : préparez-vous déjà le suivant? Si oui quelle « non-actualité » au programme?

G.G. : oui. Il y sera beaucoup question des femmes au pouvoir et de présenter un robot à l’élection présidentielle.

FRANCK ANNESE : « C’EST LA PREMIÈRE FOIS QU’ON BOSSE AINSI, AVEC QUELQU’UN QUI A UNE IDÉE ET QUI S’IMPLIQUE ENSUITE POUR LA FAIRE EXISTER »
IN. : qui d’autre que vous pouvait-il aller voir pour ce projet », dit Gabriel… un compliment?

Frank Annese : connaissant l’exigence de Gabriel, c’est évidemment un compliment. C’est aussi la preuve qu’il se disait qu’on serait capables d’être au niveau de ses références à lui (Actuel, Sciences et Vie de la grande époque, Rolling Stone US de la fin des années 60, etc.) qui sont quand même des petits mythes de la presse, donc ça fait plaisir.

IN. : qu’est-ce qui selon vous fait qu’un magazine peut mettre autant de temps « à mûrir »?

F. A. : il fallait trouver le bon moment, il fallait qu’on ait le temps et les épaules pour le faire aussi… SoPress est beaucoup plus, et mieux, structuré aujourd’hui qu’il y a dix ans. Aujourd’hui, dans le même mois, on peut tourner cinq pubs, un documentaire, créer un nouveau magazine en plus de la douzaine de titres qu’on a déjà, sortir une dizaine d’épisodes d’un podcast sans que la qualité ne s’en ressentent. On a des supers équipes qui permettent de faire tout ça avec l’exigence qui est nôtre et devenue notre marque de fabrique. Il y a dix ans, ce n’était pas le cas. Il y a dix ans, si on avait voulu faire Big Bang, il aurait fallu mettre le reste en stand by pendant trois mois…

IN. : le modèle économique de Big Bang?

F.A. : traditionnel : de la vente, de la vente, et un peu de pub. On a eu la chance d’avoir quelques annonceurs qui ont cru en Big Bang, donc en un futur souhaitable, quelque part, ce qui aide beaucoup. Et puis on table sur de bonnes ventes, ce qui devrait être le cas vu les retours qu’on a pour l’instant.

IN. : Il y a de la pub dans Big Bang, notamment Monoprix..Amitiés ou réel investissement?

F.A. : je ne connaissais pas la direction de Monoprix avant qu’ils ne prennent ces pages de pub, donc je dirais « réel investissement ». Mais aussi sans doute un investissement « coup de coeur » pour eux, j’imagine. Ils ont eu en tout cas l’intelligence de faire des annonces singulières, ad hoc, pertinentes, et cet investissement montre aussi que Monoprix est une marque moderne qui croit en l’avenir, qui rêve d’un avenir ambitieux même, et qui ne se placent pas dans une dynamique conservatrice : investir dans un magazine comme Big Bang pour une marque c’est croire dans le progrès, et dans ce que j’appellerais La Grande Aventure de la Vie.

IN. : comptez-vous faire la promotion de ce magazine, ou dirirez-vous comme Gabriel qu’un bon produit se vend seul?

F.A. : on fait de la promo, il y a une campagne d’affichage sur les kiosques, partout en France, et une campagne radio. Après, effectivement, ce ne sont pas des moyens incroyables malgré tout, on n’a pas des millions à mettre dans la campagne de lancement et on compte aussi sur le bouche à oreille qui, pour l’instant, est super bon. On est tous très fiers de ce Big Bang, et quelque chose me dit qu’il aura le succès qu’il mérite.

IN. : est-ce le premier projet d’un autre que vous éditez?

F.A. : je ne le dirais pas comme ça, mais disons que c’est la première fois qu’on bosse ainsi, avec quelqu’un qui a une idée, et qui s’implique ensuite pour la faire exister et ne se contente pas de nous la susurrer à l’oreille. Travailler avec Gabriel a été très agréable, il sait faire confiance, et ça s’est très bien passé, tant avec moi qui dirigeais la rédaction de ce petit bordel qu’avec les deux directeurs artistiques qui étaient à la manoeuvre pour créer cet objet particulier. Je pense que Laurent (Burte) et Xavier (Pouleau) devaient un peu appréhender au départ le projet qui était à la fois complexe (difficile d’utiliser des photos étant donnés les sujets, etc.) et pour lequel il y avait une certaine pression car Gabriel est quand même très pointu en direction artistique, il a des idées très précises et il fallait être au niveau pour qu’il se sente en confiance. Autant dire qu’ils l’ont été.

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