The Good : Back Market a été créé il y a sept ans : quelle était la vision à l’époque ?
Vianney Vaute : L’histoire de Backmarket s’est écrite à trois, avec Thibaud Hug de Larauze et Quentin Le Brouster. Thibaud avait la vision du business model – démocratiser l’achat de produits reconditionnés auprès des industriels, grâce à une place de marché pour les rendre accessibles au grand public – et Quentin avait la vision technique. Pour ma part, j’ai apporté la vision de la marque, avec l’ambition d’aller au-delà du rapport qualité-prix
Nous nous sommes rendu compte rapidement que nous faisions quelque chose de plus important que de proposer un bon rapport qualité prix aux consommateurs : nous réinventions le rapport à l’achat des produits technologiques. Nous avons une vision éthique, quasiment idéologique, de ce marché. Contrairement à d’autres catégories, comme le textile ou l’ameublement qui ont été investis par de nouveaux entrants, la technologie a assez peu été bousculée. Si on compare un iPhone aujourd’hui et un micro-ondes des années 60, ce sont à peu près les mêmes chaînes en amont et en aval.
The Good : À la différence d’un acteur comme Le Bon Coin, avec son image et son interface très sobres, vous avez très tôt investi dans la marque. Pourquoi ?
V.V. : Pour Le Bon Coin, avoir une approche très transactionnelle, c’est logique : c’est un lieu de mise en relation pour les particuliers entre eux, dans lequel le service en lui-même s’efface. Nous avons adopté une approche différente, en nous positionnant assez tôt contre les géants de la tech et du e-commerce, que ce soit en termes de posture, de ton de voix ou d’attributs de marque.
Nous avons donc essayé de remettre le facteur humain au centre de l’équation, en parlant à des gens plutôt qu’à des portefeuilles. Là où tout le monde est obsédé par les performances techniques, nous adoptons un rapport plus léger à l’objet technologique. Là où il y a du sérieux, nous avons apporté un peu d’autodérision et d’humour. Toutes nos valeurs de marque peuvent se lire en creux de ce que ferait un géant de la tech ou du e-commerce.
The Good : La perception des consommateurs envers l’achat d’occasion a beaucoup évolué récemment. Que manque-t-il pour faire vraiment accélérer les choses ?
Que les distributeurs et les constructeurs rejoignent le mouvement ! C’est quelque chose qui commence à se produire et qui va permettre de faire croître le marché. On le voit de plus en plus dans le textile et la déco. La tech doit suivre. Quand vous avez un Apple qui dit qu’il a des produits reconditionnés à vendre, il donne une légitimité hyper-importante au marché. Que les marques se mettent à l’occasion et acceptent d’en parler, c’est ça qui va être déterminant.
Du côté des consommateurs, il faut encore que l’on arrive à fermer la boucle de l’économie circulaire. Si beaucoup sont prêts à passer le cap de la seconde main en achetant d’occasion, il y a encore des difficultés sur l’approvisionnement : les gens revendent peu les produits dont ils n’ont plus l’usage. Additionnés, ce sont pourtant des appareils qui ont une énorme valeur.
The Good : À quoi ressemblera Back Market dans 7 ans ? Un Amazon du reconditionné avec toutes les catégories de produits imaginables ?
Rien que pour les appareils électroniques, on parle d’un marché de 1 300 milliards de dollars. L’occasion ne représente que 10% de ce marché. Si on va vers des ratios comme ceux de l’automobile, où l’occasion domine le marché du neuf, on a encore de quoi faire !
Plutôt que d’aller sur d’autres verticales, nous allons continuer à perfectionner le modèle, en développant le reconditionnement et notre service de reprise, tout en travaillant sur un troisième pilier, la réparation. Acheter des produits qui ont déjà vécu, les réparer pour les garder plus longtemps et les revendre quand on n’en a plus l’usage, pour que les machines ne cessent jamais de vivre : voilà notre vision. On a bien conscience que ce n’est pas quelque chose qu’on arrivera à faire tout seuls.
Ce papier a d’abord été publié sur The Good