2 juin 2021

Temps de lecture : 3 min

Fantask, une dose de pop culture tous les semestres

La revue culte Fantask, qui vient de renaître en format mook chez Dargaud, explore tous les ressorts de la culture pop. Ses codes sont devenus l’apanage de la production culturelle et reflètent plus que jamais les tensions et les attentes de notre époque.

Le numéro 1 de Fantask pourrait presque être un numéro 8 du Fantask « ancienne manière » ! La revue de bande dessinée qui avait fait connaître au public français les séries de Marvel Comics (Les 4 Fantastiques, Spider-Man ou Le surfeur d’argent) a débuté une nouvelle vie le 28 mai 2021 en tant que mook semestriel, sous l’impulsion du groupe Dargaud. Et cela après 30 ans d’absence puisque le mensuel lancé en 1969 n’avait publié que sept numéros avant de tomber sous les fourches caudines de la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, qui l’accusait ni plus ni moins de heurter la sensibilité juvénile. Parmi les griefs justifiant la censure : cette revue « nocive » présentait « une science-fiction terrifiante » et des « combats traumatisants » à travers des récits « au climat angoissant » et des dessins aux couleurs « violentes ». « Aujourd’hui, les couleurs violentes et pop sont devenues l’apanage de la production culturelle, tout comme les récits au climat angoissants. Les combats traumatisants sont le b.a.-ba des dessins animés, la science-fiction est partout dans les mangas, en bande-dessinée, au cinéma et à la télévision… Je me suis demandé comment le monde avait pu changer à ce point en si peu de temps, comment la culture pop avait muté pour devenir aussi dominante », explique Rodolphe Lachat, son directeur de la publication. C’est dire si, pour ce lecteur de longue date de comics, qui a déjà fondé chez Dargaud le label Huginn & Muninn dédié à la culture Geek et cherchait depuis longtemps à lancer un titre sur la culture pop, il était plus que temps de relancer Fantask !

Des thématiques fortes, voire clivantes

Dans sa nouvelle version, le mook aborde un thème unique en lien avec la culture pop à travers différentes approches sociologiques, philosophiques, littéraires, théologiques… Le soin particulier apporté à toutes les expressions artistiques et au graphisme rappelle à quel point la culture pop est aussi une culture de l’image. Le premier numéro est dédié à nos fascinations pour le mal. « Nous avons voulu explorer pourquoi notre société a besoin de se faire peur et pourquoi les figures du mal sont partout, parfois jusqu’à les rendre sexy ou en faire des parfaits rôles à Oscars. Certaines représentations continuent de faire scandale comme le clip du rappeur Lil Nas X, qui se met en scène en train de faire une lap-dance avec le diable », détaille-t-il. Fantask a logiquement convoqué le diable – figure crainte et idolâtrée – comme invité d’honneur de son numéro un. Et décrypte aussi la manière dont le 3e Reich est sans cesse sollicité dans la production culturelle. « Les Nazis sont reconnus comme la plus grande incarnation du mal sur Terre. Pourtant, cette période continue de fasciner le 7e Art et a même fait l’objet d’une bande-dessinée américaine Hipster Hitler ahurissante », poursuit-il. Le numéro se clôt sur une troisième incarnation du mal autour des serial killers, qu’ils soient bien réels (comme Charles Manson ou Ted Bundy) ou des « anti héros » de fiction tels que Hannibal ou Le Joker. Le numéro 2 sera un peu plus léger (quoique) puisqu’il s’intéressera à la vie sexuelle des héros de BD (Superman, Tintin…) sous le titre « Le derrière de la pop ». Le troisième devrait ensuite s’intéresser « aux relations un peu ambigües entre la pop culture et le complotisme ».

Embrasser toutes les temporalités

Si la renaissance de Fantask se fait sous la forme d’un mook semestriel monothématique, ce n’est pas seulement parce que ce format de revue a le vent en poupe. « Les spécialistes de la culture populaire, journalistes ou grands érudits, s’expriment généralement dans des articles courts de magazines ou dans des longs ouvrages. Tout le monde n’a pas forcément le temps ou l’envie de lire une exégèse de Twin Peaks en 400 pages. Le mook permet d’avoir des articles longs et des interviews fleuve, d’embrasser toutes les temporalités sans en être prisonnier ni tomber dans les deux excès contraires », estime Rodolphe Lachat. Le numéro 1 rebondit par exemple sur les 30 ans du film Le silence des agneaux, avec une grande interview de Jodie Foster et Anthony Hopkins, sur la nouvelle saison de Dexter que la chaîne américaine Showtime a annoncé pour l’automne 2021, sur la sortie de la série Le serpent sur Netflix, dans laquelle Tahar Rahim incarne Charles Sobhraj, le tueur en série qui a hanté l’Asie des années 1970… Ceux qui préféreront plonger dans les racines du mal liront l’entretien accordé par Maxime Chattam, qui a fait des serial killers le thème central de sa Trilogie du mal. Autant de propositions qui, en 248 pages, permettront à chacun de jauger ou de régénérer sa sensibilité juvénile !

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