6 juin 2021

Temps de lecture : 2 min

Pierre Bellanger, Skyrock : « Skred est la première messagerie sécurisée mondiale d’origine européenne »

Fondateur et actuel PDG de Skyrock, pionnier du Web et des radios libres, Pierre Bellanger est l’auteur du visionnaire « La Souveraineté numérique », publié en 2014. Il est également à l’origine de l’application Skred, une messagerie qui a convaincu 10 millions d’utilisateurs à travers le monde avec sa promesse d’anonymat total. Vie privée, données, souveraineté : ses avis sont tranchés et souvent précurseurs.
INfluencia  : Apple n’hésite plus à interpeler publiquement Facebook ou Google sur la collecte des données personnelles qui serait faite sur leurs terminaux. Est-ce le début d’un vrai débat, mondial, sur le sujet, notamment dans l’univers du mobile ?

Pierre Bellanger :  lorsqu’il y a un incendie, il n’y a pas débat quant à savoir si l’incendie a lieu ou non. Nous sommes dans une telle situation d’évidence avec les données : un pillage permanent et absolu. Les solutions n’appartiennent plus aux seules initiatives privées mais à l’intervention des États. Par ailleurs, les données personnelles sont une fiction. Mon carnet d’adresses, ce sont les adresses des autres. Les données se contextualisent, se renseignent mutuellement, c’est en fait un réseau de données global et donc un bien commun souverain pour chaque nation.

IN. :  avec votre messagerie Skred, vous misez sur l’anonymat et la confidentialité totale des échanges. Mais est-ce réellement une préoccupation de la majorité des utilisateurs ? Souvent, la simplicité d’utilisation prime…

P.B. : Skred est la première messagerie sécurisée mondiale d’origine européenne avec plus de dix millions d’utilisateurs. Ce succès vient de ce que nous ne demandons pas aux utilisateurs d’arbitrer entre sécurité et facilité d’usage. Cet arbitrage est d’ailleurs toujours perdant pour la sécurité. Un tiers des utilisateurs sont aujourd’hui conscients des risques de la transparence forcée et s’en affranchissent, notamment avec Skred.

IN. : une partie des technologies sur lesquelles repose votre application est issue de recherches de l’Inria*. La France a-t-elle la possibilité de tirer son épingle du jeu sur les sujets de « privacy » ?

P.B. : la France est une république et une démocratie, une grande nation historique de découvertes et d’innovation. Ce sont des atouts immenses. Cependant nous ne maîtrisons pas notre destin sur les réseaux. C’est la souveraineté numérique, dont j’ai été à l’initiative de la prise de conscience. Nous sommes donc sous tutelle étrangère, ne maîtrisant ni les processeurs ni les serveurs ni les systèmes d’exploitation ni les programmes ni les plateformes ni les réseaux ni les terminaux… Nous avons tout mis sur les réseaux sauf la République. Notre nouvelle constitution, ce sont les conditions générales d’utilisation. Sans volonté publique de mettre un terme à cette absolue dépendance, à cette soumission, il y a peu de marge. Il y a quelques îlots d’autonomie cependant, Skred en fait partie.

IN. les Français sont-ils suffisamment éduqués sur les sujets de la citoyenneté numérique et des données ? Que faire pour encourager une meilleure compréhension de ces enjeux ?

P.B. : sommes-nous suffisamment éduqués au risque en général ? Non, c’est un effort constant et sans cesse recommencé d’information et de responsabilité qui doit être fait de l’école à l’entreprise, jusqu’aux pouvoirs publics, qui sont parfois un contre-exemple des bonnes pratiques. Et c’est surtout un ordre public auquel l’effort de chacun ne peut se substituer. Le numérique, c’est comme la santé, c’est une responsabilité individuelle et collective à la fois. Il faut reconnaître les données comme un bien commun souverain sous droit national et résident sur notre territoire. C’est la première mesure d’urgence. Les données des citoyens constituées en entité juridique indivise sont alors notre territoire numérique, la frontière de ce territoire ce sont les protocoles de chiffrement. Et la règle commune qui s’applique est celle notre République. Sinon, il faut espérer que nos cartes d’identité ne connaîtront pas le même sort que les cookies. Attendons la prochaine mise à jour.

*Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.

Cette Interview a été publiée dans le numéro 36 d’INfluencia consacré au Mobile, si vous souhaitez vous abonner à ce numéro, c’est ici !

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