IN : où se situe la force du mobile selon vous ?
Wale Gbadamosi-Oyekanmi : à mon sens, la force du mobile repose sur sa technologie et sa capacité à comprendre de manière proactive son utilisateur. D’abord, il est à la croisée entre l’écriture dataïfiée, digitale et l’écriture personnalisable et singulière. Ensuite, c’est son immédiateté et sa proximité avec son usager, notamment parce qu’il donne accès autant aux relations professionnelles qu’interpersonnelles, qui rend cet outil unique. En réalité, le mobile est une boîte à outils à portée de main. La fluidité et la facilité à utiliser un smartphone permet à tout à chacun une utilisation optimale.Un enfant de deux ou trois ans aujourd’hui est capable de l’utiliser. Sa puissance et sa capacité à être au plus proche des attentes de son propriétaire sont quasi sans limite. Sur un tel récepteur, il est à la fois possible de travailler, de jouer, de photographier, de s’écrire, de se parler, d’organiser et de participer à des conférences autour du monde, bref, le mobile permet d’accroître le rapport à l’autre dont nous avons particulièrement besoin aujourd’hui.
IN : qu’en est-il de la publicité sur mobile ?
W. GB-O. : comme je le disais, le mobile est une boîte à outils et donc, bien évidemment un outil formidable pour la publicité ! Pour autant, aujourd’hui, la publicité classique est certes accessible à tous mais n’utilise pas de manière proactive tous les moyens que le mobile offre. Sur un tel outil, que l’on peut qualifier de l’intime, la pub classique ne cherche pas à développer une relation forte avec sa cible et reste passive. Pourtant, le mobile est un lieu protéiforme, qui s’utilise avec des codes précis. Il est impénétrable, central et accessible à tous. Il donne la possibilité à chacun de créer ses propres modes de communication et d’exprimer librement sa créativité. Le mobile fait certes partie d’un système mais c’est la créativité et la singularité de ses utilisateurs qui le rend si puissant. Il apparaît alors comme évident de tendre vers une publicité participative sur le mobile, qui nécessite un travail créatif fort en amont.
IN : en comparaison à la publicité dite “classique”, quelles nouveautés apporte le mobile ?
W. GB-O. : à mon sens, comparer la publicité “classique” et la publicité mobile est très difficile. Le mobile étant plus libre, il vient bousculer les medias existants et installés depuis des années parce qu’il n’est pas empreint de codes académiques délivrés par une culture de l’esthétisme tel que la pub classique le conçoit. La peinture est à l’origine des affiches publicitaires, l’illustration est également son domaine de prédilection dans les années 50. La publicité télévisée quant à elle hérite et s’inspire des références de grands films, d’œuvres cinématographiques qui appartiennent à la mémoire collective. Alors que ce qui fait la créativité sur le mobile : c’est le croisement entre les données acquises sur la manière dont les individus utilisent le mobile (les datas) et les expériences qu’ils sont prêt à vivre à travers cet outil intime/privé. C’est cette convergence de touchpoints qui va permettre à la création sur le mobile de pouvoir s’insérer naturellement dans l’utilisation quotidienne des consommateurs. On voit ainsi la communication sur mobile s’exprimer naturellement à travers le gaming par exemple, en utilisant les codes de cette plateforme qui met va mettre l’humain au cœur de l’expérience. L’origine du mobile s’inscrit bien plus dans l’entertainment, que dans l’art académique. C’est une nouvelle relation qui se joue entre l’outil et le consommateur, c’est ludique et naturellement engageant, on vient ici développer une publicité beaucoup plus expérientielle et acceptée.
IN. perd-on en créativité selon vous, avec ces nouvelles expériences ?
W. GB-O. : Il faut regarder les traces laissées par la communication, et non pas le volume produit… On ne perd pas en créativité, on se retrouve juste moins visible parmi la quantité d’informations disponibles. Il faut considérer le fait qu’à une époque, il y avait des médiums beaucoup plus restreints. Aujourd’hui bien d’autres moyens sont disponibles pour toucher différentes audiences. C’est un tout autre système dans lequel nous baignons. Par ailleurs, et c’est fort regrettable, la pub intrusive fait florès. On sème du désamour pour la pub, on la réduit à ces formats envahissants. Vient la notre rôle, celui d’user de la créativité, de créer de l’émotion en s’adaptant à des insights réels, pour trouver des solutions intéressantes à des problématiques clients/consommateurs.
IN. : artistique, créatif, art, création, n’y-a-t-il pas confusion des genres aujourd’hui?
W. GB-O. : l’art est une expression de soi, avec des messages personnels, ce n’est pas une commande. La création publicitaire n’est pas de l’art à son prémisse. C’est être au service d’un marché, avec un brief, des consommateurs qu’il faut conquérir, ou conforter, accompagner… et on use de créativité pour cela. Une chose est sûre, si l’on parle plus d’art aujourd’hui c’est que le digital le sort de sa confidentialité, d’un certain entre soi pour être accessible à une plus grande majorité. On a plus forcément besoin de vivre à Paris, à New York ou à Tokyo pour apprécier et avoir accès à l’art…