29 avril 2025

Temps de lecture : 3 min

Silicon Valley : la fin d’un mythe de l’innovation ?

De la révolution numérique aux procès antitrust, la région peine à faire émerger de vraies ruptures technologiques.

Tech

Quelle est la dernière innovation majeure qui est sortie de l’esprit d’un petit génie de la tech basé dans la Silicon Valley ? Non, vraiment. Réfléchissez quelques secondes et tentez de répondre à cette question. L’iPhone ? Certes, mais Apple a lancé ce produit de rupture, comme certains spécialistes l’appellent, en 2007, soit il y a près de vingt ans. Les circuits intégrés, les microprocesseurs et les micro-ordinateurs ont aussi été créés dans cette région basée au sud-est de San Francisco (États-Unis) qui était renommée jusqu’à la fin des années 1890 pour ses vergers qui produisaient d’excellents abricots, poires, cerises et prunes. Mais ces inventions commencent aujourd’hui à sérieusement dater.

163.000 millionnaires vivent dans la Silicon

Trente des mille entreprises classées dans le Forbes Fortune 1000 sont basées dans cette région. 85 milliardaires et 163.000 millionnaires résident aussi près de la vallée de Santa Clara. Adobe, AMD, Apple, Cisco Systems, eBay, Electronic Arts, HP, Intel, Meta, Netflix, Paypal et Salesforce ont toujours leurs sièges sociaux dans la Silicon. Ce tableau de chasse impressionnant ne change rien à ce triste constat. Peu d’innovations majeures sortent aujourd’hui du berceau de l’électronique. Et ce n’est pas l’auteur de ces quelques lignes qui l’affirme mais Sam Altman en personne.

Les universités sont plus innovantes

Le cofondateur d’OpenAI, qui a créé ChatGPT, l’a récemment répété. « Avant OpenAI, quelle a été la dernière grande avancée scientifique réalisée par une entreprise de la Silicon Valley », expliquait l’entrepreneur dans un broadcast. Selon lui, l’idée même que les grandes recherches proviennent du secteur privé est un mythe perpétué par des chefs d’entreprise imbus d’eux-mêmes. La plupart des recherches sur l’intelligence artificielle ou les vaccins à ARN messagers sont le fruit de recherches universitaires financées par des fonds publics. Toute la technologie des smartphones, comme le GPS et le wifi, est, elle aussi, issue de la recherche financée par des fonds publics. Sam Altman juge ainsi que la science fonctionne mieux lorsqu’elle est ouverte et publiquement responsable, ce qui explique l’existence d’outils tels que l’examen par les pairs. La production privée de connaissance est en conséquence désavantagée par rapport à la collaboration ouverte à tous. En matière d’innovation, le secteur privé est plus efficace pour trouver des solutions pour les consommateurs finaux, comme l’expérience de l’utilisateur ou les interfaces graphiques. Mais les recherches fondamentales et les technologies de rupture ne proviennent presque jamais de laboratoires basés dans la Silicon Valley.

Des geeks devenus milliardaires

Cette tendance n’a pas cessé de se renforcer ces dernières années. Les « geeks » qui passaient leurs journées et une bonne partie de leurs nuits à coder dans leur garage sont, pour ceux qui ont réussi, devenus des milliardaires qui cherchent avant tout à garder une longueur d’avance sur leurs rivaux en utilisant leurs immenses ressources pour les faire disparaître ou les racheter.

Les procès se multiplient

Le procès contre Meta, qui a débuté le 14 avril 2025 au tribunal à Washington pourrait bien le confirmer. Le géant californien piloté par Mark Zuckerberg est accusé d’avoir racheter Instagram en 2012 pour un milliard de dollars et WhatsApp deux ans plus tard pour dix-neuf milliards uniquement pour empêcher ces deux concurrents potentiels de lui grappiller des parts de marché. « Ils ont décidé que la concurrence était trop dure et qu’il serait plus facile de racheter leurs rivaux que de leur faire concurrence, juge Daniel Matheson, avocat de la Commission fédérale du commerce (FTC). Depuis plus de cent ans, la politique publique américaine insiste sur la nécessité pour les entreprises d’être compétitives si elles veulent réussir. Si nous sommes ici, c’est parce que Meta a rompu cet accord. » « L’argument de la FTC est que l’acquisition d’Instagram était un moyen de neutraliser cette menace concurrentielle croissante pour Facebook », confirme Rebecca Haw Allensworth, professeur de droit antitrust à la Vanderbilt Law School.

Les géants de la Silicon Valley permettent aujourd’hui à leurs avocats d’accumuler les heures supplémentaires tant les procès se multiplient contre eux. Deux cents médias français viennent ainsi de porter plainte contre Meta pour « pratiques illégales ». La Commission européenne vient, elle, d’infliger une amende de 500 millions d’euros à Apple et de 200 millions à Meta pour manquement à leurs obligations au titre de règlements de l’UE sur les marchés numériques. Et si au lieu de dépenser des fortunes en frais juridiques, les géants de la Silicon se mettaient de nouveau à innover ?

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