Comment Donald Trump use de son influence politique pour relancer sa plateforme Truth Social ?
La situation est tendue pour le réseau social made by… et for Donald Trump qui vient d’accuser plusieurs centaines de millions de dollars de pertes sur le seul exercice 2024. Et si le salut se trouvait, une nouvelle fois, dans les plus hautes sphères de l’État ?
Au passage à l’an 2025, tous les voyants semblaient au vert pour une nouvelle success story à la Donald Trump et son groupe Trump Média, maison mère de la plateforme Truth Social. La Figaro titrait même le 18 janvier dernier : « La revanche annoncée du réseau social Truth Social, mégaphone décomplexé de Donald Trump ». Pour son auteure, la journaliste Keren Lentschner, cela ne faisait plus l’ombre d’un doute, la plateforme serait bientôt : « au cœur du pouvoir » au point de s’imposer comme un outil « central pour le travail des médias du monde entier ». Il y avait de quoi partager son optimisme…
Donald Trump, connu pour ses réticences à communiquer via les médias traditionnels, s’apprêtait à (re)devenir président des États-Unis d’Amérique après avoir fait l’essentiel de sa campagne – victorieuse – sur Truth Social. Pour refaire rapidement le film, la plateforme avait été fondée après son bannissement de Twitter et Facebook – ses comptes ont été ré-instaurés depuis – à la suite de l’assaut du Capitole en 2021. L’ambition affichée était d’établir une alternative conservatrice cohérente aux géants technologiques de la Silicon Valley – sauf Elon Musk, comprenez, c’est un ami… –.
Que la Silicon Valley se rassure
Pourtant, Truth Social, et par extension sa maison mère, peinent toujours à remplir leur cahier des charges. En mars 2024, déjà, alors qu’elle faisait une entrée en bourse en fanfare au point d’être valorisée à 8 milliards de dollars, le cours de sa valeur s’effondrait à peine quelques jours plus tard. Au même moment, le régulateur financier américain révélait que l’année précédente (en 2023), Truth Social avait enregistré des pertes de plusieurs millions d’euros, faute d’annonceurs intéressés par la visibilité offerte par ce réseau. Mais bon, tout cela c’était avant l’élection, la situation n’a pu que s’améliorer depuis…
Sauf que pas du tout. Fin janvier, la plateforme comptait en ses rangs 2 millions d’utilisateurs quotidiens pour 4,36 millions de téléchargements totaux. Une audience essentiellement partisante du camp républicain, 77% des électeurs démocrates ayant affirmé qu’ils la boycottaient, selon un sondage mené par Search Logistics et qui n’a donc pas permis à Donald Trump de rentabiliser son projet.
Les mauvais exercices se suivent et se ressemblent
Vendredi dernier, Trump Media & Technology Group annonçait une perte de 400,9 millions $ l’année dernière et une diminution de son chiffre d’affaires annuel de 12 % à 3,6 millions $. Le groupe basé à Sarasota en Floride impute officiellement les pertes à un accord de partage des revenus avec un partenaire publicitaire non divulgué. L’occasion pour les actionnaires de rappeler que le projet est dans un « stade de développement précoce » et qu’il ne diffuse pas les « indicateurs traditionnels de performance » souvent partagés par d’autres plateformes sociales, tels que le nombre d’utilisateurs inscrits, les utilisateurs actifs quotidiens ou mensuels, ni les personnes exposées aux publicités.
Oui car pour les chiffres que l’on vous a donnés précédemment, nous avons dû nous limiter aux données publiques concernant les téléchargements de l’application sur l’App Store et l’Android Store ainsi qu’aux communiqués officiels publiés par Truth Social. Il convient de rappeler que Trump Media avait fait son entrée en bourse après sa fusion avec Digital World Acquisition Corp., une société-écran. Une tactique plutôt habituelle dans le milieu des affaires dite “SPAC” – pour Special Purpose Acquisition Company –, qui permet aux entreprises émergentes de rendre leurs actions accessibles sur les marchés financiers de manière plus rapide et simplifiée.
La fusion, ou du moins le contexte houleux dans laquelle elle a été signée, a même été citée dans la communication officielle du groupe au moment d’expliquer ces mauvais résultats. Selon le rapport annuel de Trump Media, d’importants frais juridiques avaient dû être mobilisés suite à la tentative d’obstruction de la Securities and Exchange Commission de l’ancien président Biden pour empêcher la fusion.
Sauve qui peut
Bref, Truth Social, au même titre que son vaisseau amiral, se porte mal. Pourtant, il y a un monde, qui peut encore tout à fait être le nôtre, où la prédiction du Figaro n’est pas mauvaise, juste un peu en avance. Les observateurs, et surtout le Washington Times dans un article publié hier, mardi 18 février, n’ont pas manqué de remarquer que la majorité des agences fédérales… n’ont toujours pas encore de compte officiel sur Truth Social, quatre semaines après l’entrée en fonction du 47ème président des États-Unis.
Selon le Département de la Sécurité Intérieure, il existe à ce jour plus de 420 profils liés à des agences fédérales ou des ministères sur diverses plateformes sociales. Près de la moitié de ces comptes sont sur Facebook, 118 d’entres-eux sont sur X, 27 sur Instagram, 11 sur YouTube, 9 sur Threads, 14 sur LinkedIn et les derniers – ils sont peu – sur Google Books et Vimeo et Google Books. Une situation qui pourrait bien changer du tout au tout.
Plusieurs agences contactées par The Washington Times ont indiqué qu’elles prévoyaient déjà de rejoindre le réseau social de leur président. « Nous travaillons actuellement à la création d’un compte Truth Social et prévoyons de le déployer très prochainement », a ainsi déclaré un responsable du ministère du Travail au journaliste. Une décision qui serait loin d’être désintéressée selon Jeremy Mayer, politologue à l’Université George Mason : « Pourquoi ne pas vous mettre sur Truth Social si cela vous permet de garder votre emploi ? », a-t-il ironisé avant d’ajouter : « Il (le gouvernement, NDLR) aborde aujourd’hui la bureaucratie fédérale avec la mentalité ‘Virons un maximum de gens’. Si vous voulez garder votre poste, c’est un choix judicieux ».
À qui profite la com ?
Preuve que Truth Social est peut être en passe de s’imposer, Trump Media & Technology Group a annoncé au média étasunien que « Truth Social prend ses dispositions en prévision de l’intégration de plusieurs agences américaines qui ont exprimé leur intérêt pour rejoindre la plateforme ». Même le FBI, qui dépendait jusque-là du ministère de la justice pour gérer sa communication, pourrait très bientôt débarquer sur l’appli. Mais comme souvent avec Donald Trump, il faudra attendre pour voir si tout cela est vrai… ou s’il s’agit uniquement d’un effet d’annonce pour redonner foi en la plateforme.
Donald Sherman, directeur exécutif et avocat en chef au Centre pour la responsabilité et l’éthique à Washington, a même précisé, en guise de conclusion à l’article du Washington Times : « En tant que président, il exerce une influence directe sur les agences exécutives » en envoyant « le message aux responsables gouvernementaux étrangers et nationaux que, pour rester dans ses bonnes grâces, ils doivent soutenir ses projets commerciaux, y compris inciter le public à rejoindre sa plateforme, s’ils veulent accéder aux services publics (…) ou interagir avec les entités gouvernementales officielles ».
L’arrivée de toutes ces agences fédérales pourrait finir par attirer davantage d’utilisateurs sur la plateforme… enrichissant par la même Donald Trump. Larry Ramer, développeur de contenu et éditeur chez InvestorPlace, a notamment expliqué dans l’étude de Search Logistics, citée précédemment, que si Truth Social parvient à atteindre 30 millions d’utilisateurs actifs mensuels (UAM) et génère un revenu moyen par utilisateur (ARPU) de 30 $ par an, Truth Social pourrait réaliser environ 90 millions de dollars de revenus annuels. Pas mal pour un multi-milliardaire…
En savoir plus
Pour rappel, après avoir remporté l’élection présidentielle en novembre 2024, M. Trump a transféré toutes ses actions – évaluées à environ 4 milliards de dollars – en tant que « cadeau de bonne foi » au Donald J. Trump Revocable Trust. Ses actions représentant plus de la moitié de la valeur totale de la société. Son ainé, Donald John Trump, Jr., dit Don Trump, est à ce jour l’unique fiduciaire du groupe et le seul ayant droit de vote et d’investissement relativement à tous les titres du groupe.
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