Préparant le rapport que le gouvernement doit remettre au Parlement avant la fin 2025 concernant les « perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France », en application de l’article 21 de la loi du 30 septembre 1986, la DGMIC a lancé ce 10 février une consultation publique destinée à « recueillir la vision des parties prenantes, et notamment du grand public ».
C’est aussi en 2025 que la Commission européenne doit réexaminer la décision 2017/899 du 17 mai 2017 qui garantit à la TNT l’accès à la bande de fréquences 470-694 MHz jusqu’en 2030.
Au niveau international, la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de 2023 a conclu que, pour l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et la Russie, la TNT conservera l’accès à ses fréquences jusqu’en 2031, date prévue pour une révision de cet accès.
S’agissant des différents modes de réception de la télévision, il note que :
- La TNT offre 25 services nationaux gratuits, bientôt tous en HD, couvrant plus de 95 % de la population, mais limitée en termes de qualité d’image et d’interactivité. « La TNT demeure le mode de réception exclusif de la télévision pour un foyer équipé d’un téléviseur sur six (…) surtout des foyers modestes et/ou âgés, et elle reste au-delà le deuxième mode de réceptionde la télévision le plus utilisé par les Français et environ deux foyers métropolitains équipés d’un téléviseur sur cinq l’utilisent.
Du fait, « de l’obligation de reprise de la numérotation par l’ensemble des distributeurs (…) la TNT est une vitrine pour les chaînes nationales qui y sont autorisées ».
Le satellite propose une offre de plusieurs centaines de services linéairesnationaux et internationaux accessibles y compris dans des régions reculées ou montagneuses, mais nécessite l’installation d’une parabole et est sensible aux conditions climatiques. Il n’est utilisé que par 11,7% des foyers équipés d’un téléviseur
L’IPTV a progressivement supplanté la télévision par câble. Elle propose une offre riche et interactive, mais nécessite un abonnement et est dépendante du niveau de raccordement. Depuis 2017, l’IPTV est le mode de réception dominant, utilisé par plus de 71% des foyers équipés d’un téléviseur.
Les services distribués en OTT, directement par internet et indépendamment du FAI, « sont accessibles depuis n’importe quel écran connecté (téléviseurs, smartphones, tablettes, ordinateurs…)sous réserve de débit suffisant ». Mais « les éditeurs nationaux font face à une concurrence croissante et risquent notamment de perdre en exposition au sein des interfaces des téléviseurs connectés qui proposent une profusion d’offres et pour lesquelles les opérateurs concluent des contrats de mise en avant avec des géants internationaux ».
Sur l’évolution des usages, la DGMIC relève la multiplication « des services non linéaires accessibles sur internet : rattrapage de programmes, contrôle du direct et catalogues de vidéos à la demande (l’apparition) de nouveaux formats comme les chaînes FAST (Free Ad-Supported Streaming TV) (qui) s’appuient sur le développement de l’internet haut débit » et le développement de plateformes de BVoD (TF1+, France.tv, M6+…) « autodistribuées, au sein desquelles les éditeurs ont une grande latitude pour présenter leurs contenus et, le cas échéant, les commercialiser, tout en permettant un lien direct avec les utilisateurs »
Concernant la plateforme TNT, la DGMIC rappelle « qu’entre 2028 et 2020, l’Arcom a mis au jour deux axes de modernisation : l’amélioration de la qualité d’image (par l’adoption de l’UHD) et l’intégration de HbbTV », mais note que « le succès du triple-play a poussé les éditeurs à s’appuyer sur les solutions interactives des FAI, contrairement à d’autres pays européens où HbbTV est beaucoup plus développé, laissant la TNT largement dépourvue d’interactivité ». La DGMIC note par ailleurs « qu’aucun éditeur privé ne s’est encore joint durablement à l’initiative » de France Télévisions de diffuser durablement en UHD.
Trois « scénarios prospectifs » sont alors présentés :
- Le « statu quo dans lequel les modes de réception de la télévision demeurent largement cloisonnés, malgré quelques services hybrides marginaux ». Dans une telle hypothèse, « les modes de réception historiques (TNT et satellite), dépourvus d’interactivité, qui pourraient être relégués à des solutions de dernier recours, à destination des utilisateurs les plus démunis ou les plus isolés » avec, en parallèle, la poursuite de la migration des téléspectateurs vers des modes de réception sur internet plus énergivores et plus polluants ».
- L’« hybridation des modes de distribution » rendue possible par la mise en œuvre à grande échelle des technologies HbbTV et DVB-I et du standard de diffusion 5G Broadcast. Pour la DGMIC, « ce scénario semble répondre à des enjeux de consommation énergétique, de souveraineté et d’efficacité de l’utilisation des fréquences. Il pose cependant des questions de prise en charge des coûts de diffusion et de dimensionnement de l’offre diffusée en linéaire ».
- La « convergence vers une distribution entièrement par internet ». « Ce scénario pose des défis majeurs en termes de saturation des réseaux de télécommunications, de consommation énergétique, de fiabilité en cas de crise, de souveraineté de l’offre audiovisuelle et de visibilité des services français au milieu d’une offre pléthorique », estime la DGMIC. En outre, il « nécessiterait une profonde révision du cadre juridique et réglementaire de la télévision française. En effet, le cadre réglementaire de l’audiovisuel français s’appuie sur l’autorisation délivrée par l’Arcom aux éditeurs de services de la TNT ».
S’agissant des décisions qui pourraient être arrêtées lors de la CMR-31, la DGMIC juge « improbable dans les années 2030 » une réattribution totale des fréquences (entrainant l’arrêt total de la TNT), et suggère que les conclusions devraient plutôt aller à un statut quo, ou à une réattribution de la bande 600 MHz, « faisant perdre à la TNT plus d’un tiers de ses fréquences » actuelles. (470-694 MHz).
Six questions sont finalement proposées dans le cadre de la consultation. Les réponses doivent être adressées à la DGMIC avant le 21 mars.
Question 1. Partagez-vous cette analyse (sur les dynamiques d’usage des différents réseaux) ? Quelles différences de consommation y a-t-il entre les modes de réception de la télévision ? Entre les catégories sociales, territoriales et démographiques ? Disposez-vous d’éléments complémentaires et, si possible, de données chiffrées que vous souhaiteriez partager, notamment concernant l’évolution observée de ces tendances et leurs perspectives probables à horizon 2030 et au-delà ?
Question 2. Quelles sont les implications de l’évolution des habitudes de consommation sur la stratégie des éditeurs et des distributeurs en matière de diffusion et de distribution de programmes audiovisuels et d’investissement d’ici 2030 et au-delà ?
Question 3. Partagez-vous cette analyse ? Parmi ces caractéristiques, lesquelles vous semblent essentielles ? Vous semble-t-il possible et souhaitable de transposer les caractéristiques propres à un mode de réception vers un autre, et si oui, sous quelles conditions ?
Question 4. Partagez-vous cette analyse des scénarios d’évolution du modèle télévisuel ? Si oui, quel scénario vous semble préférable et pour quelles raisons ? Sinon, quelle évolution attendez-vous ? Quelles conditions permettent la mise en œuvre du modèle que vous privilégiez ?
Question 5. Quel bilan peut être tiré des précédentes évolutions de la TNT et de son accès aux fréquences ? Quelles seraient les implications d’un nouveau changement dans l’affectation des fréquences actuellement utilisées par la TNT ? En cas de réattribution de la bande 600 MHz, serait-il possible de conserver l’offre de TNT actuelle, ou, à tout le moins, une offre suffisante pour répondre au besoin des usagers ? Sous quelles conditions ?
Question 6. Quel serait le modèle souhaitable à adopter pour déterminer l’avenir de la TNT ? Selon quel calendrier ? Quelles différentes implications identifiez-vous en matière de souveraineté et de régulation ? Quelles mesures et quels niveaux de coordination et de planification doivent être adoptés pour accompagner l’évolution la télévision française ?