C’est une véritable course à l’échalote à laquelle participent les géants du web depuis quelques semaines. Chaque jour ou presque, l’annonce d’un nouveau plan d’investissements se chiffrant en milliards d’euros fait les gros titres des journaux. De nombreux pays font des pieds et des mains pour attirer ces énormes capitaux. La France est particulièrement active dans ce combat de titan.
Tous au Grand Palais
Depuis hier et jusqu’à ce soir, les représentants d’une centaine de pays, dont plusieurs chefs d’Etats et de nombreux dirigeants d’entreprise, sont réunis au Grand Palais à Paris pour participer au Sommet pour l’action sur l’IA 2025. Interviewé la veille de l’ouverture de cette conférence par le journaliste français Laurent Delahousse et sa consœur indienne Palki Sharma, Emmanuel Macron a révélé que notre pays allait recevoir 109 milliards d’euros d’investissements privés français et étrangers en matière d’intelligence artificielle. « C’est l’équivalent pour la France de ce que les Etats-Unis ont annoncé avec Stargate. C’est le même rapport », a déclaré le Président de la République qui résume ainsi sa pensée : « On veut en être et on veut inventer, sinon on va dépendre des autres ».
C’est beaucoup mais c’est bien peu…
Ce chiffre de 109 milliards est la somme de plusieurs projets dévoilés les jours précédents le Sommet. Les Emirats arabes unis ont notamment prévu de dépenser entre 30 et 50 milliards d’euros (la fourchette est plutôt large…) dans la construction d’un « campus » qui comprendra un data center géant dédié à l’IA. La ministre déléguée française chargée de l’IA et du numérique, Clara Chappaz, avait annoncé, quelques jours plus tôt, que l’Etat avait désigné 35 nouveaux sites d’une superficie totale de 1200 hectares prêts à accueillir des data centers. Pour mémoire, notre pays abrite aujourd’hui 250 de ces installations composées de réseaux d’ordinateurs et d’espaces de stockage contre… 2000 aux Etats-Unis. Histoire de ne pas être en reste, Bpifrance a précisé qu’il investira 10 milliards d’euros dans l’IA d’ici 2029. « Grâce à nos investissements et à notre soutien continu, nous renforçons la position de la France en tant qu’acteur mondial dans ce domaine stratégique », a déclaré le directeur général de la banque publique, Nicolas Dufourcq. Si les fonds investis peuvent sembler importants, ils ne représentent qu’une goutte d’eau comparée aux sommes astronomiques dépensés par les GAFAM et par d’autres investisseurs aux poches très, très, très pleines…
Stargate dans les étoiles
En comparant son projet à Stargate, Emmanuel Macron oublie en effet un « léger » détail. Si ce projet qui réunit le spécialiste du cloud Oracle, le géant japonais des investissements SoftBank et le spécialiste de l’IA générative OpenAi, comprend un investissement immédiat de 100 milliards de dollars, ces partenaires ont pour objectif de dépenser un total de 500 milliards sur quatre ans. Cette promesse s’ajoute à celle déjà prise par le patron de SoftBank, Masayoshi Son, d’investir entre 100 et 200 milliards de dollars dans le secteur technologique américain durant les quatre prochaines années. Ces chiffres vous font tourner la tête ? Prenez donc votre respiration et buvez un verre d’eau fraîche avant de lire les lignes suivantes.
717 Mds$ en 3 ans
Meta prévoit d’engloutir 65 milliards de dollars dans l’IA rien que cette année. Amazon compte, lui, débloquer une enveloppe de 100 milliards de dollars en 2025. Oui, vous avez bien lu. Cette seule entreprise compte dépenser, à elle seule, autant d’argent que la France dans sa totalité en quatre ans. Les investissements dans l’intelligence artificielle annoncés par Microsoft, Alphabet, Amazon et Meta devraient atteindre 320 milliards de dollars cette année, auxquels il faut ajouter les 246 milliards investis en 2024 et les 151 milliards dépensés douze mois plus, soit une somme difficilement imaginable de 717 milliards de dollars… Ce chiffre est plus de 30% supérieur aux recettes annuelles de l’Etat français qui devraient atteindre 545 milliards d’euros en 2025.
Deepseek peut tout changer
L’arrivée du chinois Deepseek, qui affirme n’avoir dépensé que 5,6 millions de dollars pour développer son moteur conversationnel IA alors que ces rivaux américains ont englouti des milliards pour atteindre le même objectif, pourrait toutefois rendre caduque tous les projets d’investissements géants récemment annoncés. Annabelle Gawer, Directrice du Centre de l’économie numérique à l’Université du Surrey (Angleterre), nous déclarait récemment que la venue de Deepseek plaçait OpenAI « dans la position de l’arroseur arrosé ». L’IA pourrait ainsi coûter bien moins chère que certains semblent le penser aujourd’hui. Une bonne nouvelle pour l’Europe et la France qui peuvent difficilement rivaliser avec les capitaux américains…
