10 février 2025

Temps de lecture : 7 min

« Avec notre sommet, c’est toutes les pépites françaises de l’IA et du luxe qu’on veut représenter » (Stéphane Galienni, Balistik Art)

À l'heure du grand sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, organisé cette semaine par l'Élysée, Balistik Art, une agence conseil en communication digitale, dévoile son propre sommet "Luxe Intelligenc.IA" entièrement dédié à l'IA dans le luxe et la culture. Nous avons discuté avec Stéphane Galienni, co-fondateur de Balistik Art et tête pensante de l'évènement... dont INfluencia est partenaire.    

INfluencia : quand on connait un peu votre parcours, on comprend que l’intelligence artificielle est au centre de votre raisonnement depuis un moment…

Stéphane Galienni : c’est une histoire assez intéressante… je vous remets un peu dans le contexte : en 2022, 2023, juste après le Covid, on était en plein dans la tendance Web3, c’est-à-dire NFT, blockchain metavers, etc. De par nos différentes casquettes chez BLSTK.ART, entre le cabinet de tendances pour les marques de luxe, l’agence plus classique pour accompagner nos clients sur leurs lancements, ou même le studio de production… en tant que spécialistes du digital et du luxe, nous sommes obligés d’être en veille technologique permanente. Au moment où l’on identifie l’émergence du Web3 et qu’on commence à sortir des études sur le sujet et à faire de la culture d’entreprise, mon intérêt personnel me conduit à publier un premier ouvrage avec mon collaborateur, Stéphane Truphème, afin de vulgariser la notion même de Web3 en dépassant le cadre du luxe. Au moment de sa sortie, en plein dans l’euphorie crypto, le livre marche bien, on m’invite un peu partout mais la conséquence c’est que je suis tellement dans le Web3 que je me retrouve rapidement à avoir cinq six mois de retard sur l’IA qui avait explosé entre temps. Après avoir un peu plus creusé le sujet, je retourne voir mon éditrice, qui travaille chez Dunod, en lui annonçant que je voulais publier un deuxième livre qui porterait sur l’intelligence artificielle. Ça m’a valu quelques réticences au début parce qu’on venait tout juste de sortir le premier, mais la machine se lance. Dès le départ, je me fixe l’objectif de ne mettre qu’un an à l’écrire et une date de publication pour septembre 2024…

IN. : ce choix de travailler « à flux tendu » était dû à l’urgence de ne pas prendre davantage de retard sur une technologie qui se développait, et se développe toujours, à toute vitesse ?

S.G : complètement, si j’avais trainé, je prenais le risque de voir le train passer. Donc je me mets tout de suite en veille et je m’aperçois que des grands groupes comme LVMH ou L’Oréal sont déjà très actifs sur cette question depuis au moins cinq-dix ans… et ça pique ma curiosité. Je commence à interviewer des gens de mon réseau qui me donnent des éclairages et au cours de l’été 2024, j’observe que quelques grosses agences, comme Fred et Farid et d’autres, annoncent le lancement de leur propre structure dédiée à l’IA. Une nouvelle preuve qu’un marché était bien en train de se créer sans que personne, et c’est logique puisque tout étant encore nouveau, n’est de portfolio à faire valoir. Donc j’ai mis les mains dans le cambouis pour trouver des applications concrètes de l’IA au secteur du Luxe et qui ne nous coûterait pas forcément beaucoup d’argent étant donné que nous sommes une petite structure. C’est dans cet état d’esprit que j’ai lancé dès septembre 2023 un influenceur virtuel qui s’appelle « incognito influencer » dont le visage est le mien, re-trafiqué par l’IA. Un parti pris qui me permettait à la fois de me protéger au niveau des droits d’image tout en faisant du personnal branding.

IN. : peut-être aussi un moyen de se moquer – gentiment – de certains aspects de l’industrie, quand on regarde certains éléments de votre communication…

S.G. : oui, c’était l’idée. C’est une espèce de double de ma personne mais qui joue avec les codes, parfois ridicules, des fashionista. Par contre, il est au front row de toutes les fashion week. Je me suis également servi de cette visibilité pour aborder la dangerosité des influenceurs virtuels qui peuvent parfois véhiculer des standards irréalistes. Quelque part, j’ai abordé mon métier de façon plus crue, à la manière de ce que peut faire un Loïc Prigent (auteur, réalisateur et figure incontournable de la mode, NDLR). Là c’est davantage M. Hyde, ou plutôt M. Hype, le mec branché, qui peut se permettre de dire ce que le Docteur Jekyll est tenu de garder pour lui.

IN. : c’est dans ce contexte que l’idée de rassembler les acteurs de l’industrie pour approfondir le dialogue commence à germer ?

S.G. : d’une certaine manière… Je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas faire quelque chose avec toutes ces personnes inspirantes que j’ai rencontrées pour écrire mon livre et pendant l’aventure « incognito influencer ». Les passionnés, les créatifs, les artistes, etc. Cette seconde édition, parrainée par Stanislas De Quercize, est presque comme une réponse à la première qui nous permet de faire le bilan de leur année tout en ayant un regard prospectif pour mieux se préparer à l’avenir. Je veux qu’on puisse faire ce travail « rétro-prospectif » à chaque fois que l’on se réunira de nouveau. Il y a tellement de mouvements pendant l’année que c’est super intéressant d’entendre ceux qui ont fait l’actu… et qui n’ont pas été forcément invités par l’Élysée au sommet du Grand Palais. C’est comme ça que LUXE INTELLIGENC.IA est né. Cette année, nous avons invité plusieurs talents créatifs, notamment THINKERS & DOERS, des avant-gardistes de l’IA identifiés sur notre première édition du 11 décembre 202 mais également notre speakerine léopardé Nathalie Dupuy qui nous proposera une table ronde IALS avec un panel 100% féminin, ou encore Goldaia fondé par Téhé Oula, qui réinvente l’expérience client en ligne avec son showroom virtuel propulsé par l’IA et autres briques technologiques intelligentes au service de l’expérience utilisateur. (Le line-up est à consulter dans son intégralité à la fin de ce sujet, NDLR).

IN. : ceci étant dit vous ne vous positionnez pas à rebours du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle organisé par l’Elysée…

S.G. : bien au contraire, on se veut clairement en soutien à l’initiative de l’Elysée en OFF (hors-programme officiel) avec un message french tech pour montrer la petite startup de Strasbourg ou de Marseille qui va bien. C’est justement pour ça qu’on a organisé notre sommet le même jour, pour qu’on puisse participer à notre manière à ce grand mouvement mais certainement pas pour parasiter le moment. À quelques jours du lancement du sommet (cette interview a été réalisée jeudi 6 février, NDLR), je ressens cette émulation. Il y a quelques jours, le Théâtre de l’IA, un lieu porté par Stéphane Knecht et ses associés, qui co-organise notre évènement et qui s’occupera de la captation et de la diffusion en streaming de notre sommet, avec notamment tout un dispositif piloté par l’IA, organisait il y a quelques jours le premier évènement du Prompt club. Pour rentrer dans les détails, c’est un collectif de créatifs et réalisateurs IA Iinitié par son membre fondateur Gilles Guerras qui organise une séance avec des films réalisés à l’aide de l’intelligence artificielle. Mais la vrai magie pour cette première c’était de la salle comble pour l’occasion. Vous vous rendez compte ? Plusieurs personnes se sont déplacées au cinéma pour aller voir des œuvres réalisées grâce aux IA. En plus d’une révolution technologique, c’est vraiment une nouvelle révolution culturelle, comme l’était en son temps l’arrivée du surréalisme, par exemple. Je viens juste d’avoir 50 ans… et j’ai l’impression d’en avoir 25 à nouveau.

IN. : en parlant d’âge, est-ce que votre enthousiasme est partagé par tous vos collaborateurs… quelle que soit leur génération ?

S.G. : pour être honnête, j’ai surtout l’impression que l’IA aujourd’hui est tenue par la génération X. Moi qui enseigne, tout comme la plupart des personnes qui prendront la parole pendant le sommet, j’ai l’impression que les plus jeunes ne captent pas tout le temps le potentiel de l’IA et de l’autre côté, vous avez tous les gens de mon âge qui ressortent déjà leurs vieux courts-métrages du placard pour les retravailler avec ces nouveaux outils. Le sommet sert également à sensibiliser le public sur l’urgence de s’y mettre… sans pour autant véhiculer l’idée que la « machine » va tous nous remplacer. Tout comme l’arrivée de la machine à coudre n’a pas tué la valeur humaine de l’industrie en son temps.

IN. : en préparant cette interview, nous sommes tombés sur le rapport State of Fashion 2024 de McKinsey qui stipule que 73 % des dirigeants de la mode considèrent l’IA générative comme une priorité pour 2024, mais seulement 5 % d’entre eux estiment avoir les capacités nécessaires pour en tirer pleinement parti. Qu’est-ce qui manque à ces derniers pour prendre la vague selon vous ?

S.G. : déjà, parce qu’il y a une méconnaissance des outils et de ce qu’on peut en faire. Parfois, il y a même un manque de vision stratégique. Il ne faut pas oublier que tout ceci est très nouveau pour tout le monde. C’était les mêmes phénomènes avec l’arrivée du Web3. La culture d’entreprise ou la culture métier fait qu’un interlocuteur catalogué « techno » ne sera pas forcément toujours bien compris par un.e responsable d’une grande maison… et inversement.

IN. : pour finir, comment allez-vous faire vivre cet évènement dans les mois à venir ? Quels sont les leviers à activer pour continuer à faire entendre votre vision de l’IA auprès des pouvoirs publics et de vos clients ?                        

S.G. : c’est une très bonne question à laquelle on réfléchit depuis le début. En fait, la première édition du LUXE INTELLIGENC.IA, c’était juste un one shot mais qui s’articulait déjà dans ma volonté, en tant que passionné… hyperactif (rire) de continuer à générer de la visibilité. C’était également ma démarche pour incognito influencer. Donc l’idée avec ce sommet et de continuer à le faire grandir à chaque nouvelle édition en invitant les professionnels que j’aurai eu la chance de rencontrer pendant l’année. Résultat, l’évènement prend également les traits d’un Think Tank capable d’entretenir le dialogue de toutes ces communautés. On est peut-être des « punks » sur le côté créatif pour faire bouger les lignes mais jamais pour « casser » ce qui est déjà en train de se faire ou partir en guerre contre le gouvernement. On cherche autant à stimuler qu’à apaiser le dialogue sur l’IA… et le discours reste positif.

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