17 janvier 2025

Temps de lecture : 5 min

Délectation morose et « community notes »

De nombreux articles dans le 38e Baromètre La Croix ont mis en avant la méfiance croissante des Français envers les médias. Cependant, cette méfiance ne distingue pas entre les médias historiques et les sources purement numériques comme les réseaux sociaux et les influenceurs. Comment garantir l'espace informationnel dans un écosystème en pleine bataille ? Deux propositions figurant parmi les préconisations des Etats Généraux de l’Information sont énoncées.

Par une forme de délectation morose, nombre d’articles rendant compte du 38e Baromètre La Croix sur la confiance dans les médias ont insisté dans leurs titres sur le fait que « la méfiance des Français envers les médias progresse encore » ; le diagnostic mérite largement d’être nuancé : 62 % des interviewés jugent qu’il « faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité », et le chiffre est en hausse de 5 points sur un an. Mais la question globale ne distingue pas entre « sources » purement numériques – réseaux sociaux et influenceurs notamment – et médias historiques (qu’ils soient consommés dans leur environnement initial ou via les canaux digitaux).

La lecture est très différente si on les considère séparément : non seulement, journaux télévisés, PQR, PQN, radio, PHR et chaînes d’information sont les sources jugées les plus fiables, mais chacune voit son « score de confiance » s’améliorer (jusqu’à +4 points pour les chaînes d’information) ou, au pire rester stable ; à l’autre extrémité, réseaux sociaux et influenceurs ferment la marche, avec des soldes nets (confiance vs défiance) de -35 et de -55 points…

Recoupant cette appréciation, les panélistes disent aussi s’informer plus souvent en regardant les Journaux télévisés d’information (90 % d’utilisateurs, en hausse de 2 points, dont 62 % tous les jours), les chaines d’information en continu (79 % et + 3 points – dont 44 % quotidiennement) ou encore en lisant la PQR (75 % – stable – dont 30 %), qui représentent les trois premières sources.

Et, là aussi, les jugements sont plutôt encourageants : à 76 %, l’intérêt pour l’actualité est à son plus haut niveau depuis 1994 ; le sentiment de « fatigue informationnelle », même élevé (51%) ne progresse plus (et la part de ceux qui la ressentent « très souvent » est en recul), l’impression qu’on « parle toujours des mêmes sujets dans les médias » baisse de 4 points. Inversement, le sentiment que « dans leur traitement de l’actualité, notamment politique, les médias reflètent bien la diversité des opinions en France » domine pour l’audiovisuel privé (49 % vs 37 %) comme pour l’audiovisuel public (52 % vs 36 %)…

Restent les réseaux sociaux et les influenceurs. Les considérer comme des « médias » peut apparaître curieux puisque les premiers, au moins, ne produisent aucun contenu et se limitent à être des relais.

De façon paradoxale, les réseaux sociaux, et en tout cas ce qui y est publié – arrivent en 4e position parmi les différentes options disponibles pour s’informer (72 %, en hausse de +2 points, dont 43 % tous les jours), mais sont en queue de classement s’agissant de la confiance que leur témoigne le public. Mais cette contradiction tient surtout du phénomène sociologique : le basculement de l’ensemble de nos usages vers le digital…

C’est alors que vient à l’esprit la décision de Mark Zuckerberg de substituer la modération des publications par une généralisation des « community notes »sur les plateformes du groupe Meta. Aux Etats-Unis à ce stade.

Le bon sens pousse à être sceptique sur la plus grande capacité des secondes à garantir la qualité de l’espace informationnel proposé par Facebook, Instagram ou Thread. Aux torrents de fake news qu’elles déversent sur les réseaux, on imagine avec crainte les fermes à trolls ajouter demain le « pourrissement » systématique – par commentaires interposés – des publications jugées hostiles.

Mais, on peut douter aussi de la capacité de la modération à permettre à elle seule de remporter la guerre informationnelle, aussi stimulée soit-elle par la Commission européenne, grâce au DSA. Compte tenu de la dimension géostratégique que la bataille a pris autant que de la démesure des moyens que l’intelligence artificielle lui a donnés.

A défaut de chasser l’ivraie, reste à cultiver le bon grain.

Par l’éducation au média d’abord, naturellement, en la débarrassant de sa vision romantique (la valorisation du métier de journaliste), mais en la prenant au sens propre : acquérir les réflexes de base permettant d’éviter les chausse-trappes, vérifier les sources, recouper l’information, rechercher les retouches éventuelles dans une photo ou une vidéo… 61 % des Français approuvent l’idée de « promouvoir l’éducation aux médias à l’école dès le plus jeune âge » dans le Baromètre La Croix, et le chiffre est en hausse de quatre points en un an.

En assurant à celui qui souhaite s’informer un accès facile à des contenus fiables, émis par des éditeurs reconnus comme tels, qu’ils bénéficient d’un numéro de commission paritaire ou soient signataires d’une convention avec l’Arcom. Avec le règlement européen EMFA, ces derniers bénéficient d’une procédure spécifique limitant le risque que leurs publications soient l’objet d’une modération intempestive par les plateformes ; Osons là aussi retourner la table, en leur garantissant la même « visibilité appropriée » que celle prévue par la directive SMA pour les services de télévision.

Ces deux propositions figurent parmi les préconisations des Etats Généraux de l’Information, dont plusieurs recommandations visent aussi les moyens de mieux assurer le modèle économique des médias d’information, donc leur pérennité.

Intervenant le 27 novembre dernier lors du Colloque NPA, la ministre de la Culture Rachida Dati avait annoncé la préparation d’un projet de loi destiné à traduire dans la loi le fruit de ces travaux. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a repris l’idée à son compte.

Il faut s’en réjouir.

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