20 janvier 2025

Temps de lecture : 4 min

IA et médias : déjà de nombreux développements

L’intelligence artificielle s’est logiquement invitée à l’édition 2025 de Médias en Seine. Retour sur le ressenti des Français autour de l’impact de cette technologie sur la qualité de l’information, mais aussi sur différentes expériences déjà lancées en France et à l’international.

Nikita Roy lors de son intervention à Médias en Seine (c) Radio France Christophe Abramowitz

De la production de contenus automatisée aux nouveaux modèles de monétisation, des nouveaux métiers aux enjeux éthiques…, l’intelligence artificielle ne cesse d’interroger les modèles des médias et l’expérience utilisateurs, mettant en lumière des opportunités mais aussi de nombreuses craintes. C’est dire si le sujet se devait d’être largement débattu lors de la 7e édition de Médias en Seine, festival des médias de demain organisé par franceinfo et Les Echos-Le Parisien, mardi 14 janvier 2025.

L’IA n’a pourtant pas attendu l’arrivée de ChatGPT pour faire irruption dans le secteur de l’information. « Elle est utilisée par l’industrie depuis plus de 10 ans. Grâce à l’analyse du langage naturel, l’agence Associated Press s’appuie depuis 2014 sur les données financières pour générer des articles, qui sont passés en peu de temps de 300 à 3700 articles par trimestre », a par exemple indiqué Nikita Roy, lors d’une table ronde « IA : opportunités et risques pour les médias ». Data-analyste et journaliste nord-américaine, elle a créé un podcast Newsroom Robots et, à Harvard, le Newsroom Robots Labs, à la fois société de conseil et d’entrainement en IA, qui fait aussi office d’incubateur pour les médias. Son travail lui a permis de recenser une grande variété d’utilisation de l’IA par les médias dans le monde. Certaines permettent d’optimiser le travail des rédactions comme Schibsted (Norvège) qui a permis à ses journalistes d’économiser « plus de 3000 heures de travail » grâce à de la transcription automatique via l’IA.

Une nouvelle manière de produire de l’information

D’autres exemples touchent plus directement à la manière de produire de l’information. Toujours en Norvège, le quotidien iTromsø résume les documents municipaux et les informations issues des sites gouvernementaux et met en ligne des informations que les journalistes ne pouvaient jusqu’alors pas filtrer. Aux Etats-Unis, une radio du Michigan analyse aussi les comptes-rendus de conseils municipaux grâce à l’IA, ce qui est un moyen pour la station de contrer la disparition dans ce pays des médias locaux qui auparavant assuraient ce travail. « En Suède, le journal Aftonbladet a créé un podcast entièrement publié par IA trois fois par jour, qui résume les principales informations et a du succès auprès des jeunes. Au moment des élections européennes, leur chatbot basé sur l’IA a permis de répondre à plus de 150 000 questions et de générer 10 fois plus de connexions que pour des campagnes plus traditionnelles sur le même thème », a détaillé Nikita Roy. Au Royaume-Uni, The Economist a recours à HeyGen pour traduire les vidéos de son compte TikTok en espagnol, allemand, français et mandarin.

La plus forte en calcul, c’est l’IA

L’IA permet aussi de changer la manière dont l’information est mise en avant ou rendue disponible pour le public. « On commence à construire de la presse autour de l’IA en construisant de nouveaux modes de narration, avec une information hyper-personnalisée », a-t-elle observé. Dans certaines occasions, sa puissance de calcul s’avère d’un précieux renfort. Début décembre 2024, France Bleu, le réseau local de Radio France passé sous la marque Ici le 6 janvier 2025, s’est appuyé sur l’IA pour préparer un entretien avec le Premier ministre de l’époque, Michel Barnier, reçu à 13h sur son antenne. « Le matin, les 44 stations ont interrogé leurs auditeurs sur différentes thématiques et l’IA a analysé en 3 heures ces 44 heures de programme pour en sortir les éléments saillants dans une sorte de sondage en direct. Le ressenti des Français a ensuite été soumis à Michel Barnier lors de l’émission », a témoigné Laurent Frisch, directeur du numérique et de la stratégie de l’innovation du groupe public.

Passer à une phase d’industrialisation

Bon nombre de médias français ont lancé des expérimentations basées sur l’IA pour extraire les meilleurs moments de contenus longs et de les distribuer en formats courts sur les réseaux sociaux, comme le fait France Culture, pour taguer ou résumer automatiquement des articles comme chez Ouest-France, ou encore pour « amener les collaborateurs vers l’ère de l’IA » comme le Groupe M6 : « Tous apprennent à prompter, pas seulement à la rédaction mais aussi dans les fonctions supports », a souligné Alix de Goldschmidt, sa directrice innovation, programmes IA & data. Pour Nikita Roy, « un des principaux problèmes en tant qu’industrie est de réussir à construire une culture de l’IA et à faire de l’up-scaling. Soudain, on peut voir une machine faire quelque chose jusqu’alors fait par un humain, dans une activité, le journalisme, qui s’appuie typiquement sur des connexions humaines. »

Ouest-France, qui a été dans une phase d’expérimentation en 2024, cherche justement à industrialiser les solutions mises à disposition de la rédaction et du journalisme, tout en gardant « une vigilance particulière et historique sur la préservation du patrimoine éditorial du journal », a noté David Dieudonné, chargé du projet IA au sein du groupe de presse. Pour tirer parti de ce patrimoine « difficilement exploitable, y compris avec les outils d’intelligence artificielle les plus récents », Ouest-France a choisi de s’associer au CNRS et à l’Université de Rennes, avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans un laboratoire commun Synapses. Il s’agira tout à la fois de lever les verrous technologiques existants, tout en maintenant la souveraineté sur les données et en veillant au respect des droits des personnes citées, photographiées ou enregistrées au sein d’archives qui comptent plusieurs millions d’articles, de photos et de vidéos.

Informer sur l’IA pour lever l’inquiétude ?

Alors que les médias explorent les opportunités en lien avec l’IA, du côté du public, c’est plutôt l’inquiétude qui domine, selon les résultats de Baromètre de la confiance des Français dans les médias réalisé par La Croix, Verian et La Poste, dont la 38e édition a intégré une nouvelle question sur le sujet. En l’état, 47 % des interrogés estiment que le recours à l’IA par les médias sera plutôt de nature à dégrader la qualité des informations fournies, quand 29 % estiment que cela amènera plutôt à une amélioration. A noter toutefois qu’une part non négligeable des sondés estime qu’ils n’en savent pas assez sur le sujet pour se prononcer : 11 % chez les 18-24 ans, 10 % chez les 25-34 ans, et jusqu’à 26 % chez les plus de 65 ans. Parmi les principaux risques figurent la perte de l’analyse et du regard humains (41 %) et, juste derrière, la création de fausses informations et les manipulations dans les informations diffusées (37 % sur ces deux critères).

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