11 décembre 2024

Temps de lecture : 7 min

Michèle Benzeno (Webedia) : « Le décloisonnement entre la télévision et le digital donne vie à beaucoup de nouveaux territoires d’expression »

The Creator Show, événement majeur de Webedia se déroule aujourd’hui à Station F qui accueille la Paris Creator Week. L’occasion d’échanger avec Michèle Benzeno, directrice générale du groupe Webedia sur les thématiques phares de la conférence notamment le décloisonnement entre télévision et digital et les enjeux et tendances de la Creator Economy.    
Creator Show Webedia Michèle Benzeno

INfluencia : Vous organisez aujourd’hui la 3e édition de The Creator Show, votre conférence dédiée à la Creator Economy, cette année dans le cadre de la Paris Creator Week qui se déroule à la Station F. Un tournant pour cet événement ?

Michèle Benzeno : Il y a trois ans nous avons pris l’initiative de créer notre propre événement The Creator Show en tant que pionnier dans l’industrie de la Creator Economy, nous avons anticipé les grandes tendances de fond et contribué à la structuration de cette industrie. Le Creator Show est devenu un rendez-vous récurrent et incontournable qui a pour vocation de rassembler tout l’univers de l’influence et mettre à l’honneur sur scène les talents nouvelles générations. Venant de chez M6, j’avais envie de créer un parallèle avec les grands moments de télévision de rentrée qui mettent sur scène leurs talents et leurs journalistes. Notre démarche était précurseur il y a trois ans. Cette année, nous avons donc décidé d’héberger le Creator Show au sein de la Paris Creator Week, qui réunira tout l’écosystème de la Creator Economy, une initiative formidable lancée par Marc Lesage Moretti et ses associés que nous saluons.

IN. : La Creator Economy en quelques mots ?

M.B : C’est tout l’écosystème lié aux créateurs de contenu digitaux, aux plateformes de distribution de YouTube à Instagram en passant par TikTok et Twitch, aux marques qui sont aussi très importantes dans le modèle économique.

Nous rentrons aujourd’hui dans une économie de formats qui repose de plus en plus sur des niveaux d’exigence artistique, de réalisation cinématographique et puis surtout de besoins de financements

IN. : Quels sont les thèmes que vous allez aborder cette année lors de votre conférence ?

M.B : Cette année, nous dédions la conférence au thème des nouveaux territoires. Nous allons parler du décloisonnement et de la convergence entre la télévision et le digital poussée aujourd’hui par les gens qui font de moins en moins de distinction entre la télévision et le digital. La télé se digitalise et le digital s’invite dans les écrans de télévision, l’idée c’est une ode au décloisonnement qui donne vie à beaucoup de nouveaux territoires d’expression, des nouveaux narratifs, de nouvelles générations de talents, de nouveaux formats émergents, des superproductions comme le film Kaizen sur lequel nous allons revenir mais aussi de nouveaux territoires en termes de stratégie et de distribution y compris des territoires géographiques, car il est important que tous ces formats soient hyper distribués et dépassent les frontières de la France et deviennent à l’instar de Kaizen des formats internationaux.

En première partie, nous ferons une rétrospective des grandes tendances et des faits marquants de l’année 2024 notamment sur la professionnalisation de l’industrie. Nous rentrons aujourd’hui dans une économie de formats qui repose de plus en plus sur des niveaux d’exigence artistique, de réalisation cinématographique et puis surtout de besoins de financements.

Autre sujet, la réglementation de l’influence marketing sous l’égide de l’initiative de l’UMICC (Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu) et du ministère de l’Économie et des Finances qui était un sujet majeur en 2023. En 2024, nous constatons une vraie évolution. On est passé de l’aspect réglementaire à l’aspect engagement sociétal avec des créateurs de plus en plus sensibles au sens, à l’éthique. Enfin, nous ferons un éclairage sur notre rôle qui consiste à la fois à accompagner dans leur développement des stars, les ultras top créateurs du moment devenus des icônes et passés de youtubeur à média mais aussi suivre les futures stars de demain et identifier des créateurs de plus petites audiences mais sur lesquels on parie et qui deviendront des grands. On va se positionner aussi comme « grower » comme éleveur de talents.

IN. : Qui prendra la parole sur scène ?

M.B : Il y aura Inoxtag, Just Riadh, Lorie Pester avec laquelle nous co-produisons un nouveau format live « Franchement », un talk qui aborde des sujets de société mais aussi Domingo qui évoquera des courants créatifs qui façonnent l’avenir du secteur. Nous aurons également des jeunes femmes qui sont des TikTokeuses, Instagrammeuses assez puissantes dans l’univers de l’humour et de la beauté, mais aussi Mademoiselle Fantasia qui fait partie du label Webedia. Je suis contente d’avoir des femmes sur des sujets liés à l’humour et les jeux-vidéo et ainsi pousser la diversité et la mixité. Nous accueillerons également des partenaires notamment Netflix qui interviendra sur son opération « 1,2,3 Soleil » géant façon Squid Game qui s’est déroulée sur les Champs-Élysées (1er décembre) en présence du trio Inoxtag, Maghla et Just Riadh ,fan de la série. Nous avons hébergé le live sur la chaîne d’Inoxtag, ce qui nous a valu d’être dans le Top 10 des vidéos les plus vues. Nous aurons aussi Stéphane Tardivelle de Chez Orange, un des partenaires de Kaizen qui abordera le thème de la déconnexion, un sujet majeur pour l’opérateur.

Les créateurs de contenu sont devenus des médias avec une influence et une audience, de fait ils ont aussi la responsabilité de faire passer des messages d’utilité publique

IN. : Vous évoquez l’engagement sociétal des créateurs de plus en plus présent dans les contenus… 

M. B : oui, ces nouvelles générations sont devenues quelque part le miroir de la société, ces créateurs de contenu sont des vraies icônes, des rôles modèles pour les jeunes, ils ont pour la plupart des millions d’abonnés. C’est pourquoi il était urgent et de notre responsabilité, en tant qu’acteur leader dans l’univers de l’influence, de travailler de concert et en grande proximité avec l’UMICC. Il était ainsi essentiel aussi de contribuer à ce que les créateurs soient aussi des porte-paroles de messages pour le bien-vivre, une société meilleure, le bien commun. Ils sont très engagés sur l’environnement, la santé mentale, la désinformation, les causes caritatives et s’associent de plus en plus avec des marques avec lesquelles ils sont en cohérence. Ils sont devenus des médias avec une influence et une audience, de fait ils ont aussi la responsabilité de faire passer des messages d’utilité publique.

Si les médias traditionnels nous accompagnent en amont pour adapter le contenu des créateurs sur le linéaire et le non-linéaire, nous pourrons installer une créativité souveraine

IN. : Quelle équation entre médias traditionnels, plateformes et réseaux sociaux pour les créateurs de contenu ?

M. B : Aujourd’hui 90% des gens ont accès à internet via leur télévision c’est une réalité d’usage, on parle beaucoup de télé connectée. Il y a plus de 20 millions de Français qui consomment Youtube via leur écran de télévision, l’opposition historique entre la télévision traditionnelle et le digital n’a plus lieu d’être. D’une part, les créateurs se professionnalisent et s’inspirent de plus en plus des formats issus de la télévision ou des grandes plateformes comme Netflix ou Amazon Studio et en même temps elles ont besoin de s’adresser à des audiences de plus en plus larges. D’autre part, les télévisions cherchent à trouver des relais de croissance notamment via le digital face à des audiences notamment celles des jeunes qui s’effritent et au niveau de leur modèle économique. Ce qui va rendre encore plus forte l’industrie des médias qui vit sa digitalisation et sa plateformisation. Si les médias traditionnels nous accompagnent en amont pour adapter le contenu des créateurs sur le linéaire et le non-linéaire, nous pourrons installer une créativité souveraine qui repose sur l’alliance et la convergence entre créateurs nouvelles générations et les médias traditionnels face aux géants américains avec lesquels nous travaillons.

Le marché va se premiumiser, avec la sortie de plus en plus de blockbusters digitaux, des surproductions à fort potentiel audiovisuel

IN. : Le film Kaizen a réalisé des records d’audience. Un fil à tirer sur cette opération inédite ?

M.B : Il y aura un avant et un après Kaizen pour toute la profession y compris les médias traditionnels et l’écosystème des créateurs de contenu. Cela met le curseur très haut en termes de réalisation, d’artistique, de production même si nous restons dans une économie du digital. Nous avons passé un cap, cela sous-tend l’évolution du marché qui va se premiumiser, avec la sortie de plus en plus de blockbusters digitaux, des surproductions à fort potentiel audiovisuel. Nous avons des projets avec Inoxtag et d’autres créateurs. L’idée est de développer une grille de programmes annuelle, potentiellement en 2025, avec nos hits digitaux au potentiel certain. Ce qui nécessite de travailler plus en amont avec les diffuseurs, les marques et les producteurs pour s’assurer qu’on décloisonne et pourquoi pas faire voyager ces contenus au-delà du digital. C’est la prochaine étape. Mais, cela intégrera aussi des formats plus courts, et des formats émergents. Il y aura une cohabitation entre des capsules courtes moins produites mais plus authentiques. Nous devons garder notre agilité.

Nous allons de plus en plus vers des logiques de diversification de revenus marques, régies, diffuseurs, distribution et pourquoi pas de produits dérivés

IN. : Quelle est la part des marques dans votre modèle économique sur ces projets ?

M. B : Pour Kaizen, nous étions sur un modèle à 90% financé par des marques. Mais aujourd’hui, une convergence est en train de s’opérer, nous allons de plus en plus vers des logiques de diversification de revenus marques, régies, diffuseurs, distribution et pourquoi pas de produits dérivés. Notre enjeu à terme est de rééquilibrer les revenus et ne pas dépendre complètement des marques. L’effet inverse est également en train de se produire du côté des producteurs et des diffuseurs qui cherchent de nouvelles poches de revenus et vont donc s’inviter dans les contenus.

IN. : Webedia accompagne 80 top créateurs en exclusivité et compte 300 partenariats avec des créateurs. Comment travaillez-vous avec les marques ?

M.B : Nous avons fait évoluer nos modèles de collaboration avec les créateurs depuis trois ans. Au départ nous étions sur un modèle d’exclusivité avec des contrats pluriannuels qui n’est plus adapté aujourd’hui. Nous avons été pour eux des accélérateurs en termes d’audiences, pour leur déploiement sur d’autres plateformes, l’accès aux marques, sur le plan artistique en leur donnant des moyens notamment techniques de production… Ils prennent ensuite leur indépendance, c’est inexorable et c’est tant mieux. Depuis, nous avons ouvert notre terrain de collaboration et de jeu créatif avec tous les talents exclusifs et non-exclusifs, c’est pour cela que nous avons rationalisé notre portefeuille de top talents exclusifs, c’est notre flagship. Nous sommes désormais dans un système ouvert et nous nous adaptons aux besoins artistiques des talents.  

@Mathis Dumas

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