Tandis que le monde tangue sous le trop plein de sollicitations de tous ordres qui nuisent à la santé mentale et créent un climat anxiogène dont chacun souffre et cherche à se protéger, Pinterest lancée en 2010 par Paul Sciarra, Evan Sharp et Ben Silbermann, fait l’unanimité en devenant un lieu refuge, positif, loin de la foire aux vanités.
Comment a-t-elle réussi le pari d’allier business et « fame » ? Peut-être tout simplement en préférant dès sa création, s’adresser à nos âmes pleines de fantaisie, d’imagination, de projections, plutôt qu’à nos égos fragiles. La fameuse banque d’images enclenchait sa stratégie de monétisation en 2013. Après avoir totalement revu ses pins produits, – trois nouvelles fonctionnalités shopping voient le jour sur le réseau social de partage d’images, afin de développer des revenus e-commerce en complément de ses revenus publicitaires en 2018, la plateforme de recherche visuelle fait son entrée en bourse le 18 avril 2019 sur le New York Stock Exchange.
Si Pinterest a souffert pendant un temps aux États-Unis, -premier marché de Pinterest-, d’une image poussiéreuse, -la mid west wife-, elle s’est lentement mais sûrement rapprochée de la Gen Z qui aujourd’hui représente 40% de ses utilisateurs dans le monde. Utilisée par 537 millions d’utilisateurs actifs mensuels à travers le monde au dernier trimestre 2024, Pinterest est désormais considérée comme un « bureau de tendances mondial » dont l’art de rediriger vers des sites de vente, constitue sa spécificité. Pas de précipitation, ici, mais de l’inspiration, des idées, via des collages, des montages, des associations d’idées et un esprit bienveillant, mot d’ordre de Pinterest qui a l’intelligence de mettre en place des règles importantes et beaucoup de modération.
La plateforme unique en son genre a été jugée dans une enquête publiée en 2023, par des chercheurs de l’université de Berkeley, aux Etats-Unis, comme étant un « lieu qui procurait des émotions positives, contrairement aux autres plateformes vécues comme des sources d’anxiété« . La parole à Jérôme Marty.
INfluencia: votre cahier de tendances a tapé dans le mille l’an dernier …
Jérôme Marty : oui à 80%. Nous avons prédit la tendance « cowboy gothic », deux mois plus tard, Beyonce lançait son album Cowboy Carter, chapeau, cheval, couleur argentée. Et puis ensuite, il y a eu Pharrel Williams et Louis Vuitton qui dévoilaient la tendance cow-boy, entre autres. Autant vous dire que nous étions très fiers d’être aussi justes dans notre rapport.
IN. : quelle est l’évolution des utilisateurs de Pinterest ?
J.M. : contrairement à certaines plateformes dont le public vieillit, nous rajeunissons avec 40% de notre audience qui appartient à la Gen Z. D’ailleurs, cette année, 65% de notre cahier de tendances provient des contenus de la Gen Z.
IN. : que trouvent les utilisateurs de Pinterest, qu’ils ne dénichent pas ailleurs ?
J.M. : je me souviens d’une marque For Us by Us, –Fubu-, versée dans le Hip Hop et née dans les années 90 que j’affectionnais beaucoup. Pour moi Pinterest c’est un peu cette signature. Pinterest est un lieu préservé dans le milieu digital, un endroit où je peux être moi, même si je suis ringard, ou que j’ai des sales goûts, et personne ne va venir me juger. J’y vais parce que j’ai une idée en tête, qui n’est pas encore aboutie, et qui peut trouver forme sur Pinterest. Mon prochain look, ma prochaine déco, mon mariage, une recette bizarre…. C’est moi qui m’y exprime.
IN. : on ne parle pas de consommateurs chez Pinterest, ni de cibles d’ailleurs, mais d’audiences. Pourquoi ?
J.M. : audiences, utilisateurs, public… Pinterest a une philosophie simple mais qui change tout à l’approche et aux raisons pour lesquelles on l’utilise : 96% des requêtes ne contiennent pas de noms de marques. Ce qui vous donne une idée de la neutralité de Pinterest. Une étude récente réalisée au sein de l’université de Berkley expliquait, que dix minutes sur Pinterest par jour préservaient les jeunes du burn out, du stress, de la solitude. J’ai souhaité valider cette assertion auprès du neuroscientifique Olivier Oullier (Inclusive Brains) qui m’a confirmé la validité de cette phrase, en ajoutant que Pinterest préservait de la toxicité environnante. Au risque de me répéter, aujourd’hui, révéler ce que je suis, sans que l’on se moque de moi est quasiment impossible. Ici, je vais pouvoir être mon vrai moi. Nous entraînons nos algorithmes afin qu’ils soient toujours aussi positifs, aujourd’hui.
IN. : diriez-vous que vous répondez à une quête d’authenticité de la part des utilisateurs qui ne savent plus qui être eux-mêmes… ?
J.M. : être une plateforme visuelle, qui n’appelle pas à la comparaison, qui permet d’affirmer ses idées, de développer ses goûts, dont l’expérience shopping ne repose pas sur le principe même du commerce, c’est être authentique. Ce qui est très intéressant c’est que Pinterest suggère de manière subtile des objets, des matériaux, aide les gens à réaliser une idée, un projet, sans l’obliger, sans lui vendre d’emblée des marques. Au final, s’il le souhaite, il pourra, mais s’il trouve une autre solution, c’est son choix. Pour être plus précis encore, sa dynamique repose sur le développement d’un produit fondamentalement plus performant, qui se concentre sur ce qui nous distingue : trouver l’inspiration, choisir et faire du shopping le tout sur une seule et même plateforme. Grâce à ses data first-party, Pinterest dispose de données uniques pour proposer l’expérience la plus qualitative et personnalisée en fonction des goûts de chaque utilisateur. Ses fonctionnalités d’IA telles que Shop the Look ou les recommandations de produits similaires font de Pinterest un assistant shopping sur mesure.
IN. : cela ne vous empêche pas d’être une plateforme commerciale ?
J.M. : non, évidemment. Mais notre objectif n’est pas de retenir le public le plus longtemps sur Pinterest, ou de capter tout le temps de cerveau disponible… Nos utilisateurs cheminent à leur rythme, cherchent l’inspiration, et seulement après, passeront (ou pas) à l’action. Nous avons dépassé le demi-milliard d’utilisateurs cette année, réalisons en termes d’audience, une croissance de +12%, je pense que notre ADN qui va à contre-courant de la plupart des plateformes y est pour beaucoup. Le fait que nous procédions par « propositions » est la clé. Nous continuons nos efforts pour faire de Pinterest une plateforme toujours plus positive, et rester à l’avant-garde de l’industrie en la matière à travers nos politiques et nos technologies. Les filtres de recherche Skin Tone, Hair Pattern, Body Type Ranges illustrent bien notre approche.
IN. : quand vous dites que 85% de vos utilisateurs se « redirigent » au final vers les marques présentes sur Pinterest, qu’entendez-vous par là ?
J.M. : tous les achats se font à l’extérieur de la plateforme. Nous nous rémunérons sur les publicités présentes sur la plateforme. La publicité est différente mais toujours en phase avec le contenu de créateurs. « La publicité est différente mais en phase avec les attentes des utilisateurs. En effet, la marque n’est pas la première à apparaître et vient contribuer à un projet en cours. Ces dernières concoctent leurs visuels et peuvent bénéficier de l’accompagnement de nos équipes créatives pour répondre au mieux aux attentes de leurs cibles. En ce sens, la publicité est additive, complémentaire de l’offre en termes de contenus. C’est notre force ».
IN. : diriez-vous que le contexte actuel, disons-le hostile, joue en votre faveur ?
J.M. : Pinterest existe depuis 2010, l’un des trois fondateurs est collectionneur de papillons … Plus sérieusement, nous avons mis en place un écrin positif, nous sommes un refuge et surtout nous avons trouvé notre proposition de valeur. L’engagement de notre public a énormément augmenté.
IN. : rassurez-nous, vous ne faites pas semblant d’être authentiques ?
J.M. : (rires) non, vraiment, je crois que nous sommes comme ça, et que le succès de Pinterest, on le doit à son authenticité. Feindre l’authenticité est dangereux. En termes de communication, il y a beaucoup de boutiques, d’artisans qui viennent justement apporter aussi cette authenticité à la plateforme. Un tas de petites marques, boutiques, artisans, qui côtoient des marques plus installées. Le luxe vient aussi créer une désirabilité sur Pinterest. On ne fait pas leur promotion. On n’est pas un catalogue.
IN. : quelle sera la tendance 2025 ?
J.M. : Il y a vingt tendances (NDLR, à consulter au bas de l’interview ou (ici) que nous avons révélées la semaine dernière. 65% sont comme je le disais tout à l’heure, issues de la génération Z. Et cette génération est différente des autres générations. La Gen Z planifie moins que les autres, elle façonne les esthétiques, les looks, les personnages, applique avec authenticité son imagerie et est très créative. La Gen Z façonne aussi beaucoup la plateforme, parmi les plus inspirantes, j’ai personnellement retenu « Cerise Mania », « Auradieuse », maquillage très peps, « iridescent ». « Bike Ère », « Double Je », « Château-Core » et « Vacances au sommet ». « Cauchemar en cuisine » est aussi très originale, avec ses desserts en forme de rats, de mâchoires et de drôles de créatures… La Gen Z apporte une vraie fraîcheur et des codes hyper créatifs.
IN. : combien de temps passent les fans de Pinterest sur leur plateforme favorite ?
J.M. : justement ce n’est pas ce que l’on mesure. L’objectif est qu’ils réalisent leur(s) projet(s), en revanche en analysant leur utilisation, nous savons qu’ils scrollent trois fois plus lentement (Étude Lumen commissionnée par Pinterest “Pinpointing Attention Study”, EMEA, janvier 2023) que sur les autres plateformes. C’est une fenêtre sur l’avenir dont nos utilisateurs rêvent.
Le cahier de tendances Pinterest Predicts 2025 est à découvrir ici.