10 décembre 2024

Temps de lecture : 3 min

Cyril Gaillard (Bénéfik) : « Cette vente aux enchères de marques déposées est un test »

Le fondateur de l’agence de naming Bénéfik a mis aux enchères chez Drouot 40 noms de marque qu’il a créés et déposés à l’INPI. Cette première française est un galop d’essai après le vote de la loi de 2022 qui permet la vente d’actifs immatériels. Alors si vous voulez appeler votre parfum Argument, Bouleversant, Cotillon, Folle Passion ou Galipette, renchérissez... Vous avez jusqu’au 16 décembre...
MARQUE

INfluencia : Vous organisez chez Drouot la première vente aux enchères de marques déposées. Comment est née cette idée ?

Cyril Gaillard : Notre agence de naming a créé ces vingt dernières années près de 900 marques dont de nombreuses références comme les parfums Téméraire et Désinvolte pour Givenchy, Citron Soleil pour Rochas et dans d’autres secteurs, la santé avec Mélioran et Noctesia pour Pilèje, ou de nombreux noms de sociétés comme Carmila pour Carrefour, Klarys et Vancelian. Nous avons parmi nos clients Safran, Airbus, Système U, Hermes et Groupama. En 2022, la législation a changé. Elle permet désormais la vente aux enchères d’actifs immatériels dont les marques. L’exemple de Camaïeu a été un cas d’école qui a fait couler beaucoup d’encre.

IN. : Pourquoi ?

C. G. : La marque a été rachetée 1,8 million d’euros par le repreneur de Celio et Jennyfer. Cet exemple ne peut pas être reproduit à l’infini car il s’agit d’un nom très connu sur lequel beaucoup d’argent a été dépensé en publicité mais il a ouvert la voie et montré qu’il était possible de vendre des noms de marque.

IN. : Les marques que vous mettez aux enchères existaient-elles depuis longtemps ?

C. G. : Non. Nous avons créé et déposé à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) près de 600 noms à ce jour. Nous en avons déjà vendu une soixantaine à des clients mais nous voulions aller plus loin en testant le modèle de la vente aux enchères. Personne d’autre ne l’a fait avant nous en France et peut-être même dans le monde. Les 40 noms proposés chez Drouot ont été déposés dans l’univers des produits de parfumerie/cosmétiques.

IN. : Que voulez-vous dire ?

C. G. : Lorsque vous avez enregistré un nom à l’INPI, vous pouvez le déposer dans 45 classes différentes. Si vous protégez votre marque dans une seule classe, elle pourra être utilisée par d’autres sur d’autres secteurs. C’est pour cette raison que Montblanc en France est à la fois un stylo, une crème dessert et une eau minérale. Pour cette vente aux enchères, nous avons choisi des marques dans l’univers des parfums et des cosmétiques (classe 3) car c’est l’un des secteurs pour lequel il est particulièrement difficile de trouver un nom libre. Il existe en effet de très nombreux acteurs importants qui eux-mêmes commercialisent beaucoup de produits mais également des petits acteurs qui lancent des « petites marques ». Les très grands groupes comme L’Oréal, Kering, LVMH et Coty ont, de surcroît, des stocks non utilisés de noms de marque, ce qui accentue la difficulté de trouver un nom de marque libre.

IN. : Déposer une marque coûte quel prix ? 

C. G. : Le dépôt d’une marque dans une classe à l’INPI coûte 190 euros. Chaque classe supplémentaire est facturée 40 euros.

IN. : Ces prix paraissent bien dérisoires comparés à vos enchères chez Drouot dont les mises à prix sont comprises entre 3000 et 7200 euros…

C. G. : Cela peut en effet sembler être le cas mais le dépôt d’un nom à l’INPI ne représente qu’une étape d’un processus bien plus long et compliqué. Créer une marque est un process très chronophage et anxiogène. Les équipes marketing trouvent des noms que le service juridique refuse souvent parce qu’ils ont déjà été déposés par d’autres dans le même secteur d’activité. L’intérêt de notre offre est qu’elle permet de faire gagner un temps précieux à nos clients et d’accélérer le lancement des projets qui souvent se heurtent à l’indisponibilité des noms auxquels les sociétés pensent.

IN. : L’INPI ne vous permet pas d’éviter de telles déconvenues ?

C. G. : Pas réellement. Aux Etats-Unis, l’organisme sur lequel vous déposez les noms vérifie si ces marques existent déjà. L’INPI vous conseille, lui, de faire cette vérification mais il ne vous y oblige pas. Beaucoup de gens tentent de changer l’orthographe de marques reconnues en déposant des noms comme Ermès ou Jacoste mais dans le droit des marques, c’est la phonétique qui compte, pas l’orthographe. Je vous donne un autre exemple : tapez Easy Cool sur le site de l’INPI. Vous voyez que cette marque n’a pas été déposée. Vous pouvez donc l’enregistrer mais vous pouvez être certain qu’Easyjet vous enverra une lettre deux mois plus tard pour vous demander de retirer votre nom. D’ici là, vous aurez terminé votre site web et envoyé vos premiers courriels mais vous devrez tout recommencer à zéro.

IN. : Vos enchères, qui se tiennent jusqu’au 16 décembre, attirent-elles des acheteurs ?

C. G. : Pas pour l’instant mais nos partenaires nous disent souvent que les acheteurs se manifestent au dernier moment pour tenter d’obtenir le prix le plus bas possible. Nous avons défini nos mises à prix selon trois critères. Le premier est sémantique et subjectif car nous considérons que certains noms ont plus de potentiel que d’autres. Le second est financier afin de permettre à de petites structures de les acheter. Et nous avons aussi déposé des noms premiums dans plusieurs catégories, plus large que les cosmétiques comme les montres et les bijoux. Nous ne faisons aucun plan sur la comète concernant ces enchères. C’est un test qui nous dira si la vente de biens immatériels a un avenir ou non.

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