Si nous n’en sommes pas encore, comme la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, à planifier une interdiction définitive du tabac, la France peut s’enorgueillir d’avoir réduit de moitié la consommation quotidienne des moins de 18 ans en une décennie (de 32,4% en 2014 à 15,6% en 2022) et sensibilisé au moins 6 fumeurs réguliers sur 10 qui déclarent vouloir prochainement arrêter.
Cette cible conséquente de plus de 7 millions d’individus, moins attirée par les substituts disponibles en pharmacie (chewing-gum, timbres, sprays, gommes), est donc la proie de nouvelles propositions, la plupart du temps orchestrées par les cigarettiers eux-mêmes, à la recherche de produits moins nocifs.
Dans les vaps
Au premier rang duquel, la cigarette électronique introduite en France en 2005, dont l’usage a véritablement explosé en 2010 avec une réglementation seulement depuis 2016, sur la base des mêmes interdictions que la cigarette. Avec le tabac chauffé (sans combustion, ni papier), ce marché représente déjà 16 milliards d’euros et 3% de la consommation mondiale en 2022. En France, il a doublé depuis 2016, avec plus de 4 français, de 18 à 75 ans, sur 10 qui l’ont déjà expérimentée et 5,5% de vapoteurs réguliers. Interdite dans 32 pays, elle a été confortée en France par les autorités sanitaires comme un bon moyen de se sevrer du tabac pour un usage devenu d’ailleurs rapidement plus acceptable socialement.
À tel point que les réseaux sociaux se sont saisis de cette nouvelle perception du cool pour en faire une tendance avec le lancement en 2021 de l’e-cigarette jetable aux arômes ludiques, la fameuse Puff. Économique (en moyenne 7,90€), la Puff a rapidement conquis le marché de jeunes. Mais avec son degré élevé de nicotine, très addictif et son usage unique d’une batterie non recyclable, elle est devenue la cible du gouvernement qui l’a faite interdire en mars dernier à l’unanimité des chambres. Alors que le décret d’interdiction n’est à date toujours pas en vigueur, une rumeur de chasse aux sorcières lucrative des puffeurs a enflammé la toile (à 600€ la dénonciation !), nécessitant jusqu’à un démenti officiel. Qu’importe !
La puff est morte, vive les pouches !
Sans tabac, ces petits sachets perméables en fibres de polymères, imprégnés de nicotine à forte dose et d’arômes, se placent entre la lèvre et la gencive pour diffuser progressivement, via les muqueuses, son contenu jusqu’au sang. À ne pas confondre avec le Snus, sachet de tabac, totalement interdit en Europe. Très accessibles (on parle de 5€ la boîte de 20), ces pouches circuleraient dès le collège avec déjà 47% des 13-16 ans, aujourd’hui fumeurs, qui déclarent avoir commencé leur initiation avec. Aux USA, la consommation de pouches dépasse déjà l’usage des cigarettes électroniques dans de nombreux états. Aussi, puisqu’il est établi que le risque d’addiction à la nicotine est plus élevé que l’alcool ou même l’opium, la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a récemment pris position pour une interdiction, pointant du doigt des accidents nicotiques aigus, parfois sévères chez les plus jeunes (vomissements, convulsions, hypotension, troubles de la conscience).
Que dire alors des perles ou des gommes de nicotine, encore en vente libre.
Le pis aller CBD ?
Il est toutefois intéressant de noter que ces alternatives, faiblement encadrées en France comme en Europe, suivent le chemin de l’interdiction quand la libéralisation du cannabis questionne de plus en plus.
Probablement du fait de l’expérimentation autour du CBD (cannabidiol), en vente libre depuis 2017, dont plus des ¾ des Français ont déjà entendu parler et 10% ont déjà consommé. Si les plus âgés préfèrent les comprimés ou les huiles dans une visée auto-thérapeutique ou de bien-être, les moins de 35 ans (17,5% d’utilisateurs dans l’année) y voient l’opportunité de limiter les joints en fumant leur CBD. Il faut dire que la France est le 1er pays consommateur d’Europe de cannabis (5 millions d’usagers par an dont 1 million tous les jours, avec des mineurs deux fois plus concernés que la moyenne européenne). Or, si le cannabis est moins dangereux que l’alcool ou le tabac chez l’adulte, ce n’est malheureusement pas vrai chez les adolescents.
Cet enjeu de santé publique est aussi économique et social avec de nombreux rapports et une consultation citoyenne qui concluent tous aux bénéfices d’une légalisation encadrée et régulée d’une prohibition qui nourrit aujourd’hui les trafics et la criminalité. Il y est souligné, par exemple, l’impact positif qu’aurait la réaffectation du budget de lutte anti-drogue (1 milliard d’euros en 2023) à la prévention auprès des plus jeunes. Le débat est complexe et le recul sur les expériences européennes ou canadiennes encore mal renseigné ou insatisfaisant pour pouvoir trancher.
Out of the brain
Alors, dans ce contexte sensible, d’autres alternatives existent-elles ? Dans notre environnement anxiogène et incertain, le retour de pratiques ancestrales autour du chamanisme conduit à une forme de renaissance psychédélique mais plus prudente et contrôlée que dans les années 70. On recherche tout autant un état modifié de conscience pour connaître son animal-totem ou lutter contre la dépression qu’accroître sa créativité et/ou sa productivité dans le travail. Le microdosage, dont la légalisation serait à l’étude en France avec une requalification de la définition des stupéfiants, pourrait répondre à ces nouvelles attentes, selon des protocoles personnalisables en accès libre : avec environ 1/10ème de la dose « classique » de LSD, MDMA (ecstasy) ou encore de champignons hallucinogènes, chacun peut bénéficier des effets de stimulation cognitive, d’ivresse visionnaire ou de résonance avec la nature, sans le bad trip et les hallucinations associés.
Selon certains, il serait également possible de rééquilibrer seul son cerveau en réalisant une détox de 7 jours, sorte de jeûn de toutes nos addictions artificielles modernes (écrans, malbouffe, tabac, alcool, caféine…) au profit d’activités naturelles et simples, capables de reprogrammer son système de récompense, à l’origine de la production de dopamine. Et cela, en attendant que le spray nasal de Lévodopa, développé pour les malades de Parkinson, soit proposé au plus grand nombre.
Si rien de tout cela ne vous tente, il est désormais possible, grâce au travail conjoint de Corinne Sombrun, journaliste chamane et de neuroscientifiques, d’arriver à se mettre en transe cognitive auto-induite, grâce à la découverte d’ondes spécifiques que ces spécialistes ont réussi à inclure dans des morceaux musicaux pour accéder, sans intermédiaire, à une réalité augmentée de conscience, au potentiel thérapeutique avéré.
Et dire qu’on sait depuis toujours que la musique adoucit les mœurs !