Le tourisme spatial fait-il encore rêver en 2024 ?
Vast, une start-up américaine fondée en 2021, annonce le lancement de la première station spatiale commerciale au monde d’ici 2025. Les premières expéditions habitées devraient suivre l’année suivante. Un projet complètement fou qui aurait fait couler beaucoup d’encre il y a encore quelques années mais force est de constater que le tourisme spatial n’a pas autant la côte que dans les années 2000.
Longtemps cantonné au champ onirique, le tourisme spatial s’est doucement immiscé dans notre réalité au début du XXIème siècle. Entre 2001 et 2009, sept apprentis astronautes ont ainsi voyagé à bord des fusées Soyouz jusqu’à la Station spatiale internationale contre la coquette somme de 20 à 25 millions de dollars US par expédition. La prestation étant négociée par une compagnie américaine, Space Adventures, en lien avec son homologue de l’État Russe, Roscosmos – l’équivalent de la NASA – et une compagnie russe de vaisseaux spatiaux. À noter que l’Américain Dennis Tito fut le premier d’entre eux à franchir le pas le 28 avril 2021.
Malgré l’engouement que ces vols ont immédiatement suscité dans les médias et dans la tête des rêveurs qui n’ont pas les pieds sur terre, ils ont subitement pris fin en 2010 en raison de l’augmentation du nombre de membres de l’équipage de l’ISS puisqu’il n’y avait simplement plus assez de place pour accueillir des touristes… même les plus riches. Loin de provoquer l’ire d’un grand public auquel ces voyages n’étaient de toute façon pas destinés, ce coup d’arrêt condamna simplement le tourisme orbital à regagner gentiment les terrains de la science-fiction – sauf quelques exceptions – … jusqu’à aujourd’hui.
Vis ma vie d’astronaute
Non, vous ne rêvez pas : Haven-1, la première station spatiale commerciale au monde, sera lancée en orbite dès l’année prochaine par SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk spécialisée dans le domaine de l’astronautique. Ses premiers visiteurs pourront l’occuper en 2026, mais Vast, son promoteur, a déjà partagé quelques détails concernant sa conception, sûrement dans le but de susciter l’enthousiasme – médiatique au moins – et d’appâter de futurs clients. L’entreprise fondée il y a trois ans par le milliardaire américain Jeb McCaleb qui a fait fortune grâce à l’informatique, affirme avoir mis l’accent sur le confort, la fonctionnalité pour les usagers, les avancées technologiques et la recherche scientifique. L’équipe de conception a été dirigée par Peter Russell-Clarke, anciennement designer industriel chez Apple, et conseillée par Andrew Feustel, astronaute chevronné de la NASA.
L’aménagement intérieur de Haven-1 est décrit par ses constructeurs comme chaleureux et accueillant pour « donner la priorité au bien-être et à l’expérience des astronautes et des membres d’équipage » et concrétiser sa volonté de rendre le tourisme spatial accessible à tous. Peter Russell-Clark a précisé dans un communiqué que « les astronautes vivant en apesanteur posent des défis uniques en matière de conception » auxquels il fallait répondre en donnant naissance à « un environnement à la fois fonctionnel et réconfortant ». La bonne – l’unique ? – méthode pour permettre « aux occupants de véritablement s’épanouir dans l’espace ».
La simplicité à plus de 100 km d’altitude
Vast explique dans son communiqué qu’il fallait donc axer le développement sur l’expérience des astronautes à bord. Les futurs occupants pourront ainsi profiter de l’indispensable salle commune – sur laquelle nous reviendrons juste après – ainsi que des quatre quartiers privés qui leur permettront de piquer un petit somme la tête dans les étoiles, se divertir et même de communiquer avec la Terre grâce à la technologie Starlink de SpaceX. Chaque astronaute disposera également d’un compartiment de rangement intégré, d’une coiffeuse et d’une trousse de toilette personnalisée.
La qualité du sommeil a également occupé une place centrale dans la conception de Haven-1. À entendre d’anciens astronautes de l’ISS, dormir en apesanteur a toujours été compliqué à appréhender en raison de l’inconfort des systèmes de retenue. Pour résoudre le problème, l’entreprise s’est échinée à imaginer un lit queen-size, s’il vous plait, qui fournirait une pression uniforme tout au long de la nuit pour mieux s’adapter aux lombaires de chaque locataire.
Le nec plus ultra
Bien évidemment, à l’image de toute « colocation » terrestre qui se respecte, la station disposera d’un espace commun de 24 m³, où les membres de l’équipage pourront se réunir pour travailler, manger et se détendre en communauté. Il comprend également une fenêtre en dôme permettant d’observer les étoiles en toute quiétude ainsi que d’une salle de sport pour s’entretenir, la condition essentielle au maintien de sa condition osseuse et cardiovasculaire en apesanteur. Grâce à un système de bandes et d’ancrages corporels, les membres de l’équipage pourront effectuer des exercices de résistance pour le haut et le bas du corps.
Clou du spectacle, Haven-1 dispose d’un laboratoire que Vast décrit sans sourciller comme « la première plateforme de recherche, de développement et de fabrication en microgravité sur une station spatiale commerciale ». Ce laboratoire peut également être contrôlé et surveillé à distance. « Nous avons l’ambition de créer un avenir où tout le monde vivra et prospérera sur Terre et dans l’espace, ce qui, bien sûr, nécessite un changement dans la façon dont nous abordons la conception pour tous les milieux et tous les niveaux de confort », conclut Hillary Coe, directrice de la conception et du marketing chez Vast.
Un coup d’épée – laser – dans l’eau ?
Une actualité folle en entrainant une autre : il y a 10 jours, le voyage spatial signait l’un de ses plus gros exploits puisque pour la première fois, quatre personnes non professionnelles effectuaient une sortie dans l’espace. Pourtant, tout comme l’officialisation de Haven-1 dont nous venons de parler, cette annonce n’a fait que très peu de bruit dans la presse généraliste. Même les médias spécialisés dans la tech ont préféré s’étendre sur une autre actualité du secteur, toujours avec Elon Musk mais en tête d’affiche cette fois : la présentation de ses robots domestiques et de ses véhicules autonomes. Presque comme si l’idée de s’envoyer en l’air pour quelques jours contre plusieurs millions d’euros était finalement déconnectée de la réalité… et donc de l’intérêt, du grand public… étrange.
L’autre clé de compréhension qui nous permettrait de répondre à l’affirmative à la question posée en titre de cet article est évidemment d’ordre écologique. Pour Michel Messager, fondateur de l’Institut européen du tourisme spatial, interrogé par RFI le 12 septembre dernier, les mentalités ne collent plus : « Effectivement, en Europe, la génération destinée au tourisme de l’espace a aujourd’hui 20 ans. Or, les jeunes ont un plus grand souci écologique que leurs aînés ». Avant d’enchaîner dans un article de La Tribune : « Il faut donc les convaincre en COMMUNIQUANT plus, tout en répondant à leurs attentes ». Tant que les billets seront aussi chers… et que la planète n’aura pas retrouvé des couleurs, pas sûr qu’une prise de parole, aussi bien formulée et incarnée soit elle, soit suffisante pour remettre la lumière sur le tourisme spatiale…
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